jerome a écrit :Parlons de ce nouveau roman. Comment est-il né ? Qu'est-ce qui t'a intéressé dans cette notion de souffle ?
Hello Jérôme,
Comme tous les autres, il s'est d'abord concrétisé à travers des images inspirées par un principe fondateur. Ici, le souffle. Le concept primordial, celui qui sera visible dans toutes les strates de l'univers (cosmogonie, magie du quotidien, équations politiques, etc.). Bien souvent, l'écho du concept suffit à déterminer la validité du principe. Et très vite, le souffle a généré une cascade "merveilleuse" susceptible de conduire à un roman.
Cette gestation, bien souvent, est un moment délicieux pour moi. Je suis au café, un bistrot de préférence, armé de mes cahiers moleskine (petits carreaux uniquement) et je déroule mon concept. Croquis, plans, ratures, notes en tout genre. C'est le crash test, le moment de mettre à l'épreuve tous les aspects vitaux de l'univers (au sens large, personnages compris même s'ils ne sont pas encore des entités singulières et cristallisées, juste des traits, des destins).
Je pars toujours d'un présent
voulu pour composer la cosmogonie. Les mythes fondateurs ne m'intéressent qu'à compter du moment où ils servent le présent des images citées plus haut. Jamais l'inverse. La cosmogonie, finalement, devient un puzzle quasi empirique dont la validité, encore une fois, a la couleur de ce fossile évoqué par Stephen King.
Le Souffle façonne l'univers, donc. La verticalité et l'horizontalité deviennent incontournables. On est dans le registre de l'inconscient collectif. Des échos, à nouveau, s'imposent : avec le dessin et ses lignes de fuite, avec la religion, avec le coeur amoureux et le coeur magique, etc.
Je tiens beaucoup à la simplicité rigoureuse du concept, à sa résonance dans l'inconscient collectif et, naturellement, dans ton propre inconscient. Qu'est ce que le souffle signifie pour moi ? Quelle lecture, moi, Mathieu, en ai-je à travers mon expérience ? Ce prisme instinctif fait nécessairement sens. Il est connecté à tes entrailles, il agit comme un miroir déformant et débridé de tes fantasmes, de tes rêves, de ta lecture du monde.
Au final, ce grand fouillis s'organise. Une forme plus aboutie émerge. Des lois physiques et magiques régissent ton univers et composent un maillage souple. Par souplesse, j'entends l'élasticité du concept. Je ne veux rien d'immuable. La cascade merveilleuse engendré par le concept d'origine doit pouvoir s'étirer au fil de l'écriture en fonction des besoins.
Par exemple, les golems de sel. Ils n'existaient pas aux premières heures de l'écriture du roman mais ils avaient leur place dans la mesure où le maillage cité plus-haut le leur permettait. Ombres et silences toujours. Le golem de sel puise dans divers éléments : le marchand de sable, le loup de mer, la douleur du sel sur une blessure et bien sûr le mythe du golem lui-même, d'une matière première promue à l'état du vivant. Ce sont là des images d'Epinal qui, une fois rassemblées et essorées avec les lois de ton univers, trouvent leur place naturellement.
La suite appartient aux personnages et à quelques propos souterrains qui inspirent le roman. Je voulais parler de la solitude, je voulais parler de l'amour, je voulais parler de la place qu'on doit ou non accorder au coeur et à ses exigences (dans un organe-hôte incarné par une fée qui force le dialogue, qui crée l'altérité et donc un rapport inédit à ton propre corps).
La suite appartient aussi à un récit qui devait se livrer dans un soupir, qui devait exprimer la manière dont, moi, auteur de Fantasy, je reprenais mon souffle à travers lui.
Je n'aime pas la complaisance. Je suis quelqu'un qui aime rester dans l'ombre, dans sa caverne. Le souffle est une preuve de vie absolue en attendant le dernier soupir.