Actusf : Comment est née l'idée de Bibliosurf ?
Bernard Strainchamps : Je viens de quitter un poste d'assistant de conservation à la BDP de l'Essonne, l'assurance tranquille du salaire garanti pour créer une entreprise dédiée au livre et aux nouvelles technologies non par goût du risque mais pour ne pas devenir frustré à force de ne pouvoir mettre en pratique des compétences à mon niveau de hiérarchie.
Il y a 8 ans, j'ai créé Mauvais genres pour mutualiser des compétences entre les professionnels de la lecture et les lecteurs. Je suis parti du rien et malheureusement, sans le soutien de mes différents responsables de structure. « C'est bien ce que vous faites mais ce n'est pas la priorité de la collectivité », me suis-je plusieurs fois entendu dire. Or je crois, que depuis l'avènement d'internet, dans certains domaines, le grand public en sait beaucoup plus que le bibliothécaire. Non seulement, les lecteurs savent suivre l'actualité d'un genre, cataloguer, indexer, critiquer, mais aussi échanger et publier ! L'autre révolution qui arrive, c'est la dématérialisation des contenus qui elle non plus n'a pas été prise en compte par une grande part des décideurs actuels qui conçoit encore la lecture publique comme il y a 20 ans.
Depuis longtemps, je savais que j'arrêterais au moins provisoirement le métier de bibliothécaire pour tenter de vivre de ce que je sais faire sur net. En novembre 2006, une réunion de travail m'a profondément affecté et j'ai pris la décision de passer la rivière. J'aime changer. Avant d'être bibliothécaire, j'étais cuisinier. J'ai l'esprit à entreprendre. Mais je ne suis pas un libéral. Je ne crois pas aux promesses d'un capitalisme triomphant. Je me lance seul surtout parce que je ne peux exercer ce savoir faire dans le cadre strict d'un emploi de catégorie B de la fonction publique où la hiérarchie prime avant tout.
Actusf : Pourquoi un site spécialement sur les "mauvais genres" ?
Bernard Strainchamps : Bibliosurf est une suite du site Mauvais genres. Je repars donc avec le même esprit. J'ai néanmoins décidé d'ouvrir le site à tous les genres : les bons comme les mauvais :-). Perso, j'aime plus la littérature coup de poing, qui dérange sur le fond et la forme. Et j'ai besoin d'être étonné.
Actusf : C'est un site autant d'information que de ventes non ? Il est également très interactif. Les lecteurs ont une part importantes dans le projet non ?
Bernard Strainchamps : Je me considère toujours comme bibliothécaire. La vente de livre, c'est le moyen trouvé pour continuer cette médiation sur Internet. Bibliosurf est une librairie interactive. Ce sont les internautes qui à terme vont constituer l'offre. Par les fils rss, le site suit les sites majeurs. Cette information est ensuite complétée par la presse et l'avis les internautes de passage ou les abonnés à la lettre d'information. Pour l'instant, les contributions concernent plutôt un genre, le polar. Mais je ne désespère pas de retrouver la magie de Mauvais genres dans tous les domaines, SF comprises. Plusieurs lecteurs m'ont déjà proposé d'interviewer des auteurs qu'ils apprécient. C'est ce que je veux faciliter. Comme à terme, j'espère retrouver un niveau de connexion de 5000 visiteurs quotidiens, je sais qu'en retour, les lecteurs, les auteurs, mais aussi toutes les professions qui travaillent dans le livre apprécieront la démarche. Perso, j'ai plusieurs passions que je veux mélanger. A l'avenir, il ne faudra pas vous étonner de retrouver des confrontations entre auteurs de SF et sociologues, entre polardeux et photographes.
Actusf : L'activité démarre tout juste. Quel est le premier bilan ? Il y a également une offre de formation pour les bibliothécaires des collectivités territoriales. Elle concerne quels domaines ?
Bernard Strainchamps : Au moins pendant les deux premières années de vie de cette expérience, je suis conscient que je pourrais pas vivre de la vente de livre. Comme j'ai un vrai savoir faire dans le domaine de la publication sur Internet, j'essaie de trouver des contrats de création de site et des formations toujours dans le périmètre des bibliothèques, De ce coté-là, ça démarre très bien. Pour la librairie, j'ai surtout la confiance d'anciens abonnés de Mauvais genres et quelques clients qui viennent pas des moteurs de recherche. C'est encore timide. Le catalogue propose 4000 titres... mais en fait je suis en mesure de fournir tous les titres disponibles comme n'importe quel librairie. A terme, d'ici à 3 ans, j'espère pouvoir proposé un catalogue de 10000 titres tous commentés avec une bonne moitié de polar et de roman de science-fiction.
Actusf : Comment se situe-t-il par rapport à des librairies en ligne comme Amazon ou la Fnac ? Quels sont ses atouts ?
Bernard Strainchamps : Mon approche est celle d'un petit, d'un passionné qui joue la carte de la proximité, mais aussi celle d'un militant qui ne veut pas laisser le marché du livre à un ou deux multinationales. Préserver la diversité est essentielle. Si je n'ai pas les moyens d'Amazon, je sais qu'au niveau du sens, du contenu, je peux faire la différence et démontrer que sur Internet, il est possible à un librairie de s'imposer encore. Par ailleurs, le prix du livre est encore unique.
Actusf : Quels sont les objectifs ?
Bernard Strainchamps : Le but est de créer un espace vivant, où les lecteurs peuvent non seulement acheter des livres, mais aussi discuter de ces livres avec d'autres lecteurs voire avec les auteurs et les éditeurs. Le pari n'est pas impossible.
La chronique de 16h16 !