Hello Serge,
Une petite question toute bête, juste comme ça, en passant: qu'est-ce qui t'a donné envie de théoriser la SF? de t'affronter à l'exercice impossible de la définition de la SF?
S'agissait-il d'éclairer ta démarche d'auteur (et alors cela a débouché sur tout ce que tu as dit de la "réification", dès la Physique des métaphores), ou bien de lecteur (et là on obtiendrait plutôt l'accent que tu portes sur le sense of wonder, c'est-à-dire sur un ressenti éprouvé lors de la lecture)? Les 2 sans doute?
Théoriser et écrire de la fiction: est-ce qu'une démarche n'asphyxie pas l'autre, d'ailleurs?
Jusqu'à quel point est-il utile qu'un auteur tente d'être conscient de ce qu'il fait? Quand cela lui devient-il nuisible?
Question un peu plus philo, maintenant, liée aux précédentes: tu as dit être assez égocentré (ah bon?), et tu as analysé, dans Par-delà le Vortex, toutes les oeuvres de Stephen King comme autant d'images de la création littéraire (se confronter à la nuit, etc.).
Bref, ce qui ressort de tes textes, c'est tout de même l'idée qu'il y a une instance créatrice, l'auteur, en qui il se passe plein de choses, et dont toute la démarche consiste à faire la lumière sur sa propre histoire intime. Est-ce cela ta démarche d'écrivain, ultimement? La littérature (n')est-elle (que) cette externalisation d'événements psychiques qui ont lieu dans l'esprit de ces animaux étranges que sont les "auteurs"? Dit-elle forcément sa propre naissance, ou bien les romans qui racontent leur propre naissance (le début du Livre des Ombres, mais aussi les Dantec, Damasio, et Fabrice Colin bien sûr qui explore cela depuis un certain temps déjà et avec talent...) ne sont-ils qu'un cas particulier de ce qu'on appelle "littérature"? Raconter le monde, ou "un" monde, cela revient-il toujours à se raconter soi?
D'ailleurs, toi, rusé et filou que tu es, tu as encore compliqué le schéma: ce n'est plus seulement dans le récit que transparaît ton moi, mais même dans ta théorie de la SF... (L'aime Anne...
). La théorie doit-elle engager un penseur jusque dans son histoire biographique, dans sa chair? C'est ce que semble dire Xavier Mauméjean dans sa "Théorie de l'inquiétude" quand il rappelle que la théorie, c'est d'abord une expérience subjective de contemplation/considération, et que donc la subjectivité doit être pleinement assumée et même revendiquée... Comment vois-tu les choses, d'après ta propre démarche de théoricien?
Autre question idiote: la SF, c'est de la littérature? Toi, tu écris "de la SF", "de la littérature"? "de la littérature de science-fiction"? (oui, je sais, c'est con et volontairement objet de possible polémique, cette question...
)
Pour finir, je vais publiquement réconcilier Nietzsche, Alain et toi-même, en rappelant une jolie petite définition de la mémoire: la mémoire, c'est l'organisation de l'oubli...
Amitiés, à +
Bruno