Le tour d'écrou, Henry James

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Omnibus
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Le tour d'écrou, Henry James

Message par Omnibus » mer. déc. 15, 2010 5:02 am

J'étais plutôt content de le trouver au hasard d'un bac de soldes, je m'interrogeais depuis quelques temps sur ce roman dont j'avais lu le titre dans de nombreuses préfaces.

Ce fut une lecture laborieuse qui m'apporta assez peu de plaisir.

L'intrigue est minime, mais ce n'est pas le problème, le synopsis d'un tas de très chouettes nouvelles fantastiques tient en six mots. Une institutrice est embauchée pour s'occuper de deux adorables enfants dans un manoir perdu dans la campagne anglaise. Les chérubins semblent soumis à des influences néfastes, mais que se passe-t-il !?

L'essentiel de ma déconvenue, je pense, vient des deux personnages féminins principaux, l'institutrice et la gouvernante, qui sont tout à fait insupportables. Il y a une exagération constante des émotions et des comportements que j'ai trouvé parfaitement ridicule. On ressent un puissant malaise à la vue d'une silhouette au loin, on se tord les mains de désespoir quand un enfant agit étrangement, on sanglote dans son lit en pensant au salut de son âme, on s'embrasse quand on décide de la sauver. Des neuroleptiques quelqu'un ?

J'ai beaucoup de mal à croire à la relation entre l'institutrice et les enfants, d'adorables bambins parés de toutes les qualités qui la fascinent d'emblée. Ils sont beaux, très beaux. Ils sont brillants, très brillants. On peut les contempler sans fin et se perdre dans leurs yeux d'or fin et leurs cheveux bleus comme l'azur. Et que dire du charme de leur conversation ? Je n'ai pas réussi à établir l'âge des enfants, mais j'ai du mal à croire qu'ils aient beaucoup plus d'une dizaine d'années et, par là-même, j'ai du mal à croire qu'on puisse inlassablement se ravir de leur entretien.

En fin de compte, l'institutrice est tellement excessive que je penche pour l'explication rationnelle : la narratrice n'est pas fiable, elle est même folle à lier.

La raison prétendue de la hantise est la vie infâme des spectres, dont les âmes damnées cherchent à corrompre les deux brillants bambins. Là encore, il faut au lecteur un certain effort d'imagination pour arriver à cerner le pourquoi de l'infamie, honnêtement je n'ai pas compris. Ah si, de leur vivant, les spectres n'avaient pas de manière et couchaient ensemble.

Bref, comme je n'arrive pas à concevoir qu'un texte autant cité, analysé et encensé soit le soporifique volume que j'ai douloureusement lu, pourrait-on m'éclairer quant à son intérêt ?

Il faut le remettre dans son époque ?
Il s'agit d'un hommage aux ghost stories anglaises qui ne s'apprécie qu'à leur lumière ?
C'est un texte d'une grande richesse (en y repensant, on pourrait en faire une interprétation entièrement axé cul, ce serait un peu sulfureux) ?

Je suis interrogation.

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Nébal
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Message par Nébal » mer. déc. 15, 2010 6:36 am

Tiens, pour une fois, c'est moi qui vais me faire le défenseur de la vieillerie...

J'ai beaucoup aimé ce texte.

Certes, son charme est désuet, pour ne pas dire suranné, mais après tout il s'agit bien d'une ghost story à l'ancienne, et à la postérité immense : quand, aujourd'hui, on voit un film comme Les Autres, difficile de ne pas penser à l'imagerie du Tour d'écrou... Personnellement, j'avais les images du film en tête durant toute ma lecture...

Il y a exagération en permanence, oui, mais c'est un héritage du gothique, et qui participe de l'ambiguité du texte. Oui, il y a de quoi se demander si la narratrice est fiable, c'est même une bonne part de l'intérêt de la chose...

Non, franchement, en ce qui me concerne, c'est là un texte séminal de la littérature fantastique, faisant un pont le gothique et le fantastique contemporain, entre l'irrationnel pur et l'ambiguïté psychiatrique/psychanalytique, doté d'une solide imagerie, d'un style efficace... Je n'ai pas du tout trouvé ça soporifique ; honnêtement, j'ai même trouvé ça encore assez flippant aujourd'hui...

Mais, tu me diras, j'avais trouvé soporifique Jekyll & Hyde, alors j'imagine que ça relativise pas mal de choses...

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Cachou
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Message par Cachou » mer. déc. 15, 2010 7:07 am

Ce livre, je ne l'ai pas lu, je l'ai écouté en audiobook il y a... Bref, c'était quand j'étais en secondaire. Peut-être est-ce le fait de l'entendre au lieu de la lire, mais j'ai été emportée par l'ambiance étrange de l'histoire et j'en garde un bon souvenir. Légèrement angoissant, bizarre parfois, lourd (mais dans un bon sens), avec une petite apothéose.
Du coup, je tenterai bien le film qui dort quelque part chez moi...
Modifié en dernier par Cachou le mer. déc. 15, 2010 7:36 am, modifié 1 fois.

Papageno
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Message par Papageno » mer. déc. 15, 2010 7:35 am

Pareil que Nébal - A mon avis, c'est cette l'ambiguïté qui fait le principalement intérêt de ce livre .

PS : Il faut aussi écouter le formidable Opéra que Benjamin Britten en à tiré.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 15, 2010 8:44 am

En 1954, Britten en a tiré un très bel opéra, que je recommande vivement.
Oncle Joe

Lem

Re: Le tour d'écrou, Henry James

Message par Lem » mer. déc. 15, 2010 10:10 am

Omnibus a écrit :Bref, comme je n'arrive pas à concevoir qu'un texte autant cité, analysé et encensé soit le soporifique volume que j'ai douloureusement lu, pourrait-on m'éclairer quant à son intérêt ?
Omnibus, excuse-moi mais je trouve ton commentaire bizarre.
Tu "ne peux pas croire qu'un texte qui t'a ennuyé soit un classique de la littérature" ?
C'est un peu comme si tu t'étonnais que les hommes du XVIIIème siècle aient vanté la beauté de Mme de Pompadour "alors que de toute évidence, elle est moche".
Il n'y a rien à expliquer si ce n'est la variabilité dans le temps des valeurs esthétiques. Le tour d'écrou date de 1898.

Papageno
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Message par Papageno » mer. déc. 15, 2010 11:41 am

J’ai lu d’autres histoires de James – notamment son évanescente mais très bonne nouvelle « Un coin plaisant » – j’ai aussi un recueil de 3 nouvelles fantastiques (un peu plus banales- mais pas inintéressantes) en 10x18 (La redevance du fantôme)

Cela dit, le fantastique ne représente qu’une toute petite partie de son œuvre – le reste appartient à la litgen, et a une certaine réputation. Mais la, je ne connais pas -( la littérature générale et moi, ça fait deux)

PS : Et il existe un autre Opéra de Britten tiré d’un texte d’Henry James : Owen Wingrave

Omnibus
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Message par Omnibus » mer. déc. 15, 2010 5:01 pm

En fait c'est plutôt l'inverse que je tentais d'exprimer : je ne comprends pas pourquoi moi j'ai trouvé la lecture du livre pénible et inintéressante, quand un tas de mes contemporaions plus affutés que moi l'ont trouvé plaisante et enrichissante. J'ai le sentiment d'être passé à côté de quelque chose que d'autres ont trouvé.

Et ce n'est pas nécessairement un problème de forme, j'ai pu fustiger la lourdeur d'ouvrages auquels je trouvais de nombreuses qualités. Mais concernant, Le tour d'écrou, je n'en suis même pas là.

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Message par bormandg » mer. déc. 15, 2010 6:16 pm

Il est évident que si on écrivait aujoud'hui le même roman, avec les mêmes mots et les mêmes situations, ce serait inintéressant au possible. Entre autres parce que les idées qu'a introduites ce roman ont été réutilisées un million de fois, parfois actualisées. Qu'en le lisant, il faut se mettre en état de reconnaître son caractère précurseur...
Perso, Henry James et un des auteurs de "littgen" que j'apprécie; sans doute parce que le HJames des contes fantastiques ou psychologiques (L'Image dans le tapis) et celui des romans "réalistes" est bien le même écrivain, qu'il n'écrit pas différemment pour les amateurs de fantastique et pour ceux de "littéraire"...
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Omnibus
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Message par Omnibus » mer. déc. 15, 2010 9:34 pm

C'est vraiment précurseur Le tour d'écrou ?

Je suis loin d'être expert en littérature fantastique, mais il me semble que quelques ouvrages le devancent sur la question de l'ambiguïté, notamment le Horla, paru dix ans avant. Et le motif du manoir hanté est, j'imagine, déjà classique, puisque Wilde le parodie.

(Sinon il reste la possibilité de plaider la mauvaise traduction pour expliquer cette indifférence)

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Message par Hoêl » mer. déc. 15, 2010 10:02 pm

. Et le motif du manoir hanté est, j'imagine, déjà classique, puisque Wilde le parodie.

Ah ! Le fantôme des Canterville , un des chefs-d'oeuvre de l'humour parodique fantastique !
Et lui n'a pas pris une ride... contrairement au Portrait de Dorian Gray... :evil:
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 15, 2010 10:08 pm

Hoêl a écrit : Et lui n'a pas pris une ride... contrairement au Portrait de Dorian Gray... :evil:
Très fine, la ride!
Oncle Joe

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Nébal
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Message par Nébal » mer. déc. 15, 2010 10:09 pm

Hoêl a écrit :Et lui n'a pas pris une ride... contrairement au Portrait de Dorian Gray... :evil:
Euh... Humour ?

Demande-t-il candidement.

Argemmios

Message par Argemmios » jeu. déc. 16, 2010 8:13 am

J'avais vu le film enfant, il m'avait terrifiée. J'ai lu le livre à l'âge adulte, il m'a fait moins d'effet car moins centré sur les enfants et leurs fantômes. Mais la mort du garçon reste toujours aussi poignante.

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Mélanie
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Message par Mélanie » jeu. déc. 16, 2010 1:31 pm

Omnibus a écrit :C'est vraiment précurseur Le tour d'écrou ?

Je suis loin d'être expert en littérature fantastique, mais il me semble que quelques ouvrages le devancent sur la question de l'ambiguïté, notamment le Horla, paru dix ans avant. Et le motif du manoir hanté est, j'imagine, déjà classique, puisque Wilde le parodie.
Précurseur, je ne sais pas, mais comme l'a fait remarquer Nébal, c'est un texte dont on retrouve encore régulièrement l'influence au cinéma ou en littérature. Dès qu'il y a des enfants et des fantômes, on pense tout de suite au Tour d'écrou (l'exemple récent le plus frappant étant effectivement Les Autres). J'aurais du mal à expliquer pourquoi, c'est une lecture assez ancienne pour moi, mais j'en ai un excellent souvenir. Même si, effectivement, la nature exacte du rapport entre les enfants et leurs "corrupteurs" est assez floue (ou alors, c'est à lire entre les lignes et ça m'a échappé à l'époque).

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