Roxane Allouche de la librairie du Tramway à Lyon.
1) Présentation de la librairie du Tramway :
- Librairie située dans le 3ème arrondissement de Lyon, créée en 2000, généraliste, d'une surface de 105m².
- CA total de la librairie 673 258€ année 2016/2017, le rayon SF/fantasy représente donc 1 % du CA total
- Rayon SF/fantasy sur l'année 2016/2017 CA : 3709€ soit +23,8 % depuis l’année 2015/2016
- Le fond en rayon SF/Fantasy représente la moitié du CA total de ce rayon, cela est propre à la librairie de part le fait que l’espace de présentation des nouveautés étant assez restreint, et étant seule (ou presque) à en lire, le fond est privilégié.
- La librairie fait peu de scolaire à proprement parlé, seul le collège Raoul Dufy se situant à proximité de la librairie passe ses commandes de manuels et de prescriptions chez nous. En revanche les prescriptions scolaires, elles, se font également par des élèves scolarisés un peu partout dans Lyon mais seulement à l’unité.
Les ouvrages dits de l’imaginaire que l’on retrouve régulièrement dans les prescriptions scolaires :
- Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes
- 1984 de Georges Orwell
- Le hobbit de J.R.R Tolkien
- Fahrenheit 451 de Ray Bradbury
- Frankenstein de Mary Shelley
- L’étrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde de R.L Stevenson
- Dracula de Bram Stocker
- Ravage/La nuit des temps de René Barjavel
- La planète des singes de Pierre Boule
- La guerre des mondes de H.G Wells
- Le meilleur des mondes de Aldous Huxley
- Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe
- Pour donner un ordre d’idée, tous les ouvrages cités comme étant commandés dans le cadre de prescriptions scolaires ont un taux de rotation compris entre 3 (rotation normale pour un titre du fond) à 10.
(rotation très élevée s’expliquant par une prescription, un coup de coeur, une opération etc)
Si l’on compare à un titre dit de la littérature classique, par exemple « Candide » de Voltaire, également lu en classe, le taux de rotation se situe entre 9 et 6 sur l’année.
2) Place de la littérature de l’imaginaire au sein de la librairie :
- Comme mentionné précédemment, sur l’équipe de 5 libraires que nous sommes, je suis celle qui apprécie et lit le plus la littérature de l’imaginaire. Aucun libraire n’est en soi dédié à ce rayon puisque tout le monde lit de « tout », même s’il est évident que chacun possède son rayon de prédilection. La démarche de ne pas établir de libraire dédié à 100 % à un ou des rayons, permet une plus grande diversité dans le choix des nouveautés et des coups de coeur. De ce fait les étales sont variées, et ne représentent pas seulement les goûts d’un seul libraire, mais d’une équipe.
- Également mentionné dans la liste de chiffre plus haut, le rayon SF/Fantasy a connu une augmentation c’est deux voir trois dernières années, en partie depuis mon arrivée mais aussi parce qu’une visibilité a été donné à cette littérature chez les éditeurs et dans la presse. (J’y reviendrai plus tard.) De ce fait, le rayon a changé de place dans la librairie à partir de 2015, passant d’une seule étagère contenant à peu près 60 livres de fonds et 15 de nouveauté et située dans le fond de la librairie à une étagère contenant à peu près 100 livres de fonds et 25 de nouveauté et située cette fois près de la littérature polar.
- Si l’augmentation du CA du rayon SF/Fantasy est notable et a permis un agrandissement du rayon, il est toujours assez « complexe » de conseiller une clientèle de non « initiés » ou du moins peu enclins à la littérature de genre. Je mets des guillemets car les profils varient en fonction des clients, s'il s'agit de notre clientèles d'habitués ou celle dite de passage mais également de l'actualité en fonction de la presse consacrée à une œuvre, un auteur ou un ouvrage.
- Concernant notre clientèle, elle est composée en grande partie d'avocats et autres professions liées à la justice, (Palais de justice en face de la librairie) de familles et d'enfants/adolescents (collège Raoul Dufy à proximité de la librairie), il est vrai que cette clientèle est moins à même de se laisser tenter par de la littérature de genre, elle reste encore frileuse de par certains à priori.
-A l'inverse, il est plus évident on va dire, lorsqu'il s'agit de clients ne faisant pas partis de nos habitués, c'est à dire ne travaillant pas forcément dans le secteur, à se laisser guider vers cette littérature là.
- Quand à la presse,elle est quoi qu'on en dise assez prescriptrice encore actuellement, que ce soit la presse écrite (le supplément livre du Monde, Lire, Les Inrock etc) ou les émissions radiophoniques (le Masque et la Plume, la Librairie Francophone) ou télévisées (La grande librairie).
- Pour donner un exemple concret, récemment l'auteur Alain Damasio a donné une longue interview sur France Culture « La Science Fiction c'était mieux demain », la semaine suivante cela s'est clairement ressenti sur les ventes des ouvrages « La zone du dehors » et « La horde du contrevent » , passant de 3 à 4 exemplaires vendus dans le mois, à 3 voir 5 exemplaires vendus dans la semaine. C'est pourquoi selon moi les difficultés rencontrées dans la vente de littérature de l'imaginaire résident en ces trois grands points :
- les à priori des clients « non initiés » aux littératures de l'imaginaire, voir de genre en général,
- le manque de visibilité des nouveautés et du fonds de ces littératures en librairies généralistes,
- la trop faible visibilité accordées à cette littérature dans les médias.
De mon point de vue et concernant les deux premiers points, les solutions possibles peuvent être :
- Faire sortir les clients de leur zone de confort, même si cela paraît un peu abrupte et risqué il y a possibilité dans une librairie avec une signalétique claire et un conseil client avisé, de brouiller un peu les pistes quand à la place de certains ouvrages, je m'explique. Il y a des titres, qui sont à la lisères d'un genre, voir qui appartiennent dans les grandes lignes à un genre, je pense à des romans comme « La Maison dans laquelle » de Mariam Petrosian chez Monsieur Toussaint Louverture, considéré comme un roman « fantastique » par beaucoup, chez nous il était placé tantôt en littérature, tantôt en imaginaire. Nous avions fait la même chose avec « La Montagne morte de la vie » de Michel Bernanos chez l'Arbre Vengeur et nous pourrions le faire sur le dernier Margaret Atwood, et tant d'autres. Cela ne veut pas dire que l'on considère ces titres comme assez « nobles » ou « écrits » pour être transposés dans d'autres rayons, mais que le genre, parfois, peut être aussi en fonction de la sensibilité d'un lecteur, de son ressenti. Quand je lis « Zero K » de Don Delillo je n'ai absolument pas l'impression de lire un roman d'anticipation malgré son sujet, parce que l'important pour moi dans les romans de Don Delillo c'est le traitement des idées, comment elles affluents, et non pas le cadre dans lequel elles sont émises. En faisant cela, on pousse aussi le client à aller regarder ce qu'il se passe dans un rayon comme celui de la Sience-Fiction/fantasy, d'aller voir au delà d'un genre. On peut également lors d'un conseil, en fonction des éléments souhaités par un client, diriger vers un ouvrage de littérature de l'imaginaire, le tout étant de ne pas braquer le client avec un ouvrage qui s'adressera peut être plus à un public averti, car il existe aussi des ouvrages s'adressant à un public d'initiés.
- Ensuite vient la place accordée à ces littératures en librairie, dans ce sens j'entends la mise en avant des nouveautés, la réalisation de vitrines à thèmes, la réalisation d'opérations... Il s'agit de rappeler à sa clientèle que la librairie possède un fonds littérature de l'imaginaire, au même titre que le polar, la jeunesse, les sciences humaines etc. Bien entendu le libraire est toujours confronté au problème de la place, et encore une fois il ne s'agit pas de monopoliser tout un espace, mais une table, une vitrine, à des moments peut être propices, avant les Utopiales ou les Intergalactiques à Lyon.
3) Identité du lecteur/lectrice d'imaginaire :
En petite majorité, à la librairie, nous dirons des hommes, un peu plus de 60% à la librairie, cela comprends les lecteurs eux mêmes mais aussi la demande de leur compagne désirant acheter un ouvrage pour leur compagnon. L'âge moyen est plus complexe à définir, pour les gros lecteurs hommes cela va de 25/35 ans à 50ans et plus, très peu en dessous de 20ans mais cela n'est pas propre à l'imaginaire, les adolescents viennent peu dans notre librairie en dehors des prescriptions scolaires et universitaires. On retrouve quelques lecteurs dans la tranche d'âge des 40ans. En ce qui concerne le public féminin, il va de 20ans à...35ans maximum. Je n'ai absolument pas d'explication à cela, du moins appuyée par des arguments solides, ce n'est qu'une simple constatation, mais au delà de 35ans, les lectrices de la librairie ne se laissent pas tenter par les littératures de l'imaginaire. L'exception se fait sur des ouvrages comme « La servante écarlate » qui a séduit tous types de lectrices, mais encore une fois, la thématique abordée a je pense plus d'impact que le cadre dans lequel elle est transposée.