et la Zone du dehors ?
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et la Zone du dehors ?
Je suis étonné de ne pas trouver ici de fil dédié à ce roman d'Alain Damasio, réédité (et réécrit, j'ignore à quel point) en 2007, et (re ?)sorti récemment en poche chez Folio. A moins que je ne sois vraiment pas doué pour la fonction "recherche" ?
Bien sûr, la Zone a été évoqué dans le sous-forum dédié aux questions à Alain Damasio... mais ce n'est pas la même chose !
Pour dire les choses simplement, là où la Horde avait forcé mon admiration, la Zone m'a touché de façon bien plus profonde et personnelle... c'est sans doute l'effet politique.
Il s'agit d'un de ces romans qui parlent au moins autant d'aujourd'hui que d'anticipation, et les allusions sont souvent transparentes... voire dépassées par la réalité, comme AD le remarque lui-même dans sa postface à la 2e édition.
On pense bien évidemment à Révolte sur la Lune, bien plus d'ailleurs qu'à 1984. Le ton est souvent étonnamment optimiste, l'immersion dans le mouvement - la Volte est totale, mais l'alternative - la Norme, le conformisme qui permet d'avaler toutes les couleuvres et de se couler dans le moule de la société décrite - vient nous titiller dans nos tendances coupables à épouser la pensée dominante, voire unique.
Il s'agit surtout d'un livre pour lequel, une fois terminé, on a envie de faire la promotion. J'envisage de l'offrir pour les fêtes à presque tous les gens que je connais. Une partie, pour leur faire plaisir, les autres, pour les déstabiliser un peu !
Un reproche ? oui, sans doute : le livre a ce défaut des textes engagés, il ne peut sans doute "parler" qu'à ceux qui sont prêts à le recevoir.
Ceci étant cumulé aux limites des textes SF : pour certains, j'ai peur que le cadre (Saturne ou sa banlieue), le vocabulaire (glisseurs, suiveuse... dans le premier chapitre) et les noms de personnages très SF, même si ce n'est en aucun cas gratuit, les privent de ce texte pourtant tellement riche...
S.
Bien sûr, la Zone a été évoqué dans le sous-forum dédié aux questions à Alain Damasio... mais ce n'est pas la même chose !
Pour dire les choses simplement, là où la Horde avait forcé mon admiration, la Zone m'a touché de façon bien plus profonde et personnelle... c'est sans doute l'effet politique.
Il s'agit d'un de ces romans qui parlent au moins autant d'aujourd'hui que d'anticipation, et les allusions sont souvent transparentes... voire dépassées par la réalité, comme AD le remarque lui-même dans sa postface à la 2e édition.
On pense bien évidemment à Révolte sur la Lune, bien plus d'ailleurs qu'à 1984. Le ton est souvent étonnamment optimiste, l'immersion dans le mouvement - la Volte est totale, mais l'alternative - la Norme, le conformisme qui permet d'avaler toutes les couleuvres et de se couler dans le moule de la société décrite - vient nous titiller dans nos tendances coupables à épouser la pensée dominante, voire unique.
Il s'agit surtout d'un livre pour lequel, une fois terminé, on a envie de faire la promotion. J'envisage de l'offrir pour les fêtes à presque tous les gens que je connais. Une partie, pour leur faire plaisir, les autres, pour les déstabiliser un peu !
Un reproche ? oui, sans doute : le livre a ce défaut des textes engagés, il ne peut sans doute "parler" qu'à ceux qui sont prêts à le recevoir.
Ceci étant cumulé aux limites des textes SF : pour certains, j'ai peur que le cadre (Saturne ou sa banlieue), le vocabulaire (glisseurs, suiveuse... dans le premier chapitre) et les noms de personnages très SF, même si ce n'est en aucun cas gratuit, les privent de ce texte pourtant tellement riche...
S.
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
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La fonction "recherche" doit déconner, parce qu'on en avait parlé.
Bon, re-hop.
Avis très personnel, toussa, hein.
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Hop : Cédric FERRAND, Wastburg
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Très jolie remise de pendule à l'heure, je plussoie vigoureusement (sur un plan strictement philosophique, parce que je n'ai pas lu la Zone)
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Citation sur le blog de Nébal:
J'ai réellement retrouvé dans cet ouvrage un moment particulier de ma vie : celui où j'avais assimilé suffisamment de connaissances et de références pour poser un regard critique et argumenté sur des problèmes aussi insoluble que « le peuple », « la démocratie », « la liberté », mais où je n’avais pas encore suffisamment intégré ces mêmes connaissances pour les relativiser, les pondérer, bref, en tirer une sagesse (ce qui ne veut pas dire que je suis sage maintenant, loin s’en faut). Ca s’appelle le syndrome du « d’jeunes étudiant en lettre ». Avec la Zone du dehors, j’ai retrouvé cette « fougue », cette inspiration, ces illusions intellectuelles qui m’ont conduit aujourd’hui… à être un cynique – au sens antique du terme – avant tout. Mais tout de même, quel plaisir (condescendant) de voir ces communautés de voltés s’effondrer, ces fausses AG pleines de l’illusion de la démocratie, ce terrorisme « juvénile » (« mais heeuuuhhh !!! on voulait pas couper les jambes de la petite fille… »).
On dira ce qu’on voudra mais, dans la catégorie premier roman, La Zone du dehors se situe tout même dans le haut du panier de la production francophone actuelle. A lire, donc, ne serait-ce que pour enchainer avec La Horde du Contrevent dont je ne dirai jamais assez de bien…
Plutôt d'accord avec cette critique. Pour moi, même si j'ai été impressionné (bon, ok, un peu impressionné) par son développement de la société d'autocontrôle – ce n’est plus le gouvernement qui me surveille, c'est moi - j'ai été plus particulièrement intéressé par "l'impulsion d’jeunes" de ce roman. Je m'explique:Nébal a écrit : Restent quand même quelques bonnes choses ici ou là, quelques éclats d’intelligence et de bon goût, qui font de La Zone du dehors un premier roman pas abouti, très critiquable, mais pas totalement inintéressant non plus : je ne regrette pas ma lecture et c’est déjà bien.
J'ai réellement retrouvé dans cet ouvrage un moment particulier de ma vie : celui où j'avais assimilé suffisamment de connaissances et de références pour poser un regard critique et argumenté sur des problèmes aussi insoluble que « le peuple », « la démocratie », « la liberté », mais où je n’avais pas encore suffisamment intégré ces mêmes connaissances pour les relativiser, les pondérer, bref, en tirer une sagesse (ce qui ne veut pas dire que je suis sage maintenant, loin s’en faut). Ca s’appelle le syndrome du « d’jeunes étudiant en lettre ». Avec la Zone du dehors, j’ai retrouvé cette « fougue », cette inspiration, ces illusions intellectuelles qui m’ont conduit aujourd’hui… à être un cynique – au sens antique du terme – avant tout. Mais tout de même, quel plaisir (condescendant) de voir ces communautés de voltés s’effondrer, ces fausses AG pleines de l’illusion de la démocratie, ce terrorisme « juvénile » (« mais heeuuuhhh !!! on voulait pas couper les jambes de la petite fille… »).
On dira ce qu’on voudra mais, dans la catégorie premier roman, La Zone du dehors se situe tout même dans le haut du panier de la production francophone actuelle. A lire, donc, ne serait-ce que pour enchainer avec La Horde du Contrevent dont je ne dirai jamais assez de bien…
Si la science est l'unique aspect déterminant de la SF, et que la psychologie est une science, alors Madame Bovary est de la SF
Bonjour,
j'ai lu le billet de Nébal, et je dois dire que je trouve assez impitoyable (mais pas vraiment injuste) le traitement réservé à ce bouquin : dans ce qu'il a de littéraire, il est critiqué comme un roman... mais pour l'aspect idéologique, la critique glisse sur le terrain des essais et de la cohérence des idées.
Il me paraît important, en fait c'est même un pré-requis, d'admettre quelques mécanismes lors de la lecture de romans de SF politiques.
1- l'analyse politique est restreinte, contrainte par le cadre fictionnel dans lequel l'auteur la situe, et le cadre fictionnel n'apporte jamais toutes les nuances d'une situation historique. Et encore, ici, Damasio ne s'en sort pas si mal selon moi : le projet anarcho-artistique de la Volte remporte, c'est vrai, une certaine adhésion politique, mais d'une part c'est bien décrit comme une adhésion de circonstance, une mode ou une tocade... et d'autre part, cette adhésion s'arrête sur un chiffre réaliste, trop rond et un peu trop intentionnel d'ailleurs : 10%. Ces 10%, c'est la fraction que Damasio croit sensible aux idées qu'il met dans les mots et dans les actes de ses personnages. La scène du supermarché, d'ailleurs, dans le dernier quart du bouquin, redonne un peu de nuance au bouquin : et si "la masse" qui permet au système d'exister n'était pas victime, endoctrinée, mais simplement satisfaite ? C'est selon moi - de façon très schématique et imparfaite, bien sûr - l'argument le plus fort qu'on peut opposer aux radicaux de tout poil :
"-mais les gens sont d'accord !
- donc ils sont manipulés !
- les croyez-vous vraiment si cons ?"
2- le réalisme, politique ou science-fictionnel, n'ai strictement aucune importance... mais c'est peut-être symptomatique de notre époque de voir la colonisation du système solaire dans 70 ans comme irréaliste, alors qu'il y a 30 ans certains auteurs le voyaient presque pour ... aujourd'hui. Enfin, selon moi la relative proximité des dates ne sert qu'à permettre à Capt de citer les auteurs préférés de Damasio...
Mais peu importe, au fond. Comme en thermodynamique, le roman politique SF ne s'encombre pas de situations réelles : l'exercice consiste, à partir d'un point A correctement défini, à arriver à un point B - qui, dans les meilleurs dystopies, sera irrémédiablement proche de A, de Nous Autres à Brazil (director's cut) en passant par 1984... ici, Damasio pêche sans doute par optimisme, le final étant effectivement plusieurs crans au dessous de la première moitié du récit. C'est pour ça que Révolte sur la Lune de RA Heinlein m'est venu à l'esprit... il partage à mon avis ce défaut.
L'écriture, c'est vrai, fourmille de tentatives stylistiques allant de la trouvaille au jeu de mot vaseux. Les habitants de la "Rad-zone" sont à mon avis exemplaires en cela, et on sent que Damasio cherche "la" formule... et qu'il nous livre toutes ses tentatives au passage. "Radieux", "rats d'zone", "Radiés"... tout ça est, certes, plus ou moins heureux. Mais l'égo de Damasio ne participe pas seulement de son génie, il lui en tient lieu. Ses romans (la Zone comme la Horde) sont surtout riches de ce qu'il ose tout, qu'il expose tout et qu'il n'hésite pas à s'imposer des contraintes qui peuvent aller du ridicule au sublime.
Sinon, sur cette phrase de l'excellent billet de Nébal :
Et la réponse est... "pas bien !" la Volte utilise la violence, la torture, la manipulation, ... et l'on voit bien que rien, jusqu'aux 2/3 du livre en tous cas, ne justifie vraiment ces entorses aux grand principes défendus.
La grande faiblesse de la fin, pour moi, est de justifier a posteriori les excès de la Volte en changeant la nature de l'ennemi : d'un système démocratique protéiforme fondé sur des restrictions librement consenties de liberté, le système devient une sorte de KGB justifiant du coup toutes les violences. C'est catharsique, mais ça ne répond pas à la question.
Sylvain
j'ai lu le billet de Nébal, et je dois dire que je trouve assez impitoyable (mais pas vraiment injuste) le traitement réservé à ce bouquin : dans ce qu'il a de littéraire, il est critiqué comme un roman... mais pour l'aspect idéologique, la critique glisse sur le terrain des essais et de la cohérence des idées.
Il me paraît important, en fait c'est même un pré-requis, d'admettre quelques mécanismes lors de la lecture de romans de SF politiques.
1- l'analyse politique est restreinte, contrainte par le cadre fictionnel dans lequel l'auteur la situe, et le cadre fictionnel n'apporte jamais toutes les nuances d'une situation historique. Et encore, ici, Damasio ne s'en sort pas si mal selon moi : le projet anarcho-artistique de la Volte remporte, c'est vrai, une certaine adhésion politique, mais d'une part c'est bien décrit comme une adhésion de circonstance, une mode ou une tocade... et d'autre part, cette adhésion s'arrête sur un chiffre réaliste, trop rond et un peu trop intentionnel d'ailleurs : 10%. Ces 10%, c'est la fraction que Damasio croit sensible aux idées qu'il met dans les mots et dans les actes de ses personnages. La scène du supermarché, d'ailleurs, dans le dernier quart du bouquin, redonne un peu de nuance au bouquin : et si "la masse" qui permet au système d'exister n'était pas victime, endoctrinée, mais simplement satisfaite ? C'est selon moi - de façon très schématique et imparfaite, bien sûr - l'argument le plus fort qu'on peut opposer aux radicaux de tout poil :
"-mais les gens sont d'accord !
- donc ils sont manipulés !
- les croyez-vous vraiment si cons ?"
2- le réalisme, politique ou science-fictionnel, n'ai strictement aucune importance... mais c'est peut-être symptomatique de notre époque de voir la colonisation du système solaire dans 70 ans comme irréaliste, alors qu'il y a 30 ans certains auteurs le voyaient presque pour ... aujourd'hui. Enfin, selon moi la relative proximité des dates ne sert qu'à permettre à Capt de citer les auteurs préférés de Damasio...
Mais peu importe, au fond. Comme en thermodynamique, le roman politique SF ne s'encombre pas de situations réelles : l'exercice consiste, à partir d'un point A correctement défini, à arriver à un point B - qui, dans les meilleurs dystopies, sera irrémédiablement proche de A, de Nous Autres à Brazil (director's cut) en passant par 1984... ici, Damasio pêche sans doute par optimisme, le final étant effectivement plusieurs crans au dessous de la première moitié du récit. C'est pour ça que Révolte sur la Lune de RA Heinlein m'est venu à l'esprit... il partage à mon avis ce défaut.
L'écriture, c'est vrai, fourmille de tentatives stylistiques allant de la trouvaille au jeu de mot vaseux. Les habitants de la "Rad-zone" sont à mon avis exemplaires en cela, et on sent que Damasio cherche "la" formule... et qu'il nous livre toutes ses tentatives au passage. "Radieux", "rats d'zone", "Radiés"... tout ça est, certes, plus ou moins heureux. Mais l'égo de Damasio ne participe pas seulement de son génie, il lui en tient lieu. Ses romans (la Zone comme la Horde) sont surtout riches de ce qu'il ose tout, qu'il expose tout et qu'il n'hésite pas à s'imposer des contraintes qui peuvent aller du ridicule au sublime.
Sinon, sur cette phrase de l'excellent billet de Nébal :
Je ne m'étais pas du tout posé la question... pour moi, les contradictions inhérentes au mouvement anar sont le principal sujet de la Zone ! La question posée est "comment peut-on s'opposer dans une société essentiellement juste, démocratique, faite pour les gens ?".Bref : La Zone du dehors, à mon sens, décortique autant les rouages de l’anarchisme que ceux de la société de contrôle. Je ne sais pas si c’est volontaire, mais c’est en tout cas saisissant. Et bien plus intéressant, en tout cas, que le final grossier du roman, d’un aveuglement et d’une mégalomanie impressionnants ;
Et la réponse est... "pas bien !" la Volte utilise la violence, la torture, la manipulation, ... et l'on voit bien que rien, jusqu'aux 2/3 du livre en tous cas, ne justifie vraiment ces entorses aux grand principes défendus.
La grande faiblesse de la fin, pour moi, est de justifier a posteriori les excès de la Volte en changeant la nature de l'ennemi : d'un système démocratique protéiforme fondé sur des restrictions librement consenties de liberté, le système devient une sorte de KGB justifiant du coup toutes les violences. C'est catharsique, mais ça ne répond pas à la question.
Sylvain
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
- Aikau le bô
- Messages : 187
- Enregistré le : ven. avr. 28, 2006 12:28 pm
- Localisation : Lausanne
-Oui (mais j'habite en Suisse et j'ai du mal à digérer les dernières votations...)Sylvaner a écrit :
"-mais les gens sont d'accord !
- donc ils sont manipulés !
- les croyez-vous vraiment si cons ?"
Très intéressant!Sylvaner a écrit :Je ne m'étais pas du tout posé la question... pour moi, les contradictions inhérentes au mouvement anar sont le principal sujet de la Zone ! La question posée est "comment peut-on s'opposer dans une société essentiellement juste, démocratique, faite pour les gens ?".
Et la réponse est... "pas bien !" la Volte utilise la violence, la torture, la manipulation, ... et l'on voit bien que rien, jusqu'aux 2/3 du livre en tous cas, ne justifie vraiment ces entorses aux grand principes défendus.
La grande faiblesse de la fin, pour moi, est de justifier a posteriori les excès de la Volte en changeant la nature de l'ennemi : d'un système démocratique protéiforme fondé sur des restrictions librement consenties de liberté, le système devient une sorte de KGB justifiant du coup toutes les violences. C'est catharsique, mais ça ne répond pas à la question.
Si la science est l'unique aspect déterminant de la SF, et que la psychologie est une science, alors Madame Bovary est de la SF