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Dossier librairie : La librairie Imaginaute à Tours
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Dossier librairie : La librairie Imaginaute à Tours

Actusf : Quels chemins avez-vous suivis pour devenir libraire et vous occuper du rayon “Imaginaire” ?
Steph : Le moteur, c'est la passion... et la chance. Il y a maintenant un peu plus de quinze ans, une vieille connaissance m'a littéralement jeté chez un de ses amis libraires (spécialisé SFFF, polars, séries tv, ciné, etc.) qui cherchait un stagiaire avec des "connaissances" du genre. Le libraire en question m'a laissé la main petit à petit jusqu'à devenir responsable du rayon de la librairie Faëries de Tours de 2000 à 2009.

En 2010 je me suis mis à mon compte (soutenu par quelques indéfectibles amis) en créant Imaginaute. Donc en résumé, je suis un autodidacte qui s'est formé une dizaine d'années au métier de libraire.
 
Actusf : Parlez-vous de votre librairie et de sa taille. Pouvez-vous nous la présenter ?
Steph : Fort de mon expérience, j'ai décidé du contenu des rayons, grossièrement j'essaie de ménager la chèvre et le choux en maintenant un fond de classiques (du moins reconnus comme tels), de livres que je défends coûte que coûte et de nouveautés.
La librairie fait environ 40 m² pour le rez-de-chaussée et 45 m² de cave voûtée qui n'est pas encore totalement aménagée. Les rayons sont constitués à 40% de SF(la litté que je préfère), 50% Fantasy et 10% de Fantastique et transgenres comme dirait M. Berthelot (c'est à dire thrillers, litté contemporaine underground et autres ovnis littéraires). Une autre partie de la librairie est consacrée à la BD anglo-saxonne (mainstream et indé). En tout environ 3 000 références de fonds.

Mon activité est soutenue par un site marchand qui recense tout le stock plus d'autres références que je n'ai pas sur place mais que j'ai sélectionnées et qui sont accessibles en une semaine. La difficulté pour le site c'est évidement les frais de port d'où la volonté d'apporter un plus pour amortir ces frais incompressibles pour une librairie de cette taille. Ce plus c'est le conseil en ligne, en fait sur le site on peut me joindre en direct en un clic et je peux donc conseiller l'internaute comme je le fais physiquement sur place, car même éloigné des gens je veux continuer mon métier de conseils.
 
Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
Steph : Je choisi les titres en fonction des goûts de ma clientèle dans un premier temps, des livres que je veux absolument faire découvrir dans un deuxième.
Pour les nouveautés, la connaissance des éditeurs et de leur lignes éditoriales est primordiale, surtout pour les premières œuvres. Et même dans ce cas, j'ai des tas de blogs et de sites où je traîne régulièrement pour les critiques en avant-première. Avec le temps on apprend à décoder les grilles de lecture des critiques et de là se faire une idée, parce qu' il faut souvent avoir un train d'avance sur ses fidèles quand on est spé ! (histoire d'être pris au sérieux).
 
Actusf : Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ? Y a-t-il des genres qui se vendent mieux que les autres ?
Steph : Cette question me gêne car je crois profondément que la clientèle d'une librairie ressemble au libraire, un peu comme un vieux couple, chacun fait des concessions pour arriver à une sorte d'équilibre, entre les titres qui seront demandés quoi qu'on en pense et le rôle de prescripteur du libraire. Donc les titres qui marchent bien chez moi ne sont pas forcément les mêmes qu'ailleurs !
Gros lecteur de SF, j'ai une bonne clientèle SF, du coup les meilleures ventes 2010 pour moi sont Métro 2033, Frère kalkin, Cygnis, La Flotte Perdue 6, Le Park, Le Fleuve des Dieux...


Concernant la deuxième partie de la question, globalement le fantastique et l'estampillé jeunesse sont très durs à placer, encore une fois ceci ne vaut que pour chez moi. Je pense que ce sont deux catégories de librairies généralistes, en effet les ados et jeunes ados qui passent préfèrent les livres qui ne sont pas étiquetés "jeunesse", d'ailleurs tout un tas de classiques leurs sont complètement accessibles par les thèmes et la langue en fait ! Quant au fantastique, c'est un genre qui a perdu ses lettres de noblesse du XIXe pour se noyer dans la bit-lit d'un côté et le thriller de l'autre, les rares Borges et autres Bolaño, Lafferty sont maintenant vendus dans des librairies plus élitistes, mais j'en ai quand même, na !

 
Actusf : D’après vous, quelles sont les raisons qui font qu’un livre marche bien dans votre librairie ? Quelle est la part de votre conseil, de la couverture, de l’importance de l’auteur ou du “buzz” autour du livre ?
Steph : Humm... La librairie indépendante, c'est une relation de confiance avec ses clients, c'est pour ça qu'ils reviennent ! Et comme je l'ai dit précédemment, les clients ressemblent au libraire de fait beaucoup me suivent dans mes coups de cœurs, ensuite la couv a une importance surtout pour les gens (les timides, les touristes, les pressés..) qui choisissent eux-même leurs ouvrages, sans mon aide, quant au "buzz", la plupart des gens me demandent ce que j'en pense pour recouper les infos, étant moi-même assez hermétique aux épiphénomènes. En fait les buzz engendrent principalement des réponses identiques à des questions identiques et ce plusieurs fois par jour !

Encore une fois ce sont les généralistes et les grandes surfaces culturelles qui ont besoin de ces promos virales car ils n'ont presque plus, ni les moyens ni la volonté, d'avoir des libraires dans leurs rayons.
 
Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science-fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
Steph : Je me répète mais entre des spécialistes et des généralistes, la différence de clientèle est telle que ce genre de question entraîne une réponse totalement différente selon le genre de libraire qui y répondra.

Pour ma part, je ne vends pas moins de SF qu'il y a 10 ans, je vends moins de livres tout simplement, ensuite l'offre Fantasy et bien supérieure à l'offre SF donc logiquement elle est plus représentée.

Ce qui peut vous induire à la conclusion que la SF se vend moins bien relève d'un problème plus complexe et plus profond : d'une part le nivellement par le bas c'est-à-dire qu'à force d'enlever du contenu aux informations (quel que soit le support !), le prémâché, le facile à lire a le vent en poupe (d'où le succès de la bit-litt.), d'autre part la vie quotidienne est de plus en plus stressante et anxiogène d'où une demande plus forte de légèreté et d'immersion rapide, comme d'autres médias du reste (cinéma, séries tv, jeux vidéo), or la  fantasy reste très majoritairement une littérature de divertissement, sans incidence sur le cours de votre vie donc facile à lire. Attention je ne dénigre pas ces littératures, j'en lis aussi pour le plaisir de l'instantané qu'elles procurent.

La SF, à mon sens est plus exigeante, elle "pense" souvent le monde, où il va, d'où il vient etc. (elle nous renvoie donc au monde dans lequel on vit mais auquel on veut aussi échapper), elle demande donc d'avoir un avis ou des connaissances particulières, une participation plus soutenue du lecteur en somme.

Malgré tout il existe aussi de la SF de divertissement évidemment, notamment en Space Opéra, qui ne demande pas plus de compétences pour l'appréhender que la fantasy. Ce genre de SF est d'ailleurs très demandée et l'offre se raréfie en volume.
Pour résumer (c'est une banalité mais votre question l'induit), les gens veulent de l'évasion rapide quel que soit l'univers proposé, or il y a plus de prod fantasy qu'SF, conclusion on en vend moins CQFD.
 
Actusf : Avez-vous l’impression dans votre librairie que les acheteurs de Bit Litt.’, de science-fiction et de fantasy sont les mêmes lecteurs ?
Steph : Les lectorats sont assez cloisonnés. Les lecteurs de Bit-Litt. ne lisent que ça, les lecteurs de Fantasy sont majoritairement lecteurs que de Fantasy, il n'y a guère que les lecteurs de SF qui sont un peu plus curieux et ne rechignent pas à un bon Thriller ou une Fantasy originale qui sort des quêtes initiatiques ou messianiques !
 
Actusf : On parle parfois de séparer dans les rayons la science-fiction et la fantasy. Etes-vous pour ou contre ? Et pourquoi ?
Steph : Là aussi je pense que ces catégories sont faites pour les lieux où personne ne peut guider les lecteurs. Le fait que les meilleures collections style Atalante, Lunes d'Encre, Laffont, Bélial ne distinguent pas les genres, indiquent bien que pour les inconditionnels, nul n'est besoin du distinguo... Sinon perso, je ne suis ni pour ni contre, les deux formules peuvent se justifier, question de feeling du libraire !
 
Actusf : Comment voyez-vous la multiplication des titres et des éditeurs ? Est-ce que cela est un problème pour vous ?
Steph : Pas franchement, je fais plus de tri, ensuite, ca m'arrange plutôt en cela que dans la jungle éditoriale les gens se tournent plus volontiers vers les spécialisés.
 
Actusf : Comment gérer vous votre “fonds” ? Arrivez-vous à avoir du fond dans votre librairie ?
Steph : Travaillant sur une peau de chagrin, c'est-à-dire que beaucoup de titres disparaissent petit à petit des catalogues, j'essaie autant que possible de garder un maximum de titres (les plus demandés, les classiques et ceux que je juge comme futurs classiques), cela demande de gros sacrifices de trésorerie mais on n'est pas libraire pour le salaire !
 
Actusf : Votre métier a-t-il évolué ces dernières années ? Qu’est-ce qui a changé ?
Steph : Heureusement que le métier a évolué, cela indique qu'il est toujours vivant ! En vingt ans on a vu l'informatique de gestion arriver dans quasi toutes les librairies, la démocratisation de l' accès Internet, avec l'avantage d'être accessible de partout par n'importe qui (et l'inconvénient de pouvoir être noyé dans la masse !), de son offre quasi exhaustive pour les amateurs et bientôt le livre numérique (je dis bientôt car sans standard, pas de véritable marché). Donc oui le métier a changé, c'est peu de le dire.
 
Actusf : Quelles ont été les meilleures ventes en 2010 ?
Steph :  Mes 13 premiers titres qui ont dépassés les 20 ex.
Métro 2033 de D. Glukhovsky chez L'Atalante.
La Fraternité du Panca 3 de P. Bordage chez L'Atalante
Le Filet d' Indra de J. M. Aguilera chez L'Atalante
Cygnis de V. Gessler chez L'Atalante
L' Ombre de Saganami 1 de D. Weber chez L'Atalante
La Flotte Perdue 6 de J. Campbell chez L'Atalante
L' Ombre de Saganami 2 de D.Weber chez L'Atalante
Greg Mandel 1 de P. F. Hamilton chez Milady
La pucelle de Diable-Vert 1 de P. Beorn chez Mnémos
Le Park de B. Bégout chez Allia
Intégrale Trône de Fer 1 de G. R. R. Martin chez J'ai Lu
Les Psaumes d' Isaac 1 de K. Scholes chez Bragelonne
Le sang des Ambrose de J. Enge chez L' Atalante
 
Actusf : Quels ont été vos derniers coups de cœur de lecteur ?
Steph : Les livre qui m'ont marqués cette année :
Le Fleuve des Dieux de I. Mc Donald chez Denoël,
Cleer de L. L. Kloetzer chez Denoël,
Plaguers de J. A Debats chez L' Atalante,
Les jardins Statuaires de J. Abeille
En ce moment je suis sur Rêve de Gloire de R. C. Wagner et ça s'annonce énorme !

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