Les enfants lisent!

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Anne
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Les enfants lisent!

Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 11:02 am

Et même sans Harry Potter!

J'ai une classe de seconde effroyable: fuyants, merdeux, ricanants. Des ados, quoi. La lecture, c'est l'horreur pour eux. Rejet total.

Jusqu'au jour où j'ai gentiment dénoncé le discours des parents et des médias ("il FAUT lire!" "LIS des classiques" "ça t'aidera pour tes lettres de motivation" (???)).
Et là je me suis aperçue que ces charmants sacs d'hormones lisaient...mais qu'ils n'osaient pas le dire. Pourquoi? Parce qu'on les emmerde avec la lecture et qu'ils crèveraient plutôt que d'avouer que les parents ont raison.

Et aussi parce qu'ils lisent...de l'imaginaire! Et que les parents sont allergiques (ce n'est pas de la littérature).

Résultat: ce n'est plus moi qui leur propose des livres (pour les lectures de vacances) mais l'inverse et ça marche très bien comme ça.

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Eric
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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 11:39 am

J'aurais rêvé d'avoir une prof qui ne m'imposait pas des lectures, et surtout des lectures chiantes. J'ai d'horribles souvenirs de Madame Bovary ou du Rouge et le Noir par exemple. Résultat, il m'a fallu attendre 18 ans pour m'apercevoir qu'on pouvait aussi lire par plaisir.

Je pense qu'il y a aussi beaucoup à voir avec la manière dont ces classiques nous sont présentés. Je me souviens de la réaction d'un de mes stagiaires avec qui on parlait bouquins lorsque je lui ai dis qu'il avait le droit de trouver Flaubert chiant à crever. Pas de dire que "c'est de merde !", parce qu'à l'évidence ça ne l'est pas, mais celui de s'ennuyer en le lisant. Il m'a regardé comme si j'avais dit, je ne sais pas moi... que Sarkosy était un altruiste désintéressé.

Le gros problème est là ! C'est que les profs nous présentent généralement les grands classiques de la littérature comme des passages obligés pour le lecteur, un titre dont finalement tu ne peux t'honorer qu'à cette condition. Mais au final, auteurs classiques ou pas, ce sont avant des artistes qui soumettent (même par delà les siècles) leur vision du monde à un public qui est libre d'y souscrire, ou pas. Il y une notion de libre arbitre dans la lecture de ses livres qui est totalement occultée par l'enseignement classique du français. C'est dommage !
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 12:11 pm

Oui, mais on ne peut pas les retirer du programme, en fait. Le mieux est encore de dire, comme je l'ai fait avec mes élèves qui doivent lire un Zola pour la rentrée: "sautez des pages!!!" Sautez des pages, réfléchissez (du coup), soyez maitres de vos lectures.

Pennac est très juste, à ce propos.

Faire comprendre aux élèves qu'on peut ressentir des émotions, réfléchir, malgré la barrière de la langue ou de l'époque.

C'est parfois difficile de trouver le juste milieu et en tant que prof, on se retrouve parfois à avoir des discours qu'on déteste, le temps d'être en confiance avec ses élèves et de pouvoir leur dire la vérité... :)

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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 12:14 pm

(Si on ne peut pas les retirer du programme, c'est tout simplement qu'on doit étudier la langue française du XVIeme au XXeme siècle. Dans le cas contraire, autant virer carrément les cours de français. Tout est une question de dosage...)

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Eric
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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 12:40 pm

Tout à fait d'accord, je ne pense pas qu'il faille les retirer, en plus pour beaucoup ce sera la seule occasion de leur vie de lire des classiques. Seulement beaucoup de profs de français ont une vision assez déconnectée de la lecture. ils sont passionés, formés à comprendre et apprécier les subtilités d'une langue parfois devenues incompréhensible hors d'une remise dans le contexte rigoureuse qu'ils ne font que de manière très anecdotique (fonctionnelle). les profs ne sont pas seuls en cause, loin de là. Les directives officielles les mettent souvent dans des situations impossbles, en les obligeant à étudier des oeuvres hors de portée d'un ado (même bon élève). A se demander parfois depuis combien de temps les gars qui font les programmes n'ont pas vu de prêt un jeune...

Est-ce qu'au fond l'approche de l'enseignement de la lttérature en France est-elle toujous la bonne ? Est-ce qu'on ne s'est pas finalement fossilisé en transformant les cours de français en visite guidée d'un musée un peu poussièreux plutôt qu'en essayant de réellement donner le goût de la lecture ?
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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 2:05 pm

Ouh la, ben justement non!

Les profs de lettres hurlent à la mort, et réclament les "anciennes méthodes", à cause de cette connerie de séquence (madame ton épouse en est tributaire également, en HG).

Au contraire, les cours sont vulgarisés au possible. Perso, ma démarche est devenue très claire: en classe, on étudie (on e-tu-die) des "classiques" et en dehors de la classe, ils lisent autre chose et peuvent même faire venir ces autres choses dans la classe (hormis Stephen King, par exemple).

Le gros problème est le discours démago: on a voulu insérer du langage courant et familier en classe, tout en disant "ce n'est pas bien, vous ne maitrisez pas le langage classique et soutenu". On leur a fait étudier des livres pour gamins, certes très drôles mais qu'on ne peut pas vraiment analyser.
Surtout, on leur a fait croire qu'on allait leur apprendre la littérature. Or, soyons bien clairs. On leur apprend le français.
Et ce qui se passe le plus souvent, c'est qu'ILS nous apprennent leur français, à force d'adaptation.
Savoir équilibrer tout ça demande d'être très très très bon prof.
Ce qui n'est malheureusement pas mon cas, ni le cas de tous mes collégues.
Ca demande aussi d'être comédien, réactif, savoir faire la police tout en ne tombant pas dans le facho, les amener à aimer la littérature sans perdre de vue l'usage classique des différents niveaux de langue, et surtout (conneries des conneries) leur faire comprendre la grammaire de façon accidentelle.

Il faut effectivement une réforme pour annuler la réforme!! :)

Tu dois savoir que maintenant, par exemple, on ne doit pas leur faire copier des règles de grammaire. Ils doivent construire leur propre cours. Que tu dois reformuler mais sur leur propre support.

En gros, au collège, tu as 55 minutes de cours. Enlève 10 minutes pour l'appel, les différents "taisez-vous", le temps qu'ils sortent leur cahier, les problèmes des uns et des autres ("mdame, j'ai pas mon livre" "mdame vous aviez dit qu'on ferait de la lecture" "mdame ma mère a mis un mot pour vous dans mon carnet")...
Il reste donc 45 minutes.
Là tu dois tout faire partir d'un texte. Ils doivent y découvrir le vocabulaire, le sens et la forme, des points de grammaire, des points d'histoire littéraire, des figures de styles etc...selon la "dominante" de ta séance.
Tu notes tout au tableau. Tu les fais reformuler. Tu reformules. Tu dictes quand même (histoire qu'il y ait une trace écrite).
Tes 45 minutes sont bouffées.
Tu n'as pas le droit de faire d'autres cours. Il faut des séances intégrées dans des séquences.

Résultat: mes collégues marchent par polycopié. Les gosses n'écrivent presque plus. Ils n'intègrent plus.

Arrivés en seconde, à force d'avoir voulu les intéresser à coups de petits livres faciles à lire, ils te disent que Zola est un auteur du XVIIeme. Ils n'ont rien lu. Ils ont ingurgité des bouts de textes et des polycopiés.

C'est tellement énorme et dispersé que lire un livre de bout en bout devient problématique. D'où les éditions abrégées pour le collège.
Les gosses ont changé, c'est un état de fait.

Je me souviens qu'en 6eme, j'avais au prog, entre autres, tout l'Odyssée et Vendredi et la vie sauvage. En 5eme j'ai attaqué Balzac. Zola en 4eme. Hugo en 3eme.
Maintenant, leur filer Zola en 4eme, c'est impossible. Ils veulent une littérature connectée à leur vie. Ca voudrait dire qu'on doit lire certains auteurs à certains âges de la vie. Si tu veux lire Sartre à 14 ans, t'es dedans. Faut pas sauter les barrières des statistiques.
Les jeunes avec les jeunes, les vieux avec les vieux.

Tu vois la gymnastique? Les intéresser et leur faire découvrir d'autres mondes, d'autres époques. Ne pas tomber dans la vulgarisation idiote. Ni dans la démago. Faire un cours interactif. Ne pas les laisser prendre le pas sur ton cours.

Heureusement, il y a de bonnes choses.

En seconde, il y a deux séquences nommées "Ecrire lire et publier" et "le travail de l'écriture" (sur les brouillons d'écrivain) qui nous sauvent. Ils adorent! La singularité des textes, la marginalisation de l'auteur, ça leur parle. Ego sum.
Sans ça, l'année serait tout simplement un enfer. Ils acceptent de lire les brouillons de Zola. Puis Zola...et hop...

Enfin, bon, c'est ma deuxième année d'enseignement, hin. Je serai infoutue de donner une vue d'ensemble sur la réforme à faire. Je ne note que des points qui handicapent mon travail et leur progression...

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Eric
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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 2:49 pm

Ben perso ça ne me semble pas hérétique de dire qu'effectivement il y a des ages pour lire certains livres. Lire Balzac en 5ème me semble, par exemple être déconnecté des réalités, tout comme faire lire Flaubert en 4ème ou Proust en 3ème. Les problématiques qui y sont abordées, et surtout leurs traitements sont, à mon sens, parfaitement hors de portée des ados.

Le traitement de l'ennui et du fantasme dans Madame Bovary n'est absolument pas quelque chose qu'un ado du XXIème siècle qui s'est fait dépuceler à 13 ans peut comprendre. Pour moi, ça ne pourra que le confronter à une langue difficile et qui a toutes les chances de le rebuter.

Maintenant je ne prêche pas non plus pour un nivellement par le bas. Effectivement étudier Stephen King sous prétexte que c'est sensé être la seule chose qui pourrait intéresser les élèves est simplement faire preuve de démission, voire relève même d'une démarche de crétinisation coupable et un gouvernement qui l'encouragerait démontrerait une préméditation inquiètante. Je dis simplement que si le rôle des profs de français est avant tout d'apprendre le français, ils sont aussi les seuls, en tout cas les mieux placés, pour donner le goût de la lecture. Pour faire comprendre le formidable outil de liberté que c'est. Maintenant les gamins ne vivent plus dans le même monde sémantique que les gens qui conçoivent les programmes. Ils vont plus vite, comblent plus facilement les discontunuités logiques, reconnaissent plus aisément des schémas là où les adultes ne voient que chaos. Alors est-ce qu'une littérature avec une langue et une dramaturgie aussi lente et classique que Stendhal ou Proust sont toujours les plus indiquées dans une étape d'initiation à la littérature (parce qu'au final c'est bien de cela qu'il s'agit : amener les mômes à la lecture).

Maintenant d'un point de vue pédagogique, perso je fais partie de la génération qui a appris la grammaire à l'ancienne, c'est à dire qu'on m'a fait répéter les mêmes règles du CM1 à la 3ème, et c'était chiant, mais somme toute assez efficace. Maintenant c'est comme les méthodes d'apprentissage de la lecture, si tu dis que le B.A BA est mieux que la méthode globale ou semi globale, tu est un vieux con réac, limite un criminel qui veut assassiner la créativité de l'enfant. Et là enore je pense que ce qui fait débat c'est qu'on fini par mélanger un peu tout. La démagogie n'a pas sa place quand il s'agit de donner à chacun les outils de bases pour être un citoyen.

Le fait est qu'il y a un désamour dela lecture (pour reprendre un terme à la mode et à la con), mais d'où vient-il ? N'ya-t-il pas un début de réponse dans les choix, ou plutôt le manque de choix pédagogiques offerts aux enseignants ?
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Anne
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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 3:02 pm

Eric a écrit :Ben perso ça ne me semble pas hérétique de dire qu'effectivement il y a des ages pour lire certains livres. Lire Balzac en 5ème me semble, par exemple être déconnecté des réalités, tout comme faire lire Flaubert en 4ème ou Proust en 3ème. Les problématiques qui y sont abordées, et surtout leurs traitements sont, à mon sens, parfaitement hors de portée des ados.
Je te parle Zola, tu me réponds Stendhal! Bien sûr que ça fait chier, Stendhal! Mathilde de la Motte, à part faire marrer, ne sert franchement à rien dans le paysage d'un ado!
Zola est tout à fait abordable (par le côté croustillant de la montagne). Quand on leur permet de sauter les descriptions de 12 pages (à ne pas faire avec Balzac sinon, deux pages lues à la fin du livre), ils aiment bien.


Eric a écrit :Maintenant je ne prêche pas non plus pour un nivellement par le bas. Effectivement étudier Stephen King sous prétexte que c'est sensé être la seule chose qui pourrait intéresser les élèves est simplement faire preuve de démission, voire relève même d'une démarche de crétinisation coupable et un gouvernement qui l'encouragerait démontrerait une préméditation inquiètante. Je dis simplement que si le rôle des profs de français est avant tout d'apprendre le français, ils sont aussi les seuls, en tout cas les mieux placés, pour donner le goût de la lecture. Pour faire comprendre le formidable outil de liberté que c'est. Maintenant les gamins ne vivent plus dans le même monde sémantique que les gens qui conçoivent les programmes. Ils vont plus vite, comblent plus facilement les discontunuités logiques, reconnaissent plus aisément des schémas là où les adultes ne voient que chaos. Alors est-ce qu'une littérature avec une langue et une dramaturgie aussi lente et classique que Stendhal ou Proust sont toujours les plus indiquées dans une étape d'initiation à la littérature (parce qu'au final c'est bien de cela qu'il s'agit : amener les mômes à la lecture).
C'est surtout que je me vois mal conseiller King à des ados, étant donné qu'il y a du sexe, de l'horreur, du sang... C'est là où commence mon métier justement (pas dans le sexe dans l'horreur et le sang). Je n'ai pas le DROIT, tout simplement.
Ensuite, rassure-toi, à part deux trois fous, plus aucun prof ne fait étudier Proust. Il faudrait déjà qu'ils se l'enquillent et qu'ils le comprennent! :)

Eric a écrit :Maintenant d'un point de vue pédagogique, perso je fais partie de la génération qui a appris la grammaire à l'ancienne, c'est à dire qu'on m'a fait répéter les mêmes règles du CM1 à la 3ème, et c'était chiant, mais somme toute assez efficace. Maintenant c'est comme les méthodes d'apprentissage de la lecture, si tu dis que le B.A BA est mieux que la méthode globale ou semi globale, tu est un vieux con réac, limite un criminel qui veut assassiner la créativité de l'enfant. Et là enore je pense que ce qui fait débat c'est qu'on fini par mélanger un peu tout. La démagogie n'a pas sa place quand il s'agit de donner à chacun les outils de bases pour être un citoyen.
Ils commencent à s'en rendre compte...Il a fallu le temps!!!
Eric a écrit :Le fait est qu'il y a un désamour dela lecture (pour reprendre un terme à la mode et à la con), mais d'où vient-il ? N'ya-t-il pas un début de réponse dans les choix, ou plutôt le manque de choix pédagogiques offerts aux enseignants ?
Les enseignants n'ont jamais eu autant de choix. Ce sont les applications qui sont débiles. Les français n'ont jamais autant lu. Il n'y a pas désamour de la lecture, comme le soulignait mon premier post, mais désamour d'une certaine littérature. Déjà, nous, ça nous emmerdait, le Père Goriot. Seulement, on le disait tout bas.
Tu proposes quoi, comme oeuvres/méthodes?

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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 3:31 pm

Ben en fait il y a truc qui m'a toujours semblé étrange (même si je peux comprendre au fond), c'est ce tabou des oeuvres étrangères traduites (en tout cas de mon temps c'était le cas). Si le but est d'apprendre le français, une bonne traduction, et nous savons qu'il y en a plein, d'un bon roman intéressant vaudrait mieux qu'un classique français in the text chiant.

Déjà, je vois là un antagonisme, on dit vouloir apprendre le français et on se coupe (en tout cas se soupait de mon temps) de tout un pan de la littérature pourtant écrite en français.

Ensuite des auteurs comme Dumas, qui sont toujours un peu snobé dans les milieux universtaires ne me semblent pourtant pas hors de propos.

Quant au sexe, au sang et à l'horreur, je crois me souvenir de deux ou trois passages assez pipi caca dans Molière qui n'ont jamais trop posé de problèmes, sans même parler de l'étude de Racine ou de Corneille qui nous racontent des histoires de fils qui couche avec sa mère, qui se fait arracher les yeux ou de rois qui menace la vie d'un enfant pour coucher avec la mère. A côté King fait un peu petit bras je trouve. Là encore il y a un vrai divorce avec la réalité de l'imaginaire des gamins. Et le coeur du problème est peut-être là ? Moi il m'a fallu longtemps pour comprendre que la littérature c'est plus une question d'imaginaire qu'une question de discipline.
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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 3:40 pm

Dumas est étudié en 5eme et 4eme.

Quant à King, le problème, c'est qu'à la différence de Corneille, il DECRIT ces relations sexuelles-là.

Aucun prof ne peut conseiller un truc pareil, à moins d'avoir envie de faire une très très courte carrière.

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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 4:00 pm

Tartufferie typique de l'Educ Nat. Ca me rappelle un provo quand j'étais pion qui avait failli faire viré l'infirmière parce qu'elle avait mis à dispo des brochures d'infos surle SIDA. Pour lui c'était inciter les lycéens à avoir des relations sexuelles.

Ces bouquins, de toute façon, ces gamins, ils les lisent. Sans même parler des films qu'ils regardent ou des jeux vidéos auxquels ils jouent. Pour info, à un moment donné circulait sur le net un patch qui te permettait de foutre Lara Croft à poil en phase de jeu. Les fantasmes des ados ne sont ni plus ni moins moites aujourd'hui qu'à notre époque, ils ont simplement plus facilement accès au moyen de les réaliser. Mais vite, vite, couvrons ce nibard que nous ne saurions voir. C'est la parfaite illustration de ce que je disais en parlant de divorce avec la réalité du monde d'aujourd'hui.

C'est d'autant plus idiot que ce divorce n'est du seul fait que des gens qui restent dans les ministères, parce que, évidemment, les profs sont en première lignes, et ne peuvent que constater où mènent ces décisions politiques (exemple type : Le collège unique). Evidemment la réalité est toujours tellement moins flatteuse.
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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 4:55 pm

Là, je ne suis pas d'accord. Il faut justement garder une limite entre le monde des ados (leur jardin privé, leurs lectures dites illicites) et ce qu'on prone en tant qu'adultes.

Scuse mais je ne vois pas de quel droit je leur ferai lire un livre où on décrit précisément des relations sexuelles plutôt glaques (ou carrément illégales, genre détails sur la pédophilie) à un âge où (quoique tu en penses) ils n'ont même jamais baisé une seule fois!!!

Je ne suis pas là pour ça. La vision du sexe dans King, de plus, est là pour donner encore un peu plus de consistance au contexte fantastique, voire horreur.

C'est tout ton paradoxe, ça: un mélange d'anciennes méthodes et de liberté absolue. "Lis ton bescherelle et après je te passerai du Easton Ellis. T'as jamais roulé un patin mais tu vas voir, les scènes de cul sont très réalistes". Le cul, ça fait partie de leur intimité. Je n'ai pas à leur conseiller ce qu'ils doivent en lire.

Les profs sont là pour enseigner la littérature, pas pour étudier des passages de cul. On est censés être en adéquation avec une certaine image de l'état et de la culture française.

J'ai eu une conf par un mec qui bosse en ZEP et qui disait que le principal problème des jeunes, selon lui, c'était le manque de crédibilité des adultes. Il n'a pas complétement tort. Les maintenir dans l'illusion que nous sommes des vieux cons, qu'ils découvrent tout seuls, c'est rassurant. Je suis là pour leur donner des bases d'esprit critique et la permission de tout lire. Pas leur fourrer de force dans les pattes des livres qui sont peut-être contre l'éducation qu'on leur donne.
Je parle pas politique, je parle pas de cul. Ou alors de façon très légère.

Déjà qu'ils ont trouvé que Balzac et la petite tailleuse (de pipes) chinoise, c'était érotique!!! :lol:

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Charlotte
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Message par Charlotte » lun. févr. 06, 2006 5:20 pm

Bon,

J'intègre le débat. Mais avant tout, je signale une chose : les profs ont beaucoup changé durant les quelques années qui nous séparent Eric et encore changé durant les années qui me séparent de ma petite soeur (11 ans de différence).

Tout çà pour dire quoi ?

Qu'apparemment, seul Zola résite envers et contre tout. Parce que si je reprends la liste des noms d'auteurs cités, bah il n'y en a pas un que j'ai lu avant la Prépa, comme les 99% de la classe (ce qui au passage à fait huler le Prof de Lettres).

Donc, en collège lycée je n'ai pas lu Flaubert, Proust ou Stendhal (que d'ailleurs je n'ai toujours pas lu, faudrait quand même que je m'y mettes, parce que çà fait pas sérieux)

Mais j'ai lu en liste obligatoire : Hugo, Poe, Balzac et Zola

Et le mieux c'est que çà ne m'a pas traumatisée pour un sou.

Aujourd'hui ma petite soeur au lycée a lu:

Ravages de Barjavel
Zazie dans le métro de Queneau
L'Elixir de longue vie de Balzac (c'est une nouvelle !!)

Bref rien de franchement casse-burettes !

Alors, les choses bougent (je ne suis pas sûre que ce soit toujours dans le bon sens, mais bon...)

Et majoritairement, tu fais lire aux élèves des bouquins du XIXème et XXème siècles. Les profs ne sont pas suicidaires et ne font pas lire Rabelais (et pourtant on se marre bien) ou Scarron (là aussi on se marre bien) mais seulement des extraits.

Ensuite se passer de découvrir les oeuvres littéraires qui ont construit la littérature d'aujourd'hui est impossible. Plus tu lis plus tu t'enrichis et plus tu comprends mieux les livres que tu lis. Et puis, l'école c'est quand même fait pour apprendre. Comment tu veux savoir ce que c'est le naturalisme si tu n'as jamais lu Zola, hein ? Comment?

C'est un peu décousu mon discours mais vous avez parlé de tellement de choses que c'est dur de s'immiscer dans la conversation.

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Eric
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Message par Eric » lun. févr. 06, 2006 6:00 pm

Aaaah ! Bordel de couille ! Ravage ! Ca y est je vais encore m'énerver !

Voilà ! Typique de ce que je disais ! Faire lire cette merde réac tartinée en feuilleton dans le pire torche cul de l'histoire de la presse française au XXIème siècle c'est n'importe quoi !

Et le pire c'est que c'est, pour la majorité des profs de français le roman de SF typique (sous entendu le seul lisible si on se targue d'avoir un cerveau et un minimum de goût). Faire lire Ravage en particulier et Barjavel en général c'est symptomatique du divorce d'avec les réalités.

Contrairement à ce que pense Anne, je ne pense pas que les profs doivent être là pour encourager les ados à essayer les fumeries d'opium ou à lâcher des rats dans les minous de leurs petites copines en révisant la conjugaison du verbe "gésir". Je pense que leur rôle, comme tu le faisais très justement remarquer c'est d'être crédible, pour donner des limites. Des bases. Et pour se faire, ils se doivent de trouver les meilleurs vecteurs d'apprentissage. Et se tenir au courant, et mieux même, comprendre dans quel univers vivent les gamins devient dès lors une obligation de survie pour eux. Un prof aujourd'hui, aussi classique que soit sa matière ne peut pas faire l'économie de s'investir dans la culture de ses élèves. Et c'est ça qui a changé le plus ces dernières années. Si tu ne comprends pas comment ils pensent, tu ne peux pas les amener à réfléchir. Moi aussi je passe ma vie à parler (par média interposé certes, et pour des motifs beaucoup moins élévés, je suis d'accord) à des gens qui ont la moitié de mon âge, et je passe l'autre moitié à me renseigner sur la manière de le faire. C'est à cette seule condition que j'y arrive.

Pourquoi est-ce que se sont toujours les profs de sports qui ont le meilleur contact avec les élèves ? Simplement parce qu'ils ont les mêmes références culturelles et médiatiques. Ils regardent les mêmes choses, et les comprennent de la même manière, alors que bien souvent les profs de musique sont totalement à côté de la plaque. Parce que tant qu'ils persistent à vouloir apprendre le solfège à des gosses dont la culture musicale est à base de sampling, c'est le no comprendo assuré.

Présenter des auteurs inadaptés aux réalités de la vie des gamins relève de la même attitude. Dire à un môme qui vit avec internet, le câble, qui sait mieux que toi quel forfait téléphone est le moins cher, qui est né après l'invention du CD et qui a sur son ordinateur et maîtrise des logiciels dont tu ne comprends même pas l'utilité, lui présenter un monde où on aspire au retour à la nature en lui disant que finalement c'est peut-être ça le bonheur, c'est non seulement rétrograde, c'est surtout totalement à côté de la plaque. Jamais il n'adhérera à cette vision. Même pas sûr qu'il la comprenne. Si Zola fonctionne, c'est qu'il leur parle de gens comme eux, qui sont pauvres, exploités et manipulés. Il leur parle de ce qu'ils connaissent, de la même manière que les bluesmen du Mississpi ont retrouvé un public dans la jeunesse anglaise populaire des années 60. Parce que ces derniers avaient l'impression que ces vieux blacks cueilleurs de coton leur racontait leur histoire à eux, fils de prolo de l'après guerre.

C'est ça que je voulais dire en disant qu'il fallait choisir ses références. Rushkoff* dirait qu'il faut trouver la bonne enveloppe pour inoculer le virus le plus efficacement.
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Message par Anne » lun. févr. 06, 2006 6:20 pm

Attends, dans quel bahut tu as trouvé les profs que tu décris? :lol:


Tu les prends tous pour de vieux cons?
Même le plus nul de chez nul essaie de trouver le fameux vecteur, de comprendre comment les gosses évoluent.

Si tu relis notre discussion, tu t'apercevras que ta pensée évolue également petit à petit. La seule différence de discours, c'est que tu AFFIRMES à chaque fois ce que tu avances, au fil de cette évolution. :)

Je t'assure que les profs s'intéressent, en essayant néanmoins de ne pas tirer les gosses vers le bas, de ne pas faire de démagos.

Reviens deux posts plus haut: c'est bien le programme, le problème, pas les profs...

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