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Interview 2016 : Raphaël Granier de Cassagnac pour 20 000 lieues sous les mers
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Interview 2016 : Raphaël Granier de Cassagnac pour 20 000 lieues sous les mers

 ActuSF : Sur Ulule, une campagne de financement participatif est lancée pour un pilote de trois minutes d’un film d’animation sur 20 000 lieues sous les mers, de Jules Verne, sur lequel vous êtes scénariste. Quelle est la genèse de ce projet ?  
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Le projet part d’images du réalisateur Thomas Guerigen, de créatures marines, d’intérieur de Nautilus, des personnages verniens, d’abord conçues pour une application sur tablette, une sorte de livre numérique augmenté sur 20 000 lieues sous les mers. Ces images ont reçu un bon accueil ici ou là, en particulier chez quelques contacts que Thomas a dans la production audiovisuelle. Jusqu’à ce qu’un jour Thomas entende quelqu’un dire : « Mais pourquoi ne pas en faire un long métrage ? » D’où l’idée d’aller plus loin, et de convaincre. Pour se faire, il avait besoin d’un scénariste, et c’est Régis Jaulin (avec qui je travaillais alors sur Jadis) qui lui a suggéré mon nom. Il a pensé à moi car j’avais dirigé Un an dans les airs, un bouquin choral sur Jules Verne, dans la même collection que Jadis (Ourobores, éd. Mnémos). J’ai donc rencontré Thomas et le courant est passé. On a commencé à jeter les bases d’un possible traitement de 20 000 lieues. Et de fil en aiguille, on a compris qu’on aurait besoin de réaliser ce pilote pour démarcher des producteurs. 
 
 
 
ActuSF : Quelle est l’équipe derrière ce 20 000 lieues sous les mers ?
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Pour l’instant, nous ne sommes que trois, un réalisateur, un scénariste et une compositrice. Si le projet marche bien sur ulule (3e cap à 12 500 €), on va recruter quelqu’un pour aider Thomas et faire de la modélisation en 3D dès le pilote, puis des acteurs pour faire les voix (4e cap), etc. Mais le cœur de l’équipe, c’est bien nous trois, à travailler derrière nos bécanes. Et c’est un sacré boulot pour Thomas, qui est le réalisateur et l’initiateur du projet, et a besoin de se dégager deux ou trois mois pour bosser à plein temps dessus. 
 
ActuSF : Quelle est l’approche artistique – notamment visuelle – choisie pour le film ? 
 
Raphaël Granier de Cassagnac : C’est de l’animation, et donc avant tout une interprétation visuelle du livre, par le prisme de l’imagination de Thomas. Son idée est de mélanger des images de synthèse en 2D et en 3D pour obtenir un style assez réaliste, décalé et simplifié. On en voit de premiers exemples dans la bande annonce qu’il a faite pour ulule. Pour la technologie, on sera aussi relativement réaliste, en allant piocher les éléments les plus incroyables de la science réelle, comme le scaphandre des frères Carmagnole à qui on est allé serrer la main au Musée de la marine. Et puis, comme c’est quand même du Verne, l’esthétique steampunk s’y retrouvera forcément un peu. Restent les créatures marines, sur lesquelles on mettra le paquet, comme Jules Verne du reste, avec son obsession zoologique.  
 
ActuSF : La musique aura également une place importante, n’est-ce pas ?  
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Oh oui ! Dans 20 000 lieues sous les mers, il y a cette présence improbable et fascinante d’un orgue dans le Nautilus, et d’un capitaine Nemo mélomane. C’est un aspect qu’on voulait renforcer avec Thomas. Et donc, notre capitaine ne jouera pas les œuvres des grands compositeurs comme le fait celui de Verne (à l’exception de Wagner qu’il détestait), mais il composera lui-même. Il nous fallait donc un compositeur qui soit capable de produire la musique nécessairement originale du capitaine Nemo. Et c’est en suivant cette piste que Thomas, lui-même mélomane, a pensé à Malvina Meinier. Elle venait de terminer la musique de son deuxième opus, un album concept sur l’espace, pour lequel elle avait samplé toutes les notes d’un véritable orgue. À la même période, elle a composé la musique originale et remarquée d’un premier long métrage (Les Chevaux de Dieu). La connexion avec le projet était assez évidente : Malvina a rejoint l’équipage du Nautilus et ses couloirs résonnent désormais de sa musique. 
 
 
 
ActuSF : Ce court film serait un pilote pour démarcher des producteurs pour financer un long métrage d’une adaptation alternative du roman de Jules Verne. Pouvez-vous nous détailler un peu plus l’histoire du film ?
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Eh non ! Pour l’instant, nous avons plein d’idées, beaucoup trop, et il va falloir faire le tri. Ce qui est sûr, c’est qu’on veut prétendre que Jules Verne a vraiment rencontré un capitaine Nemo, et qu’ils ont vogué 20 000 lieues sous les mers ensemble. Le récit qu’en a rapporté Jules, publié par Hetzel, n’en est que ce qui était acceptable pour l’époque, la partie émergée de l’iceberg : nous révélerons le reste. Le professeur Aronnax est donc remplacé par Jules Verne lui-même (ce qui permet au passage de parler de l’écrivain en pleine fiction). On hésite aussi à embarquer un ou deux autres personnages historiques, dont un particulièrement intéressant, on verra… Mais revenons au pilote qui lui, est bien défini : il montrera essentiellement la rencontre frontale de Jules Verne et du capitaine Nemo (qui n’est pas n’importe qui, comme le montrera son visage révélé au fur et à mesure du financement), entrecoupée d’extraits de scènes d’action qui poseront notre identité visuelle.
 
ActuSF : Le véritable voyage qu’aurait fait Jules Verne et dont il se serait inspiré pour écrire 20 000 lieues sous les mers. Cela fait penser à Un an dans les airs, le livre univers qui raconte également un autre voyage imaginaire de Jules Verne sur lequel vous avez participé. Il y a des liens entre les deux ?  
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Damned, je suis démasqué ! Si elles ont bien un point commun, il n’y aura pas de lien réel entre les deux histoires. Dans UADLA, Jules Verne corrige précisément 20 000 lieues sous les mers pendant qu’il est pour un an exilé dans les airs. Il y change même la personnalité de son capitaine Nemo, inspiré par un des habitants de la cité volante (et par l’authentique correspondance entre Verne et Hetzel à ce sujet). Puisque notre film racontera lui-même le voyage de 20 000 lieues sous les mers avec un autre capitaine Nemo, les deux histoires ne peuvent pas cohabiter. Non, ce qu’elles ont évidemment en commun, c’est juste le « on a retrouvé le véritable voyage de… » Pour UADLA, c’était un prétexte pour rassembler l’œuvre de Jules Verne en un seul lieu. Pour notre film, nous n’étions pas du tout partis dans cette optique au départ, mais nous n’arrivions pas à prendre vraiment de la distance par rapport à l’œuvre originale, qui a du reste déjà été adaptée de nombreuses fois. Je n’ai proposé qu’assez tard un traitement à la UADLA, ce qui a plu à Thomas. Nous nous sommes dit que c’était un bon axe pour changer profondément certains aspects de 20 000 lieues sous les mers, tout en les justifiant. Le tout dans une profonde mise en abyme, un concept par lequel je suis complètement obsédé. 
 
 
ActuSF : 20 000 lieues sous les mers est un nouveau projet sur Jules Verne sur lequel vous travaillez. Cet auteur est une référence importante pour vous ? Qu’est-ce qui vous incite à revenir sans cesse sur son œuvre ? 
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Faut pas exagérer, ce n’est que la première fois que j’y reviens. Mais oui, après avoir travaillé sur lui — j’allais dire avec lui — pendant un an, j’ai réalisé l’importance qu’il avait eu pour moi, et sans doute pour plein de gens. Ça remonte aux lectures de gosse, à la fascination pour ces Voyages extraordinaires, qui ont acquis une certaine dimension universelle aujourd’hui. Et puis, il y a de quoi faire avec Verne ! Pourquoi s’en priverait-on ? 
 
ActuSF : Quelle sera la suite si la campagne de financement Ulule est un succès ? Quand pourra-t-on voir les premières images de ce court métrage ? 
 
Raphaël Granier de Cassagnac : D’abord, le pilote et ses images seront réservés aux participants de la campagne ulule, car il restera un moment dans le cadre professionnel. Ce pilote n’est pas un teaser destiné à être montré au grand public, mais bien à démarcher des professionnels. Pour les délais, ça ira assez vite, le pilote sera prêt dans les 3 ou 4 mois qui suivront le financement participatif. Pour la suite, eh bien, c’est le monde de l’audiovisuel ! Cela va dépendre des rencontres, des engagements, des envies, tout ça. 
 
ActuSF : Enfin, avez-vous d’autres projets en cours – peut-être encore sur Jules Verne ?
 
Raphaël Granier de Cassagnac : Pas que je sache sur Jules Verne, non, même si en répondant à une question précédente, je me disais qu’il y avait un truc à faire sur L’Île à hélice, sa véritable utopie. Mais pas pour l’instant ! Je suis sur mon troisième roman là, la clôture de l’histoire entamée avec Eternity Incorporated et Thinking Eternity. Et j’ai aussi le plaisir de signer La Confrérie des Bossus, un petit recueil de nouvelles avec Mathieu Gaborit, à paraître en avril, toujours chez Mnémos. 
 
Mais pour l’instant, je reste surtout suspendu à 20 000 lieues sous les mers et à vos contributions. N’hésitez pas à nous aider
 

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