Le Musée Français de la Carte à Jouer à Issy-les Moulineaux propose jusqu'au 11 mars 2012 une exposition dédiée à Alice au Pays des merveilles.
Philippe Leduc et le dessinateur de BD Marc-Antoine Mathieu ont conçu pour cette exposition une scénographie envoûtante : des cartes suspendues à plusieurs hauteurs façonnent un dédale dans lequel le visiteur vit une immersion complète dans l’univers complexe déployé par Carroll.
Les premiers documents exposés, lettres, livres et photographies, invitent à faire connaissance avec le créateur d’Alice, son modèle et l’illustrateur originel.
Charles Lutwidge Dogson, un diacre plutôt austère, souffrait de bégaiement et entretenait un nombre astronomique de correspondances. Dans ces lettres souvent adressées à des enfants, son ton se veut enjoué et amusant et il multiplie les jeux formels : lettre-rébus, lettre-miroir…
Alice Liddell a 4 ans quand Dogson la rencontre, il invente très vite des jeux pour la fratrie Liddell.
Et l’histoire d’Alice brodée au gré d’une promenade en canot aurait pu rester un divertissement parmi tant d’autres si la fillette n’avait pas réclamé à Dogson de l’écrire pour elle. Il exauce son souhait en lui offrant le texte illustré par ses soins comme cadeau de Noël en 1864.
La première édition imprimée des aventures d’Alice parait sous le titre d’Alice sous terre. Lewis Carroll a ajouté deux chapitres au texte de 1864. Il en réécrit une autre version adaptée aux plus jeunes : The Nursery Alice, accompagnée de 20 illustrations en couleurs.
Tenniel, qui travaillait notamment pour le magasine satirique Punch, dut affronter les remarques de Carroll sur ses illustrations.
Après cette présentation des artistes et de la « muse », l’exposition résume sur 12 cartes à jouer les événements de chacun des chapitres. Au-dessous, livres en pop-up, jouets et figurines illustrent la place prise par ce récit dans le monde de l’enfance et du jeu.
Le jeu, compte tenu de la spécificité du musée et de l’inventivité ludique de Carroll, occupe une place d’honneur dans l’exposition.
En effet, Lewis Carroll créa des jeux très tôt en compagnie de ses sœurs. Un jeu de damiers, le lanrick, ou The Game of logic pour créer des syllogismes démontrent son talent à transformer le langage en matériau ludique et son amour du jeu.
Le magasine Aunt Judy’s publia notamment sa règle de croquet et ses devinettes.
Au cœur de l’exposition, le visiteur est invité autour de 3 tables et d’un écran interactif à tester les jeux conçus par Lewis Carroll.
Après cet intermède ludique, l’exposition se penche sur les illustrations qu’inspira Alice au fil du temps. Dans ces vitrines se côtoient les univers créés par les artistes du XIXe au XXI siècle. Sont également exposés des témoignages sur la façon dont les aventures d’Alice, notamment grâce aux adaptations cinématographiques, se sont infiltrées dans le folklore anglais. Ainsi, des photos montrent des écoliers déguisés en cartes.
Si chaque illustrateur s’est emparé de l’univers d’Alice en fonction de son époque, de sa ou ses techniques, sa sensibilité, certains ont même tiré le texte vers d’étonnantes interprétations, Ralph Steadman mettant par exemple en scène des jardiniers syndicalistes !
Et qui dit interprétations personnelles dit aussi parodies. Adolf in Blunderland, une pièce radiophonique de la BBC, a placé Hitler dans l’univers de Carroll.
Lewis Carroll était aussi un photographe passionné, il a notamment laissé quantité de portraits et aimait là encore varier les techniques : il affectionnait entre autres l'ambrotype. Jean-Jacques Salvador a repris ce procédé pour réaliser Alices, invitation à se perdre pour mieux rêver dans les strates de l'univers d'Alice, à se laisser "impressionner" et gagner par ses mystères et sa poésie.
Les œuvres récentes de Dusan Kallay ou de Jean-Claude Silbermann concluent cette traversée de l’œuvre de Carroll et constituent une transition vers l’exploration d’Alice proposée dans l’espace dédié à la collection permanente du musée.
Pat Andrea, célèbre peintre contemporain, a décliné sa perception d’Alice au pays des merveilles sur 24 toiles majestueuses exécutées lors d'une édition d’art réalisée par Diane de Selliers. Suspendues dans la galerie du musée, elles offrent une approche très dynamique et sensuelle de l’histoire. Un tableau About Alice a été réalisé spécialement pour l’exposition.
Cette exposition en deux volets séduit petits et grands, grands connaisseurs et visiteurs peu familiers du texte tant elle est à la fois foisonnante et bien structurée. Elle souligne la force et l’intemporalité de ce chef-d’œuvre.
Un grand merci à Agnès Barbier, conservateur du musée, qui nous a dévoilé toute la richesse des oeuvres et documents exposés.
Durant toute la durée de l'exposition, le musée offre pléthore d'animations pour une approche plus ludique ou théorique d'Alice.