Pierre Bordage répond à vos questions (2, 3 et 4 juillet)

Pierre Bordage
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Message par Pierre Bordage » mar. juil. 03, 2007 6:48 pm

pour Orcsnf : pourquoi notre très chère Église ? Eh bien parce que c'est ma religion, tout simplement, parce que j'ai fait quatre de séminaire entre 10 et 14 ans, croyant ainsi répondre à mes aspirations mystiques, parce j'ai vu quelle formidable machine à broyer les âmes elle pouvait être. Je préfère donc m'occuper de ce que je connais, un peu, plutôt que des autres religions que je n'ai fait que survoler. Aucune peur d'être traité de raciste, manquerait plus que ça ! Card disait une fois qu'il était le mieux placé pour critiquer la religion mormone, étant lui-même mormon (même si la "critique" en question s'apparente davantage à de la propagande!), je dirais la même chose pour le catholicisme. Mais je crois profondément que les mécanismes à l'oeuvre dans la religion chrétienne le sont aussi dans les autres religions du Livre, et même dans tous les sytèmes cléricaux du monde (hindouisme, bouddhisme thibétain).

Papageno
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Message par Papageno » mar. juil. 03, 2007 8:04 pm

Bonjour M Bordage

Il y a un débat ici sur la vente de livres en format électronique (E-book..) Certain des anciens (comme moi) sont plutot septique et sont attachés au bon vieux livres. D'autres, souvent plus jeunes sont au contraire enthousiasme devant cette nouvelle forme de diffusion des ecrits. De petits éditeurs novateur ont même déjà mis en vente des fichiers de romans à télécharger (Eons, Riviere blanche)
Quelque est votre point de vue sur ce sujet. Croyez vous en l'avenir de cette nouvelle forme de diffusion? Accepteriez vous que vos propres oeuvres soit vendues sous cette forme?

Chtef

Message par Chtef » mar. juil. 03, 2007 8:13 pm

Pierre Bordage a écrit : Et donc, effectivement, dès qu'un disciple ou un adepte décide de porter sa propre expérience, ou pire ce qu'il croît être l'expérience de son prophète, sur la place publique en utilisant l'outil des mots, du langage, il sème la graine de la perversion.
C'est ce que dit texto le Qval (je ne suis plus très sur de l'écriture) dans Abzalon il me semble, c'est par cette entité mystique que tu distille ta thèse je suppose?

Pour rebondir sur les expériences mystiques je ne sais plus quel auteur (à mon grand regret d'ailleurs) disais qu'il fallait relativiser toute expérience sensoriele et ne pas y voir directement une manifestation des dieux ou des ancêtres (faisant bien sur réference au shamanisme). Plutot amusant quand on boulverse ses percetions l'Homme cherche une explication surnaturel (voir extra-terrestre), c'est d'ailleurs un des grand thème de la SF remettre en cause la réalité ... Dick pour ne citer que lui.

Pierre Bordage
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Message par Pierre Bordage » mar. juil. 03, 2007 9:45 pm

Pour Papageno : le débat entre les enfants de Gutemberg, dont je suis, et les nouvelles générations, habituées dès leur plus jeune âge à lire sur les écrans... Quand on aura fabriqué un E-book qu'on pourra amener à la plage sans risque et qui présentera le même confort de lecture qu'un livre (et même davantage de confort, puisqu'on pourra éventuellement grossir les lettres), alors se posera réellement la question du nouveau support. Ça ne me pose aucune problème, dans la mesure où le texte importe plus que le mode de diffusion. Le livre est lourd, difficile à transporter, à stocker, à recycler, tandis que le texte électronique est léger et diffusable en un clin d'oeil d'un coin à l'autre du monde. Imaginons de partir en vacances avec cent textes, sous forme de livres (bonjour le supplément pour l'avion), ou sous forme électronique, téléchargeables sur n'importe quelle borne internet dans le monde... Resteront toujours les nostalgiques du livre, de son odeur, de sa texture, mais, de la même façon que l'apparition de la photo n'a pas tué la peinture, contrairement à ce que tout le monde croyait, l'apparition de l'E-book ne tuera pas le livre, elle l'obligera à se transformer. Et j'accepterais bien sûr d'être diffusé sous la forme électronique. je l'ai déjà fait d'ailleurs : deux de mes livres, Atlantis, Abzalon, ont été proposés par l'édition 00h en version électronique, mais ça n'a pas marché, faute encore une fois d'un support réellement pratique.

Pour Chtef : ah oui, j'ai parlé par la bouche... gueule... cerveau... du Qval.
Je ne me sers pas de mes personnages pour distiller des thèses, ou je ne serais pas un auteur de roman, mais il est évident que certains de mes personnages reflètent mes préoccupations, puisqu'ils sont nourris de mon inconscient. Curieux d'ailleurs cette relation aux personnages, à la fois indépendants et imprégés de nous. Un peu, allez j'ose, comme l'enfant sorti du ventre de sa mère, à la fois pétri de son ADN et de celui du père, et quand même totalement différent.
Quant à la deuxième partie de ton message, je crois qu'il existe une grande différence entre la véritable expérience mystique et la simple expérience sensorielle. Mais seul celui qui a vécu l'expérience mystique peut en témoigner ; malheureusement il est obligé d'utiliser le langage, et donc prête le flanc à toutes les interprétations de la part de ceux qui n'ont pas vécu et ne peuvent pas vivre la même chose (cf discussion précédente). Reste que les expérience sensorielles entraînent bien des confusions, des illusions.

Yuli

Message par Yuli » mar. juil. 03, 2007 9:57 pm

Hello Pierre,
Tu t'infiltres dans les forums, coquine !
Te voilà obligé de répondre à toutes les questions, autant en profiter! :wink:
Ce que je fuis, ce sont les commandements, les dogmes, tout ce qui installe les êtres humains dans les certitudes.
Pas seulement en matière de religion alors?
C'est ce que laise supposer l'histoire de quelques uns de tes personnages, Seke le griot celeste ou Oniki la guerrière du silence par exemple.
Exclus non pas d'institutions religieuses mais de communautés aux règles strictes non compatibles avec un développement personnel et intellectuel digne de ce nom, biensur pour des raisons discutables... pour finalement trouver le "salut".
Et que penser de Vehir et Tia des fables de l'Humpur, issus de socétés différentes et antagonistes, d'espèces différentes qui finissent pas s'unir contre vents et marées?
J'y vois une invite à l'abolition des préjugés qu'ils soient religieux, raciaux etc... , à l'abandon de tous les carcans dont nous sommes pétris sans forcément en avoir conscience.
Plus simple à dire qu'à mettre en pratique, évidemment...

Comment ça je suis hors-sujet...? :roll:

Chtef

Message par Chtef » mar. juil. 03, 2007 10:02 pm

J'espère m'être fait bien compris en disant distiller je ne voulais pas dire manipuler etc...
et comme souvent l'auteur transpire à travers ses personnages, je trouve d'ailleurs beaucoup d'humanisme dans vos livres malgrés la description toujours cinglante de l'Homme,
qui souvent cause sa perte (Les derniers Hommes, Abzalon...)

Je me souviens aussi avoir fait un parallèle entre tes héros et Jésus (pour Les derniers Hommes, et Les guerriers ) le héro/prophète qui se sacrifie pour sauver l'humanité ...

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orcusnf
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Message par orcusnf » mar. juil. 03, 2007 10:20 pm

Généralement, on constate que les auteurs français de sf sont plutôt de gauche, ça se vérifie dans votre cas ? ( la question qui fâche !!)
http://www.fantastinet.com l'actualité de la littérature de l'imaginaire

Pierre Bordage
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Message par Pierre Bordage » mar. juil. 03, 2007 11:13 pm

Salut Yuli, bon, à partir de la vingt-troisème question, je considérerai cela comme du harcèlement moral ! :lol: Mais non, c'est un plaisir.
Tu as raison, pas seulement religieux. C'est valable aussi bien pour les conditionnement sociaux, sexuels, raciaux, politiques... Le héros, souvent, bouscule les conventions pour aérer son monde, ramener une harmonie perdue. Vehir et Tia par exemple défient la loi des clans pour cheminer ensemble, se découvrit et s'aimer (mon côté fleur bleue, je déteste quand un film ne se termine pas par un baiser fougueux, ah, l'amûûûûr, les lecteurs comprendront mieux les fins parfois dégoulinantes de sucre et de violons de cerrtains de mes romans). C'est donc à un déshabillage en règle que je convie le genre humain (rien à voir avec la phrase précédente) : déshabillage des préjugés de toutes sortes. Le roman est un formidable outil pour explorer l'humain. On vit, on respire, on se bat, on aime, on souffre, on meurt avec ses personnages. On ne peut pas les juger, les condamner, après ça. On est aussi des porteurs d'âmes, on plonge tout entier dans le grand fleuve humain en espérant y trouver des pépites pour les rapporter à nos frères dans la détresse. Un roman, c'est un acte de générosité. Et donc, il sert à rapprocher les hommes, enfin, c'est ce que je crois. Unissons nous contre vents et marées, et surtout, surtout, essayons de dépasser ces antagonismes qui ne sont que des façons détournées de se nier soi-même. En plus d'être fleur bleue, je peux être très chiant ! :evil:
Bises.

Pour Chtef : ta réflexion rejoint ma réponse précédente. Ce qui m'intéresse, c'est l'humain. Et j'essaie de dégager les mécanismes archaïques qui le pousse à maltraiter son semblable. Et oui, tu as probablement raison, il y a un côté christique dans mes personnages. Ça et le viol, il va falloir que j'aille consulter un psy. Mon côté sacrificiel.
Non, non, je n'ai pas compris que tu avais dit manipuler. Mais je ne voudrais pas transformer mes livres en discours partisans ou démonstratifs. Parce que je n'ai aucune certitude d'aucune sorte, j'explore, bille en tête, et je vois ce que je ramène. Exemple : pour l'Enjomineur, on m'a accusé de présenter les révolutionnaires comme des sanguinaires et les royalistes comme de gentilles personnes toutes propres sur elles. On a meme dit quelque part que je présentais Marie-Antoinette comme une sainte. Mais on la rencontre au moment où elle est emprisonnée dans le Temple, déchue, rendue à son humanité nue. Qui manipule qui ? L'auteur, qui essaie de reconstituer le plus justement possible une scène, ou le lecteur, prisonnier de ses propres conditionnements et incapable de discerner l'humain ? Est-ce que chacun ne devrait pas regarder en face ses propres réactions ?

Pour Orcusnf : ben oui, malgré ma présentation partisane de la Révolution, je suis plutôt de gauche, si gauche veut dire encore partage et justice. Deuxième couche : il y avait souvent plus de partage et de justice entre les paysans défendant leur dieu et leur roi, qu'entre les bourgeois avides des biens nationaux ! En France, on a toujours un peu de mal à regarder l'histoire en face. Voyez le très petit nombre de films tournés sur la guerre d'Algérie. La République ne peut pas avoir de sang sur les mains, c'est bien connu, et la guillotine était un bienfait de l'humanité. Je m'en fous !!! Je n'ai pas de principe, je suis un auteurs ans foi ni loi, je ne vais tout de même pas me vautrer dans les thèses officielles, merde ! (quand auteur fatigué, auteur fâché) Disons que suis d'une gauche à tendance humaniste, qui ne part pas dans ses délires dogmatiques. Mystique de gauche ? Ça existe ?

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Y Thiên
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Message par Y Thiên » mer. juil. 04, 2007 5:11 am

bonjour Pierre,jvoulais savoir pq tu as changé d'éditeur pour tes derniers bouquins,en l'occurence le diable vauvert,sachant que tu es d'habitude si fidèle aux éditions de l'atalante?

au plaisir de te revoir à un festival,Sèvres,les imaginales ou tout autre!
sallon du livre de Liévin les 22 et 23 sept prochain

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kibu
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Message par kibu » mer. juil. 04, 2007 7:50 am

Bonjour M. Bordage.
Je me permets de rebondir sur cette citation :
ben oui, malgré ma présentation partisane de la Révolution, je suis plutôt de gauche, si gauche veut dire encore partage et justice. Deuxième couche : il y avait souvent plus de partage et de justice entre les paysans défendant leur dieu et leur roi, qu'entre les bourgeois avides des biens nationaux ! En France, on a toujours un peu de mal à regarder l'histoire en face. Voyez le très petit nombre de films tournés sur la guerre d'Algérie. La République ne peut pas avoir de sang sur les mains, c'est bien connu, et la guillotine était un bienfait de l'humanité. Je m'en fous !!! Je n'ai pas de principe, je suis un auteurs ans foi ni loi, je ne vais tout de même pas me vautrer dans les thèses officielles, merde ! (quand auteur fatigué, auteur fâché) Disons que suis d'une gauche à tendance humaniste, qui ne part pas dans ses délires dogmatiques. Mystique de gauche ? Ça existe ?
Avez-vous lu Les Mouchoirs rouges de Cholet de Michel Ragon ? En effet, je trouve qu'il y a une parenté entre votre vision de la Révolution et le propos de ce roman.

Merci
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

Pierre Bordage
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Message par Pierre Bordage » mer. juil. 04, 2007 7:52 am

Pour Y Thien : Bonjour. Je n'ai vraiment changé d'éditeur. Tout est venu de J'ai Lu, donc la directrice était alors Marion Mazauric. J'ai Lu a acheté les droits poche de mes premiers livres parus à l'Atalante. Marion m'a ensuite demandé si je voulais faire des inédits pour elle. Ça a donné Atlantis, le projet du feuilleton les Derniers Hommes, les Fables de l'Humpur. L'alternative me paraissait intéressante entre l'Atalante, à laquelle je suis resté fidèle, et J'ai Lu. Puis, quand Marion a monté sa propre maison, le Diable Vauvert, je l'ai naturellement suivie dans son aventure. Son projet éditorial, s'ouvrir à tous les genres et mêler les genres, me permettait d'explorer une autre veine, plus contemporaine, un autre rapport à l'écriture. Par ailleurs, j'ai publié des livres chez Flammarion et Mango. Tout dépend des opportunités, des envies. Maintenant, je repose sur deux piliers, l'Atalante et le Diable Vauvert, et je passe à chaque fois de l'un à l'autre. Et je ne m'interdis pas d'aller voir ailleurs quand j'estime qu'un projet le nécessite. À bientôt, à Epinal ou ailleurs.

systar
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Message par systar » mer. juil. 04, 2007 8:17 am

Pierre Bordage a écrit :Pour systar : je ne pensais pas qu'on était si intello dans un forum de SF :lol: Faut bosser alors ? Le langage est-il synonyme de pouvoir ? Oui, évidemment, car il est structuré par le temps. Un truc que j'adore faire : regarder l'étymologie des mots. C'est toute une histoire qui se met en place, une suite de conditionnements qui se succèdent, et on pourait reconstituer une grande partie de l'histoire humaine rien qu'en consultant un dictionnaire (un de mes projets de roman, d'ailleurs). Le disciple ou le prêtre adapte un langage à ses propres vues, forcément subjectives, et en fait un instrument de pouvoir en imposant son interprétation. L'interprétation, voilà la graine de discorde.
Regardez quand on publie un livre, le nombre d'interprétations complètement différentes, voire totalement opposées. On se sert du langage pour étayer sa propre légitimité, et cela rejoint Porteurs d'Âmes, pub :roll: , où le transfert de l'âme dans un corps d'emprunt permet de se rendre compte que toute expérience de vie est légitime, puisqu'elle est. En fait, je crois que le mot clef de la spiritualité est acceptation — qui ne veut pas dire résignation.
Intello: un bien grand mot! 8) 8)
Langage et pouvoir synonymes: ah, la bonne question... On ne va peut-être pas ressortir toute l'artillerie platonicienne de lutte contre la sophistique (instrumentalisation du langage à des buts politiques, technologie du langage qu'a fort bien su réactiver un certain petit monsieur hyper-actif ces derniers temps...).
Simplement signaler que l'expérience religieuse, notamment par le chant, par l'échange, la prière commune, me semble donner accès, elle aussi, à une certaine forme de liberté.
Religion, ce n'est pas seulement connexion à du tout autre que l'humain, c'est aussi du lien horizontal qui peut structurer les rapports entre hommes...

Toute expérience de vie est légitime puisqu'elle est: tiens tiens, un optimiste... C'est pas bien ça!!!
Mais votre idée d'acceptation est très intéressante: dans mon vilain jargon catho philo, je parlerai d' "accueil", de réceptivité face à l'événement imprévisible que peut être la rencontre d'autrui, la rencontre d'un tout autre. C'est la posture de tout chrétien, normalement :wink: , que d'accueillir en soi la grâce, mais aussi et d'abord autrui...

En tout cas, cela m'interpelle en profondeur, cette idée chez vous que la spiritualité soit forcément solitaire, parce qu'incommunicable, sauf à se dégrader en jeux de pouvoir.
Question idiote: que vaut une expérience, si mystique soit-elle, si pénétrée d'absolu soit-elle, qui ne puisse être partagée avec un autre? N'est-elle pas la forme la plus creuse et la plus suspecte, finalement, de pensée? N'y a-t-il pas là une posture qui consiste à se détourner sciemment mais dangereusement du fait que nous sommes aussi des animaux "sociaux"?? :)

Pierre Bordage
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Message par Pierre Bordage » mer. juil. 04, 2007 8:22 am

Pour Kibu : j'ai lu les mouchoirs rouges de Cholet, il y a longtemps, et il ne m'en reste que des impressions floues (je crois qu'il débute après le passage des colonnes infernales qui ont laissé le pays à feu et à sang).
Je voudrais juste faire une mise au point sur notre chère Révolution. L'Enjomineur couvre la période de la Convention, qui se confond les deux dernières années avec la Terreur. Le début de la Révolution a suscité un réel espoir en France. Les paysans vendéens eux-mêmes s'en réjouissaient. Ils avaient rédigé avec enthousiasme les cahiers de doléances. Ils aspiraient comme les autres au changement, à la justice.
Mais la Révolution est devenue idéologique, un combat d'idées entre bourgeois libéraux, désireux de briser le monopole parisien, et bourgeois extrémistes. Elle a dérapé, à mon sens, quand elle a donné dans l'idéologie, c'est à dire qu'elle a nié le réel, le pays réel, les paysans, plus de quatre vingt pour cent de la population à l'époque. Et là, on rejoint notre discussion d'hier. La révolution est devenue une religion, avec ses prêtres et ses dogmes. C'est là où elle devient intéressante à regarder d'un oeil à la fois neutre et attentif. Elle porte en germe toutes les dérives des siècles à venir. La malédiction de l'idéologie. On ne veut voir qu'une tête, on coupe toutes celles qui dépassent. L'Assemblée nie le réel, par exemple, en obligeant les prêtres à prêter serment à la constitution. Elle ne peut que blesser le sentiment de gens vivant loin de Paris, dans une autre "écologie". Les extrémistes gagnent peu à peu du terrain en utilisant le levier des sections pour semer la terreur, et là, je persiste, ce sont des gens qui, assoiffées de revanche sociale, se montrent absolument monstrueux, puisqu'ils ont l'aval des autorités (I comme Icare, ça rappelle quelque chose à quelqu'un ?) Durant la guerre 39 / 45, combien de bons Français se sont vengés de leur médiocre condition en dénonçant les juifs ou les résistants et en essayant de récupérer leurs biens ? La crapulerie ordinaire se révèle dans l'ombre de l'idéologie. Que dire de Carrier, le fou qui fera de Nantes le laboratoire de l'extermination massive ? Oui, notre chère Révolution dans sa version Convention, laboratoire des horreurs (noyades de la Loire, colonnes infernales, fusillades, décapitations massives), préfigure de façon étonnante le nazisme et les pires excès du communisme (Lénine étati un grand admirateur de Robespierre) Je ne défends surtout pas l'aristocratie corrompue de l'époque, mais on a seulement remplacé un système pourri et moribond par un système meurtrier, avide de sang frais. À la fin, ce sont les bourgois d'affaires qui ont gagné : ils ont laissé les jacobins faire le sale boulot, débarrasser le pays de ceux qui les empêchaient de s'emparer des leviers du pouvoir, et ils ont récupéré le tout en éliminant Robespierre et les siens. Pour quel résultat ? L'accouchement du monstre Napoléon. Les paysans vendéens, eux, étaient dans le réel. Ils défendaient leur mode de vie, à tort ou à raison, peu importe. C'était leur univers, et on ne peut pas faire le "bonheur" des gens malgré eux. Ils ne voulaient pas du bonheur imposé par l'Assemblée, ils voulaient vivre à leur façon, si possible en mieux, une aspiration commune à la plupart des êtres humains. On se grandirait en France si on acceptait de regarder la Révolution les yeux dans les yeux, cette vache sacrée qu'on n'ose pas égratigner, qu'on en démontait les mécanismes, sans passion, sans parti pris. Rien à mes yeux ne peut justifier une période comme la Terreur. D'ailleurs, en parlant d'idéologie, Robespierre s'est hâté de réinventer une religion. On est dans les mêmes systèmes de pensées, et ces sytèmes là se révèlent toujours meurtriers. J'ai été long, non ? Mais j'avais ça sur le coeur, merci à vous, du Forum, de m'avoir permis de le sortir.

systar
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Message par systar » mer. juil. 04, 2007 8:26 am

Pierre Bordage a écrit : Oui, notre chère Révolution dans sa version Convention, laboratoire des horreurs (noyades de la Loire, colonnes infernales, fusillades, décapitations massives), préfigure de façon étonnante le nazisme et les pires excès du communisme (Lénine étati un grand admirateur de Robespierre)
Dantec, sors de ce corps!!!

Ok, je :arrow:

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Lensman
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Message par Lensman » mer. juil. 04, 2007 8:36 am

Salut Pierre! (un petit bonjours de Joseph Altairac... je ne sais pas pourquoi on prend ces pseudos idiots, on ne sait plus qui est qui, ce qui fait que des fois je dialogue avec des gens que je connais bien et que je crois ne pas connaître, et réciproquement...)
De vieilles questions des familles, mille fois posées, mais qui ont toujours leur actualité : Quel est ton point de vue sur l'adaptation (texte vers cinéma, animation ou BD... voire même jeux vidéo, mais là c'est pas trop mon truc personnel... )? Es-tu plutôt pour, plutôt contre, ou ça dépend? (je te laisse du choix). Que penses-tu d'entreprises comme l'adaptation de "La compagnie des glace" d'Arnaud, ou "Tshai" de Vance en BD? Et pour ton oeuvre?
Amitiés
Joe

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