Dans la bibliothèque de l'Entre-Monde

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Léo Henry
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Message par Léo Henry » mar. mai 23, 2006 1:43 pm

Bonjour à tous. Je profite de mon premier post pour créer sauvagement un topic, je l'espère convivial.

Ayant mis la patte sur l'intriguant guide de lecture que Francis Berthelot consacre aux transfictions, je sors fort réjoui de ce premier survol. Tout comme le coquet Panorama du Fantastique et du Merveilleux des Moutons Eclectiques, cette cartograghie littéraire me semble porter de fort jolis fruits, cueillis indifférement dans tous les rayons des librairies. La Bibliothèque de l'Entre-monde regroupe, en tout cas, un large pannel des bouquins qui m'excitent, en blanche comme en genres.

Pour ceux d'entre vous qui se sentent d'attaque, j'aimerais qu'on essaye de lister ici quelques oeuvres transfictives absentes du corpus berthelotesque. Ceci afin de compléter, affiner ou digresser sa première sélection, bien évidemment partielle.
Livres inclassables, transgressions littéraires, aventures aux marges...
Avec, de préférence, des trucs qui vous ont plu et qui pourraient plaire à d'autres.

J'ouvre le bal avec :

Le Voyage d'Anna Blume de Paul Auster (1989).

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Auster est cité aussi bien par les Moutons que par Berthelot, pour Mr. Vertigo dans le premier, et Le Livre des Illusions dans le second.
Il me semble pourtant que In the country of last things est son roman le plus déglingué, et de loin. Le plus étrange aussi dans sa bibliographie réaliste.
Ballade onirique, appartenant pleinement au genre du merveilleux craspec, Le Voyage est le récit d'une impossible quête dans une cité irréelle. Le registre est fantastique, mais difficilement indetifiable comme tel à cause de l'ambiguité narrative : la promenade au pays des dernières chose est contée par Anna Blume elle-même, dont l'honnêteté - et la santé mentale - est copieusement remise en question.
Reste qu'il y a beaucoup de belles images dans cette étrange aventure, inspirées par les grandes cités d'Europe de l'Est, par une New York mythifiée, par des souvenirs d'immenses bilbliothèques désertes et les traumatismes totalitaires du XXè siècle.
D'innombrables références étayent à peine ce décor déglingué, de la Bible à Don Quichotte, en passant par le dada cinglé Kurt Schwitters, qui créa l'héroïne du récit dans son poème An Anna Blume.
Cette étrange virée est sans doute le livre le plus inattendu d'Auster, coincé chronologiquement entre ses très typés Trilogie New-Yorkaise et Moon Palace.

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Eric
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Message par Eric » mar. mai 23, 2006 2:10 pm

Bonjour Léo, et bienvenue.

Effectivement un topic convivial et intéressant.

Bon, je précise que je n'ai lu ni l'un, ni l'autre de ses ouvrages de références, donc j'attaque avec mes propres idées.

Je mentionnerais bien L'Homme-Dé, de Luke Rhinehart, qui colle assez bien à l'idée de transfiction, puisqu'il raconte l'histoire de Luke Rhinehart, psychiatre New-Yorkais qui décide de déconstruire sa personnalité en jouant sa vie au dés. Intéressant concept, puisqu'il établit lui-même des listes, attribuant à chaque possibilité un nombre donné de chances de sortir, et qu'une fois le choix des dés exprimé, il s'y conforme. Le bouquin a fait grand bruit à l'époque, d'autant qu'on ne savait pas qui se cachait derrière ce pseudonyme. Lorsqu'on on l'a su, une quinzaine d'année plus tard, il s'est avéré que l'auteur étati lui-même psychiatre. C'est en tout un cas un roman remarquable, qui tire le meilleur parti d'une matériau imaginaire de base assez pauvre, et qui surtout, joue vraiment avec la limite. Intéressant.

J'ai aussi entendu parlé du dernier roman de Philip Roth qui est une uchronie (que se serait-il passé si Lindbergh était devenu président des US), dans laquelle il inclut des éléments autobiographiques fictifs. Bonne idée, maintenant... à voir.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Léo Henry
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Message par Léo Henry » mer. mai 24, 2006 5:33 pm

Dans le continent sudaméricain, rappelons l'oeuvre d'Ernesto Sabato, régulièrement oubliée pour de mauvaises raison. Alors que la plupart de ses contemporains écrivaient à côté de Castro ou de Borges (Marquez et Casares, pour ne citer qu'eux), ce romancier argentin a créé son oeuvre largement contre eux. Ce qui ne lui a pas valu que de franches amitiés.

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Sabato est un personnage bizarre, pour une oeuvre atypique. D'abord chercheur en physique (pionnier du quantique, semble-t-il), il quitte Buenos Aires pour se rendre à Moscou, invité à travailler pour l'URSS. A son escale à Paris, le voilà qui se fait la malle, renonçant à sa carrière au proft de la bohème surréaliste... Il rentre des années plus tard en Argentine, où il écrit, sur trente ans, son oeuvre complète, composée de trois romans. En 1974, il déclare son travail terminé. Toujours en vie, il n'a plus publié une ligne de fiction depuis.

Sa trilogie appartient, me semble-t-il, très largement à la transfiction. Moins mythologique que les fresques de Marquez, son travail flirte plus volontiers avec le fantastique urbain et le postmodernisme déglingué.

Le Tunnel, publié en 1948, a été salué par Camus pour son orthodoxie existentialiste. Confession d'un peintre assassin, strictement réaliste, c'est surtout un subtil portrait de psychopathe qui nous est proposé. Le roman est court et pessimiste, prétexte à une charge d'une réjouissante violence contre l'indéboulonable J.L. Borges. Ce premier volet assez retenu laisse déjà entrevoir les coins sombres de l'univers sabatien qu'il explorera plus tard.

Héros et tombes date de 1961. Traduit une première fois sous le titre Alejandra, le livre propre une histoire parrallèle à celle du Tunnel (on y retrouve des personnages) et nettement plus ample. Mélangeant récit inittiatique, drame amoureux, peinture d'un Buenos Aires moderne, saga historique et fantastique, ses six cent pages ne sont pas de trop pour circonscrire un étonnant grand huit littéraire. Gombrovicz a écrit, à raison, qu'il appartenait à l'espèce suspecte des livres qu'on finit à trois heures du matin. Et, sans aucun doute, le talent narratif de Sabato est stupéfiant. D'autant qu'arrivé au terme de l'histoire, le lecteur est bien infoutu de pointer ce qui l'a si bien embobiné dans ce récit... L'épisode le plus déroutant de Héros et tombe est un épais insert au sein du roman, intitulé Rapport sur les aveugles, écrit par un personnage paranoïaque et révélant les dessous d'un complot mondial ourdi dans les caves par les malvoyants.

L'Ange des ténèbres, ou Abadon, boucle la boucle en 1974. Ernesto Sabato est lui-même un personnage de ce roman, harcelé par des inconnus pour avoir révélé les sinistres vérités de son fameux Rapport. Réécriture des deux premiers romans, avec des prolongations inattendues, questionnement sur le récit en même temps que grande aventure portègne, ce dernier volet est le plus audacieux et le plus transgressif. Il se clot sur la mort et l'enterrement de l'écrivain lui-même, qui rédige pour la peine sa propre épitaphe...

Ayant rarmenent peur d'exagérer dans l'enthousiasme, je dirais volontiers en conclusion que Sabato est un équivalent latino de Joyce. Rarement oeuvre littéraire aura mélangé des influences et des ambiances différentes que sa, somme toute modeste, trilogie. Et presqu'aucun écrivain ne travaille avec une telle énergie, ne rend une telle impression de puissance. Joyce donc, mais infiniment plus accessible, avec une surface très agréable cachant de très grandes profondeurs.
Et puis, le réalisme magique croisé à la plus grande modernité urbaine, laissez-moi vous dire que ça barde plus qu'un peu.

Lisez-le donc.

(J'ai par ailleurs mis la main sur L'Homme-dé, qui a l'air amusant, en effet)

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DuncanI
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Message par DuncanI » jeu. mai 25, 2006 10:12 pm

Léo Henry a écrit :Dans le continent sudaméricain, rappelons l'oeuvre d'Ernesto Sabato, régulièrement oubliée pour de mauvaises raison.
C'est extrèmement alléchant tout ça !
Le procédé de réaborder dans chaque roman la même histoire en changeant de point de vue me fait penser au Quatuor d'Alexandrie, la seule lecture valable que j'ai tiré de mes études de Lettres. Et les thèmes traités et la progression au fil des romans que tu décris m'attirent bien plus que ceux de Durrell.
Allez hop, en haut de ma pile à lire !

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Léo Henry
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Message par Léo Henry » ven. mai 26, 2006 2:27 am

Notons quand même que, tant au niveau de l'intrigue que de la façon de traiter le récit, les trois bouquins sont vachement différents. Ca permet de lire la "trilogie" dans n'importe quel ordre, voire partiellement. Mais ça ne ressemble pas vraiment au traitement du Quatuor.

Ca se trouve en poche chez Points. Pas cher. Et très bien.
Si, si.

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