La censure et la littérature jeunesse.

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Le_navire
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Message par Le_navire » ven. déc. 14, 2007 1:40 pm

J'ai lu les deux textes, je vous fais pas le détail, pardon, j'ai la flemme (en plus je viens de faire un article de trois plombes pour bibliobs, je fatigue, mais s'il est publié, je vous ferai un lien)

En résumé :
1) ces textes sont clairement marqués "ados" (quatrième de couve, style, etc...) pas de risque de les voir tomber dans les mains des petits, sauf s'ils le piquent au grand frère (et mon gosse m'a piqué tous mes Edika à 5 ans. Faudrait censurer Edika...)
2) Il est fort peu probable q'uils tombent dans les mains de petits cons immatures : leur format, leur type, leur destination, même la gueule qu'ils ont n'a aucune chance d'avoir le moindre succès auprès des globalements non lecteurs. Par contre, avec un beau interdit aux moins de 15 ans au cul, ils vont se les arracher, garanti.
3) Les bons lecteurs qui aiment la littérature succeptible de les acheter et de les lire en dehors du circuit pédagogique peuvent les lire sans problème. Ils ont l'esprit assez formé pour voir la subtilité des textes. Je peux les filer à ma fille de 11 ans et à une bonne partie de ses copains copines sans frémir.
4) Ce sont des textes parfaits pour un travail dans un cadre pédagogique. Court, pouvant être lus à haute voix, des outils qui permettent de travailler sur la place de la femme dans nos sociétés, sur les rapports de violence entre ados, nickel.

Caliban, on ne sera jamais d'accord sur rien. tu le sais, je le sais, des fois, je me demande pourquoi on se fatigue tous les deux...
Mais comme il paraît que tu es un type bien, je respire un grand coup, et hop !
Non. Elle a tout au plus un pouvoir de recommandation. Une interdiction éventuelle
est du strict ressort du Ministère de l'Intérieur.
Voui. Mais c'est comme la commission cinéma. Et ses recommandations sont rarement peu suivies. Tu pouvais préciser, en effet. Contredire, comme d'hab, Caliban chou, c'est de la sexualité contrariée sur dyptères non consentants. Mais passons.
Présenté comme ça, oui, peut-être bien.
(je précise tout de suite que je n'ai pas d'avis sur les bouquins en question,
que je n'ai pas lus, ni sur l'auteur)
J'adore quand tu dis des trucs pour ne rien dire d'autre que nananère...
Ah ? Tu veux dire que, si un gamin est choqué par une scène de viol réaliste sous
couverture rose bonbon, c'est la faute des profs ou des parents qui n'ont pas le temps
de tout lire avant eux, et de vérifier que ce qu'on leur vend pour de la littérature
pour enfants en est bien avant de la leur offrir ?
Une réflexion de néophyte, je te pardonne, amen.
Les ados n'achètent jamais leurs bouquins tous seuls. Il y a bien sûr encore et toujours des exceptions à une règle généraliste. Mais ces exceptions là ne sont pas problématiques, voir mon point 3 ci-dessus. C'est le boulot de l'éditeur de s'assurer de ce genre de chose, et Thierry Magnier fait bien son boulot.
Je ne comprends pas bien ta phrase.
Ah ? Bon, je ne comprends pas toujours ce que tu me dis aussi... :P :lol:
limiter la possibilité de vendre n'importe quoi sous une
couverture trompeuse le présentant comme spécialement adapté aux jeunes.
Bon comme d'hab, je ne sais jamais comment prendre ce genre de chose avec toi.
Tu as un talent rare pour me laisser perplexe. Soit c'est une tautologie, soit tu considères que Thierry Magnier, ou moi-même puisque je le défends ici sommes succeptibles de publier des textes non destinés à la jeunesse sous une couverture trompeuse ("trompeuse" ayant un sens, je te le rappelle, qui sous-tend la volonté de tromper) ce qui fait de nous, comme disait l'autre, soit des incapables soit des malhonnêtes...

Caliban, décidément je t'aime. Personne au monde ne sait mieux que toi m'inspirer de longues heures de songeries compliquées... ça occupe... :twisted:
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

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Lensman
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Message par Lensman » ven. déc. 14, 2007 1:42 pm

Peut-être que, dans le problème que tu soulèves, il y a (avait?) plutôt un rejet des littératures de l'imagnaire, parce que considérées comme pas sérieuses, par la "culture officielle" (quel que soit ce qui se cache derrière cette formule vague). Cela doit aussi dépendre des pays, des époques... Jules Verne, par exemple, a été très bien admis à son époque, très peu critiqué.
Oncle Joe

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Transhumain
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Message par Transhumain » ven. déc. 14, 2007 2:14 pm

Le_navire a écrit :J'ai lu les deux textes, je vous fais pas le détail, pardon, j'ai la flemme (en plus je viens de faire un article de trois plombes pour bibliobs, je fatigue, mais s'il est publié, je vous ferai un lien)

En résumé :
1) ces textes sont clairement marqués "ados" (quatrième de couve, style, etc...) pas de risque de les voir tomber dans les mains des petits, sauf s'ils le piquent au grand frère (et mon gosse m'a piqué tous mes Edika à 5 ans. Faudrait censurer Edika...)
2) Il est fort peu probable q'uils tombent dans les mains de petits cons immatures : leur format, leur type, leur destination, même la gueule qu'ils ont n'a aucune chance d'avoir le moindre succès auprès des globalements non lecteurs. Par contre, avec un beau interdit aux moins de 15 ans au cul, ils vont se les arracher, garanti.
3) Les bons lecteurs qui aiment la littérature succeptible de les acheter et de les lire en dehors du circuit pédagogique peuvent les lire sans problème. Ils ont l'esprit assez formé pour voir la subtilité des textes. Je peux les filer à ma fille de 11 ans et à une bonne partie de ses copains copines sans frémir.
4) Ce sont des textes parfaits pour un travail dans un cadre pédagogique. Court, pouvant être lus à haute voix, des outils qui permettent de travailler sur la place de la femme dans nos sociétés, sur les rapports de violence entre ados, nickel.
Bon, déjà, là, ça devient plus concret, merci, et tes arguments me paraissent pertinents. Et d'accord avec toi sur la nullité d'une interdiction aux moins de quinze ans.

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Transhumain
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Message par Transhumain » ven. déc. 14, 2007 2:16 pm

[MODE TROLL ON]
Il y a quand même un truc qu'on ne redira jamais assez, à propos de la littérature jeunesse (entre autres) : on ne censure pas assez la médiocrité.
[MODE TROLL OFF]

systar
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Message par systar » sam. déc. 22, 2007 11:15 pm

Ne pas répondre. Ne pas parler. Ne plus entrer dans toutes ces discussions. Ne même plus plussoyer quand Olivier sort le Transhu pour sinistro-réagir. Ne pas prononcer les mots taguieffiens: "nouveaux inébranlables, vigilants"... La vigilance anti-vigilance, la dénonciation de la "censure", est une pose d'esthète.

Papa Noël, en 2008, s'il te plaît: envoie-nous des auteurs jeunesse et des éditeurs jeunesse qui écriront des livres suffisamment intelligents pour que l'éventualité d'une "censure" dans la France crypto-bonapartiste de monsieur Nicolas S. n'ait même plus à être ne serait-ce qu'évoquée.
(ça tombe bien, il paraît que le chef d'oeuvre du genre, Les orphelins de Naja, arrive bientôt en librairies)

Systar, en mode "ataraxie" (après une énorme bûche de Noël), qui vous embrasse bien fort et qui plane parce qu'il vient de se faire offrir Spin et Rainbows End.

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Nébal
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Message par Nébal » dim. déc. 23, 2007 9:49 am

systar a écrit :Papa Noël, en 2008, s'il te plaît: envoie-nous des auteurs jeunesse et des éditeurs jeunesse qui écriront des livres suffisamment intelligents pour que l'éventualité d'une "censure" dans la France crypto-bonapartiste de monsieur Nicolas S. n'ait même plus à être ne serait-ce qu'évoquée.
Des livres crypto-bonapartistes, donc ?

...

Et pourquoi "crypto", d'ailleurs ? CENSURE !

Heu... :arrow:

caliban
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Message par caliban » dim. déc. 23, 2007 2:51 pm

Le_navire a écrit :Caliban, on ne sera jamais d'accord sur rien. tu le sais, je le sais,
des fois, je me demande pourquoi on se fatigue tous les deux...
L'esprit de Noël ?
2) Il est fort peu probable q'uils tombent dans les mains de petits cons immatures :
leur format, leur type, leur destination, même la gueule qu'ils ont n'a aucune chance
d'avoir le moindre succès auprès des globalements non lecteurs. Par contre, avec
un beau interdit aux moins de 15 ans au cul, ils vont se les arracher, garanti.
Un bon commercial devrait en effet être capable d'en faire un argument de réclame,
si le simple parfum d'interdit ne suffit pas. Je te fais aussi confiance sur la capacité
de certains livres à repousser les "petits cons immatures", même si j'ai un peu de mal
à imaginer comment cela peut être compatible avec la séduction des "bons lecteurs",
et en quoi cela peut être dans l'intérêt de l'éditeur de repousser qui que ce soit.
Mais je veux bien croire que, dans ce domaine "jeunesse", la responsabilité prime
le profit dans les bonnes maisons.
Ah ? Tu veux dire que, si un gamin est choqué par une scène de viol réaliste sous
couverture rose bonbon, c'est la faute des profs ou des parents qui n'ont pas le temps
de tout lire avant eux, et de vérifier que ce qu'on leur vend pour de la littérature
pour enfants en est bien avant de la leur offrir ?
Une réflexion de néophyte, je te pardonne, amen.
Possible. Mais quelle est la réponse du vieux de la vieille ?
Les ados n'achètent jamais leurs bouquins tous seuls.
Allons donc. Mais même si c'était vrai, ce n'est pas équivalent au fait que les acheteurs,
même adultes, aient une idée précise du contenu du livre qu'ils achètent. Soit on n'offre
aux jeunes que des livres qu'on a soi-même lus, soit on se fie à la couverture et à la
quatrième, au mieux à un vague survol... et je soupçonne que le second cas est de
loin le plus courant.
Il y a bien sûr encore et toujours des exceptions à une règle généraliste.[ Mais ces
exceptions là ne sont pas problématiques, voir mon point 3 ci-dessus. C'est le boulot
de l'éditeur de s'assurer de ce genre de chose, et Thierry Magnier fait bien son boulot.
Je ne suis pas sûr que ce soit si exceptionnel. Je suis néanmoins aussi persuadé
que les cas problématiques — d'ados problématiques tombant sur des livres
problématiques — sont rares, et tout prêt à croire que ceux dont tu parles ne posent
aucune difficulté.

Reste que, même exceptionnels, ces cas problématiques peuvent l'être gravement,
qu'il appartient à la collectivité de les anticiper, et qu'il ne me semble pas absurde
a priori qu'une "commission de surveillance" s'en préoccuppe.

limiter la possibilité de vendre n'importe quoi sous une
couverture trompeuse le présentant comme spécialement adapté aux jeunes.
Bon comme d'hab, je ne sais jamais comment prendre ce genre de chose avec toi.
Tu as un talent rare pour me laisser perplexe. Soit c'est une tautologie, soit tu considères
que Thierry Magnier, ou moi-même puisque je le défends ici sommes succeptibles de
publier des textes non destinés à la jeunesse sous une couverture trompeuse
("trompeuse" ayant un sens, je te le rappelle, qui sous-tend la volonté de tromper) ce qui
fait de nous, comme disait l'autre, soit des incapables soit des malhonnêtes...
J'ai bien précisé que je n'avais pas lu les bouquins en question. Il me semble aller
de soi que mes propos étaient donc très généraux, et ne visaient en aucun cas à
une mise en cause personnelle de quiconque.

Je ne connais ni Thierry Magnier ni ses livres, et je n'ai aucun avis personnel sur la
qualité de son tavail. Par défaut, je le tiendrais donc pour parfaitement respectable
même s'il n'était pas défendu par des gens que j'estime. Je connais certains des livres
que tu édites et je n'ai aucune réserve d'aucune sorte sur la qualité du travail du Navire
en pleine ville (mais je trouve assez pesant de devoir le préciser !)

Reste la tautologie, si tu veux : exceptions ou pas, il existe des éditeurs incapables,
d'autres malhonnêtes, et assez généralement des gens irresponsables. La question
portait, il me semble, sur la légitimité d'une "surveillance" de l'édition jeunesse. Ca me
semble assez lié.

Bon comme d'hab, je ne sais jamais comment prendre ce genre de chose avec toi.
Dans le doute, au premier degré...

nolive
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Message par nolive » dim. déc. 23, 2007 5:21 pm

caliban a écrit :
Le_navire a écrit :Les ados n'achètent jamais leurs bouquins tous seuls.
Allons donc.
Si si. Ou du moins, ils n'achètent presque jamais leurs bouquins tous seuls. Et ceux qui le font sont toujours, selon mon expérience (5 ans de librairie jeunesse), des lecteurs à la maturité suffisante pour qu'on puisse leur mettre (presque) n'importe quoi entre les mains.
caliban a écrit :Soit on n'offre aux jeunes que des livres qu'on a soi-même lus, soit on se fie à la couverture et à la quatrième, au mieux à un vague survol...
Soit on prend conseil auprès du libraire ou du bibliothécaire. Et l'immense majorité des parents le font, ne serait-ce que pour demander "mon fils a 12 ans, il peut lire ça?"

Une chose m'a amusé dans l'article du Monde qui a déclenché cette polémique: l'auteur prend comme contre exemple, en conclusion de son papier, le livre La brigade de l'œil, de Guillaume Guéraud. Or, c'est ce même Guillaume Guéraud qui a signé le premier titre de la collection DoAdo Noir, il y a quelques années. Ça s'appelait Je mourrai pas gibier, et c'était le monologue intérieur d'un ado embusqué dans un grenier, en train de décimer au fusil de chasse les convives du mariage de son frère. Sans conteste un roman extrêmement noir et dérangeant...

Le Monde a également publié un article consacré aux réactions suscitées par ce même papier.

A propos, quelqu'un a-t'il écouté le débat sur France Culture Vendredi soir?

Denis
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Message par Denis » dim. déc. 23, 2007 5:57 pm

Drôle de contre-exemple, en effet, La Brigade de l'oeil étant un livre particulièrement noir, violent et sinistre. Et pour tout dire, de la SF assez convenue. Mais apprécié par les prescripteurs, qui d'habitude ne se préoccupent pourtant pas la SFJ. Mais 1/ C'est le Rouergue 2/ C'est Guéraud 3/ c'est en Doado Noir, surtout pas en SF 4/Ah, la référence à Bradbury...

caliban
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Message par caliban » dim. déc. 23, 2007 7:44 pm

nolive a écrit : Si si. Ou du moins, ils n'achètent presque jamais leurs bouquins tous seuls.
(...) selon mon expérience (5 ans de librairie jeunesse)
C'est contraire à la mienne, de l'autre côté du comptoir. Mais il est vrai que les ados
que je pratique ont plutôt des parents intello, ce qui n'en fait pas forcément un public
statistiquement très représentatif.
caliban a écrit :Soit on n'offre aux jeunes que des livres qu'on a soi-même lus, soit on se fie
à la couverture et à la quatrième, au mieux à un vague survol...
Soit on prend conseil auprès du libraire ou du bibliothécaire. Et l'immense majorité des
parents le font, ne serait-ce que pour demander "mon fils a 12 ans, il peut lire ça?"
Uh... Il manque un chiffre : quelle est la proportion de livres jeunesse achetés
dans des librairies capables d'assurer ce conseil, par opposition par exemple aux
hypermarchés ? Une immense majorité, vraiment ? En d'autres termes, le public
des clients de vrais libraires jeunesse est-il beaucoup plus représentatif ?



Cela dit, il me semble qu'on est tous d'accord pour reconnaître qu'il y a en France
une édition jeunesse de qualité, et un circuit de "prescription" à l'avenant. D'autre part,
l'immense majorité, pour le coup, des ouvrages ne font l'objet d'aucune procédure
administrative. La question était plutôt : dans les cas-limite, extraordinaires par
construction, est-il légitime qu'une "commission de surveillance" s'en mêle ?

Et ce qui m'a poussé à intervenir dans ce débat, c'est que je la trouve très mal posée.
C'est une invitation à crier à la censure — la Navire parlait même de "lynchage" —
alors que le problème, comme tout conflit de principes fondamentaux, nécessite
au contraire le plus de sérénité possible.

Pour moi, la protection de l'enfance est non seulement une mission légitime, mais
un devoir de l'administration. Si certains livres peuvent être dangereux — et nous
sommes sur un forum littéraire, je serais surpris qu'il se trouve ici quelqu'un qui doute
qu'un livre peut secouer — il faut réfléchir aux meilleurs moyen de les identifier,
et de limiter les dégats sans trop maltraiter d'autres principes aussi fondamentaux
que la liberté d'expression ou le libre accès à l'information.

Le compromis qui consiste à autoriser une publication dans des collections adultes
accessibles à tous, mais pas dans des collections jeunesse, est certes bancal
(plutôt qu'absurde, mais je suis d'accord avec l'analyse du transhumain), mais
a priori pas aberrant. Le fait qu'il s'agisse d'une décision administrative arbitraire
est déplaisant : il vaudrait certainement mieux mettre au point des procédures
impliquant les professionnels, et sans doute d'autres parties encore. Mais le moyen
lorsque ceux-ci hurlent à la mort, ou du moins à la censure, plutôt que d'engager
le dialogue, lorsqu'on les informe d'un simple signalement ?

C'est très gratifiant de se proclamer du côté des anges et de dénoncer inlassablement
les salauds. Mais ce n'est pas vraiment la meilleure preuve d'un jugement mature,
ou d'une capacité de prise en compte interne de mises en cause qui, anges ou pas,
ne sont pas forcément toujours illégitimes. Lorsqu'on à simplement affaire à des gens
de bonne volonté qui essaient de faire leur part du boulot (je ne connais pas non plus
les membres de la commissiond e surveillance, mais je n'ai aucune raison de penser
que ce n'est pas le cas), c'est aussi le plus sûr moyen de polariser le débat, et de les
amener à se protéger derrière des procédures impersonnelles.

Il ne me semble pas qu'il y ait beaucoup de réelle censure en France aujourd'hui ;
mais je ne suis pas très rassuré : la tentation existe, et les postures politiquement
correctes n'y sont à mon avis pas pour rien.

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. déc. 24, 2007 11:11 am

Et il n'est plus de meilleure posture affichée à ce jour que celle qui consiste à vouloir à tout prix ne pas dénoncer, ne rien accuser, ne chercher que le juste milieu au mépris des réalités humaines qui font que les résultats d'un refus d'engagement aboutissent souvent à des situations radicalement terrifiante pour ceux qui ne sont pas à l'abris.

tu me perdonneras, mais moi je renvoie dos-à-dos ceux qui ne s'engagent jamais à dénoncer et ceux qui poussent le politiquement correct jusqu'au ridicule. Ils sont les uns comme les autres responsable de l'état d'acceptation béate et individualiste de la majorité, du moins jusqu'au jour où elle se prend le retour de bâton et se voit directement concernée par ce qu'elle a refusé de voir.

Mais je m'écarte du sujet : Il existe déjà des tas de lois en France qui interdisent de pousser au crime. La Loi de 49 elle-même ne dit pas autre chose. Tout refus de laisser un ouvrage qui n'est pas succeptible de tomber sous le coup de cette loi passer entre les mains de tous les jeunes lecteurs est donc un acte politique, non une application de la loi.
Quant à l'idée du "dialogue" il me semble que la commission n'a pas l'intention de l'engager, ou alors elle aurait dû le faire avant de rendre son verdict, convoquer l'éditeur pour en discuter avec lui, etc... Les protestations de Magnier sont restées lettre morte, faut-il donc qu'il se taise pour faire plaisir aux puristes de la définition de la censure ?
Faut-il qu'il accepte son sort plutôt que de se battre pour faire valoir sa conception de son métier, au cas où cela froisserait les tenants du profil bas ?

Ben, je dis zut, na.
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caliban
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Message par caliban » lun. déc. 24, 2007 5:09 pm

Le_navire a écrit : tu me perdonneras, mais moi je renvoie dos-à-dos ceux qui ne s'engagent jamais
à dénoncer et ceux qui poussent le politiquement correct jusqu'au ridicule. Ils sont les
uns comme les autres responsable de l'état d'acceptation béate et individualiste de la
majorité
D'accord avec ça. Mais entre "dénoncer toujours" et "ne dénoncer jamais", également
dérisoires, il reste pas mal d'espace pour "dénoncer parfois, mais efficacement
et à bon escienr"...
Mais je m'écarte du sujet : Il existe déjà des tas de lois en France qui interdisent
de pousser au crime. (...) Tout refus de laisser un ouvrage qui n'est pas succeptible
de tomber sous le coup de cette loi passer entre les mains de tous les jeunes lecteurs
est donc un acte politique, non une application de la loi.
Là encore, il y a pas mal de marge entre l'incitation au crime (au viol, ici ?) et le simple
risque d'impressionner durement un jeune esprit... Personne ne va en taule, aucune
société n'est mise en faillite, aucun texte n'est censuré : au pire, un livre doit changer
de collection... Je ne suis pas juriste, mais je pense qu'on est dans la simple
règlementation, le décret ministériel. C'est en effet de la politique, mais au sens
de "gestion de la cité".
Quant à l'idée du "diaogue" il me semble que la commission n'a pas l'intention de l'engager,
ou alors elle aurait dû le faire avant de rendre son verdict,
Retour à la case départ : la commission de surveillance ne rend aucun verdict, ne prend
aucune sanction : elle se contente de signaler un livre à l'autorité politque responable ;
et c'est à partir de là qu'on commence à dialoguer (pour tous les autres livres, c'est
inutile). Si je comprends bien la situation, Magnier a reçu un courrier l'informant de cette
procédure. Tu choisis d'interprèter ça comme une "menace" participant d'un "lynchage",
auquel il faut répondre par l'agitation médiatique (sur les forums SF par exemple) ;
une autre réponse, meilleure à mon sens, consiste à prendre contact et à présenter
un contre-argumentaire, sereinement. Je n'ai évidemment pas vu cette lettre, mais je
suis prêt à parier qu'elle le suggérait explicitement, même si c'était en jargon administratif.

Accessoirement, il me semble bien avoir entendu Magnier sur France Cul voici quelques
jours, dialoguant avec un membre de ladite commission.
(et si j'ai vu passer ses droits de réponse à la presse, il semble beaucoup plus discret
concernant ses négociations avec le ministère — ce qui, j'espère, signifie simplement
qu'il traite la question comme il se doit...)
Les protestations de Magnier sont restées lettre morte,
Ses protestations auprès de qui, contre quoi ? Contre un verdict qui n'a pas encore été
rendu ? (à ma connaissance du moins)

S'il a des arguments à faire valoir, que le décisionnaire refuse de les entendre, et qu'une
sanction est prise dans ces conditions, il sera temps de protester — et non seulement
le droit français prévoit toutes sortes de recours, mais il a gagné d'avance si ça remonte
jusqu'au Conseil d'État, qui est allergique à ce genre d'arbitraire. En revanche, c'est
l'inverse s'il a négligé de transmettre son argumentaire à qui de droit, battage médiatique
ou pas.
faut-il donc qu'il se taise pour faire plaisir aux puristes de la définition de la censure ?
Faut-il qu'il accepte son sort plutôt que de se battre pour faire valoir sa conception de
son métier, au cas où cela froisserait les tenants du profil bas ?
Personne ne dit cela. Il a le droit de s'exprimer et, si cela intéresse les média (ce qui
semble être le cas), ses positions seront reprises. Mais ce qu'il peut dire en-dehors
du cadre réglementaire n'affecte ni la procédure concernant son livre, ni le droit des
autres à le contredire ou à relativiser ses propos. (ou faudrait-il que les puristes de la
définition de la censure se taisent pour faire plaisir aux tenants de la qualification abusive ?)
Modifié en dernier par caliban le mer. déc. 26, 2007 12:12 pm, modifié 1 fois.

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Message par MF » mer. déc. 26, 2007 12:02 pm

C'est étonnant comme le fait qu'une structure institutionnelle classifie par catégorie d'age ou de contenu un livre pose des questions existentielles sans fin alors que le même principe, lorsqu'il est retenu pour les jeux vidéo (PEGI), ne gêne personne.

Une explication à cette sacralisation de l'objet-livre?

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Nébal
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Message par Nébal » mer. déc. 26, 2007 12:11 pm

MF a écrit :C'est étonnant comme le fait qu'une structure institutionnelle classifie par catégorie d'age ou de contenu un livre pose des questions existentielles sans fin alors que le même principe, lorsqu'il est retenu pour les jeux vidéo (PEGI), ne gêne personne.
Ah si, moi ça me gêne.

Enfin, pour le moment, ça me fait plus rire que hurler au scandale, mais bon...

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Erion
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Message par Erion » mer. déc. 26, 2007 3:26 pm

Nébal a écrit :
MF a écrit :C'est étonnant comme le fait qu'une structure institutionnelle classifie par catégorie d'age ou de contenu un livre pose des questions existentielles sans fin alors que le même principe, lorsqu'il est retenu pour les jeux vidéo (PEGI), ne gêne personne.
Ah si, moi ça me gêne.

Enfin, pour le moment, ça me fait plus rire que hurler au scandale, mais bon...
Hm, je rappelle qu'au Japon, il n'y a pas véritablement de censure, en tout cas, pas dans les termes "pour la jeunesse", mais que toute la production des mangas est précisément segmentée en terme d'âges et de sexe. Ce sont les éditeurs qui font la répartition en fonction des auteurs qu'ils ont. Et là bas, ça ne choque personne, à commencer par les auteurs. On leur dit "faut écrire pour des jeunes garçons" et ils font des histoires pour ce public là, à charge pour eux de se débrouiller avec les contraintes. S'ils veulent s'adresser à un public adulte, ils vont dans les publications adultes.

Leur problème, c'est un problème de temps de création (une semaine pour faire 20 planches, c'est très pénible et la pression est très forte), mais le fait qu'un genre soit contraignant n'est pas un obstacle à la création.

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