Burning Chrome, Willam Gibson

[Omnibus]

Lors de ma tumultueuse jeunesse, j'ai pris contact avec Gibson via Neuromancien. Je n'en garde que deux souvenirs : une lecture laborieuse et le fait que Zentak s'en inspire sans vergogne.

Et puis, pouf, l'an dernier, j'ai pris grand plaisir avec Pattern Recognition. Suprenant, puisque, sur la base de mes souvenirs, lire Gibson en VO, c'aurait du relever de la torture pure et simple.

J'abordais donc Burning Chrome avec optimisme et eut le plaisir de ne pas subir de deceptions. En fait, le style de Gibson participe clairement au plaisir de la lecture. Du coup je m'interroge sur l'opportunite de revenir sur Neuromancien : si que ca se trouve, ma tumultueuse jeunesse manquait de gout.

Burning Chrome est un recueil de neuf nouvelles assez courtes, majoritairement du cyberpunk, mais pas que.

La moins convaincante est probablement Johnny Mnemonic, qui me parait un peu grand-guignol, avec une surenchere de gadgets cools mais pas beaucoup plus. Mais les gadgets sont plaisants.

Dogfight lui est un peu similaire, beaucoup de sucre technologique, mais une histoire banale.

Fragments of a hologram rose a un titre vraiment plaisant. Et c'est la seule chose que j'en ai retenu. Je crois que quelque chose m'echappe.

The belonging kind appartiendrait plutot au fantastique, me semble, quoique la fin, moyennement reussie, impose une forme de rationnel. Le personnage principal prend conscience de l'existence d'une forme de vie qui se fond parfaitement dans n'importe quel faune de bar.

Hinterlands est un texte assez fascinant, autour du voyage spatial. Le genre humain trouve par hasard un moyen d'envoyer des astronautes ailleurs. On ne connait pas la destination des voyageurs, mais ils reviennent toujours avec des informations scientifiques importantes. Et fous.

Hotel New Rose tourne autour de la guerre technologique, avec chasseurs de talents aux methodes agressives. Interessante.

The Winter Market aborde le theme de la transhumanite, comme qu'on dit. Curieusement, l'intrigue m'a beaucoup moins plu qu'un des personnages secondaires, un artiste qui fait des trucs rigolos. Du coup, je l'aime bien, probablement pour de mauvaises raisons.

Burning Chrome ferme le recueil. C'est une histoire un peu vieillote, une sorte de prototype de ce qu'est le cyberpunk : deux pirates relativement talentueux mettent la main sur un programme qui leur permet de mener une attaque contre la forteresse de donnees d'une dangereuse criminelle. Les images sont un peu ringardes, le piratage est totalement ridicule (j'adore les scenes au cours desquelles le pirate pianote rageusement son clavier, pour prendre de vitesse la securite) mais pour une raison que je ne saurais expliquer, c'est un texte follement enthousiasmant. Au niveau de l'effet, je le comparerais a un des texte de Dunyach, dans Dechiffrer la trame (la strategie du requin, je crois). Je n'y crois pas une seconde, mais apres lecture, j'ai une folle envie de programmer. Non, vraiment, je ne comprends pas pourquoi, mais ca marche. Gibson traduit bien une forme d'exaltation, une satisfaction a contourner des systemes de defense, une jouissance du mauvais coup qui fonctionne.

D'autre part, il est impressionnant de constater a quel point une partie du vocabulaire utilise par Gibson est devenu courant. En lisant Pattern Recognition, je m'etais dit que Gibson saisissait vraiment bien l'esprit de certaines communautes (les echanges sur forums m'ont fait rire, par exemple). De Burning Chrome, je dirais la meme chose.

Je me suis un peu interroge sur le fait que le cyberpunk est en general decrit comme mort alors que les nouvelles de Gibson me semblent tres actuelles. J'imagine qu'en fait, le probleme se situe au niveau de la date d'edition du recueil (1982) et que d'une litterature d'anticipation, on est passe a une litterature d'actualite.

Nonobstant les gadgets, le theme principal de ce recueil semble etre la solitude. La plupart des protagonistes sont seuls, attires par des femmes qu'ils ne connaissent pas vraiment, ne rejoindront pas ou sacrifieront pour des motivations douteuses. J'aime bien.

Du coup, je suis tout amoureux de Gibson maintenant.