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Interview Augustin Lebon
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Interview Augustin Lebon

Actusf : Peux-tu te présenter, parler de ton parcours et de ton métier au quotidien ?
Augustin Lebon : J’ai 26 ans, je suis originaire du Nord de la France, mais je vis en Belgique depuis maintenant 8 ans. J’ai fait trois ans d’études à l’institut Saint-Luc Bruxelles puis deux ans de dossiers BD pour décrocher ma première publication : Le Révérend, un diptyque aux éditions Emmanuel Proust. 
Pas de chance, au milieu du second tome, la maison d’édition fait faillite. Difficile de garder son enthousiasme de jeune auteur quand on se retrouve dans une situation pareille, dès sa première publication ! C’est un peu comme si pour son premier 100 mètres, un athlète se vautrait après trois pas.
Heureusement, je suis réglé comme une pendule, quoi qu’il arrive, je suis chaque jour à mon bureau et je dessine, je raconte. 
 
 
Actusf : Comment travailles-tu ? 
Augustin Lebon : Pour ce qui est de la technique, j’essaye d’éviter un maximum le boulot informatique car ça me démolit les yeux, et j’ai du mal à m’abîmer volontairement ! Donc je dessine sur du bon vieux papier, au crayon, puis j’encre avec plumes, pinceaux, feutres, blanco, un peu tous les trucs qui me passent sous la main en fait. Peu importe l’outil ou le temps que j’y passe, l’important pour moi est de retranscrire l’émotion que je veux. 
 
 
Actusf : As-tu des rituels de travail (plutôt le matin, l'après-midi, des périodes de rush, de correction de planches déjà faites, d'ajout, beaucoup de café, une pause clope, etc.) ?
Augustin Lebon : En général, je suis à mon bureau vers 9 h, je fais rapidement le tour de l’actualité et des auteurs que j’aime suivre sur le net, puis je m’y mets jusque midi. Je reprends après manger jusque 20 h, avec une balade en forêt dans l’après-midi, je salue les chevaux derrière chez moi, et si j’ai de la chance, je croise un chevreuil. Sans cette sortie quotidienne, je suis bon à rien en dessin, la tête surchauffe et les nerfs lâchent !
Je ne fais pas (encore) partie des auteurs qui se droguent au café ou à la clope pour tenir le coup. Même en période de rush, je suis plutôt du genre à faire des mini-pauses le plus souvent possible pour éviter de saturer et être efficace. Je bois juste de l’eau à longueur de journée. Mais je crois que je suis un ovni dans le milieu de la BD, un gars qui fume pas, et qui boit pas de café ni d’alcool…c’est louche.
 
 
Actusf : Parle-nous de tes dernières œuvres ?
Augustin Lebon : La liste n’est pas encore très longue ! : )
Je suis le dessinateur de la série Le Révérend, avec Lylian au scénario et Hugo Poupelin à la couleur. Une série western qui raconte les histoires d’un chasseur de prime qu’on nomme Le Révérend. Un personnage obscur que nous développons sur deux albums. En revenant sur son enfance notamment. C’est en partie ça qui me plaisait dans l’histoire. C’est un gamin traumatisé qui va trouver dans la violence une manière d’exister, et se faire une place dans la légende de l’Ouest. 
Le premier tome se passe dans une petite ville minière, sous la neige, lorsque Le Révérend arrive, on découvre plusieurs cadavres dans la ville et une enquête est lancée pour découvrir qui est l’assassin…
Malheureusement, pour l’instant la suite avance au ralenti à cause des soucis éditoriaux. Mais la situation devrait se débloquer tout bientôt. Le second tome est une véritable chasse à l’homme dans les montagnes. Attaque de trains, fusillade sous la pluie, poursuite à cheval dans une forêt de pins, c’est un album plus rythmé que le premier, bourré d’action. On en apprendra davantage sur les personnages et sur la vraie personnalité de notre « Révérend. » Rendez-vous en fin d’année ou en janvier pour connaître la fin de ce (premier ?) diptyque !
Pour ceux qui suivent mon travail, les amoureux du dessin, ou encore les accros du western, j’ai également sorti un sketchbook aux éditions Fasm tout récemment (sobrement intitulé : Sous le chapeau). On ne le trouve pas partout, mais il est possible de le commander via mon blog.
J’y montre un peu les coulisses de mon travail, il y a des tas de croquis, parfois extraits de projets en cours, parfois juste pour le plaisir, ainsi qu’une courte BD sur Calamity Jane. C’est un carnet qui donne un peu ma vision du western, mon approche.
 
 
Actusf : Le premier tome du Révérend : a-t-il bien fonctionné, as-tu eu des retours de lecteur(e)s ? De belles rencontres lors de séances de dédicaces, comment as-tu vécu l'explosion en plein vol des Éditions Emmanuel Proust et leur rachat par Paquet ? Comment cela a-t-il impacté le diptyque du révérend ?
Augustin Lebon : Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai eu que des bons retours sur le premier tome, à sa sortie, nous avons eu beaucoup de bonnes critiques, et la réception a été très bonne. Comme c’était mon premier album, j’ai été très agréablement surpris par ce bon accueil, et par le retour du public en festival. Le tome 1 est d’ailleurs épuisé aujourd’hui, donc c’est plutôt positif !
Concernant la faillite des éditions Emmanuel Proust et le rachat de Paquet, c’est un contexte très lourd à porter pour moi qui suis jeune auteur. C’est une réalité complètement à l’opposé de l’imaginaire et de la création. Mais l’essentiel est que la situation semble enfin se débloquer. Le reste n’a pas d’importance pour l’instant.
 
 
Actusf : Le rapport à l'argent est une question qui est en train de devenir centrale, le quotidien pour beaucoup d’auteurs et de dessinateurs est loin d'être rose (et qu'il ne va pas aller en s'améliorant...) peux-tu nous dire comment celui-ci influence ton quotidien, ton travail et tes choix par rapport à cela ?
Augustin Lebon : Je suis un tout jeune auteur, qui n’a publié pour l’instant qu’un album, donc je ne me lancerai pas dans une grande tirade sur l’ancienne époque, et les conditions du métier qui se détériorent. 
J’ai trop peu d’expérience, je sais juste que oui, aujourd’hui, les conditions financières sont invivables. 
Pour moi qui débarque dans le milieu, c’est surtout pesant de voir qu’à force, on ne parle presque que de ça entre auteurs. Deux dessinateurs qui se rencontrent aujourd’hui parlent plus vite de leurs galères financières que des histoires qu’ils aimeraient raconter. Parfois même, ça se retrouve dans nos BD, il n’y a pas longtemps, j’ai lu deux albums coup sur coup, où le personnage négocie un pourcentage. C’est normal, ça nous pourrit la vie, on a besoin et il faut absolument en parler, mais je ne peux pas m’empêcher de trouver ça triste.
Personnellement, ce qui me pose le plus question en tant que jeune auteur, c’est : dans ce contexte social ultra violent, qu’est-ce que je raconte comme histoire ? 
J’accepte les scénarios qui ne me correspondent pas pour gagner ma vie et faire des projets à but « alimentaire » ? J’accepte de faire de la BD sans passion, sans plaisir, ou je continue de croire au plaisir de raconter, au plaisir de dessiner ? Si on ne raconte pas ce qui nous fait vibrer, à quoi ça rime ?
Voilà la question que soulèvent les conditions financières étouffantes du milieu BD pour moi en ce moment.  Même si, encore une fois, j’en dirai plus avec dix ans d’expérience ! :)
En revanche, le quotidien d’un dessinateur qui raconte une histoire qu’il aime, et qui est payé pour son travail, c’est fantastique. C’est laborieux, il faut être ultra discipliné, mais faire ce qu’on aime au quotidien est un vrai bonheur.
 
 
Actusf : Dans ton sketchbook, Sous le chapeau, tu montres ton amour pour le western, peux-tu nous raconter d'où t'es venue cette passion ?
Augustin Lebon : C’est justement ce que j’essaye de développer dans ce sketchbook car c’est une question qui me fait cogiter. Pourquoi le western ? Qu’est-ce que ce genre peut bien avoir de si particulier pour avoir tant fait rêver le gosse que j’étais ?
Je crois que c’est avant tout une esthétique, un rapport aux espaces et à la nature « sauvage », qui me fascine. Je ressens la même chose quand je regarde des documentaires comme « Planet Earth » ou « Yellowstone » de la BBC, pour ne pas faire de pub. Il y a un grand sentiment de « liberté » qu’on retrouve dans ce genre de documentaire, comme dans le mythe du western. 
C’est une époque où l’homme n’avait pas encore pris le dessus sur l’environnement. C’est ça qui me plait.
 
 
Actusf : J'ai eu l'immense surprise de découvrir de magnifiques dessins steampunks dans ton sketchbook : qu'est-ce qui t'a attiré dans ce genre si particulier ? En es-tu amateur ?
Augustin Lebon : Pas vraiment ! En fait, je m’y connais assez peu dans ce domaine. Je n’ai pas de réelle référence, que ce soit livres ou films. Mais c’est un genre souvent daté aux alentours de l’époque victorienne, proche du western donc, d’où des costumes et une esthétique parfois similaires. J’ai fait ces quelques dessins uniquement par plaisir graphique, je me sentais assez à l’aise avec l’univers, ce qui n’est pas forcément le cas avec tous les genres.
Je n’exclus pas l’idée de faire un projet steampunk d’ailleurs, tout dépend du scénario. Si on y sent ce fameux rapport avec l’environnement qui me plait tant, alors pourquoi pas !
 
 
Actusf : Peux-tu me parler de tes travaux en cours et à venir ?
Augustin Lebon : Je travaille sur pas mal d’histoires différentes, seul ou avec des scénaristes. Il y a du western évidemment, mais je vais aussi m’essayer à d’autres univers... Rien de signé pour le moment, donc rien de sûr, mais ça viendra !
Et puis, la fin du second tome du Révérend, pour qu’il puisse enfin voir le jour !
Merci à toi !

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