- le  
Interview d'Olivier et Stéphane Peru
Commenter

Interview d'Olivier et Stéphane Peru

ActuSF : L'idée de deux frères travaillant ensemble est formidable mais on se pose la question de qui fait quoi. Pouvez-vous nous donner une idée sur la répartition des tâches entre vous ?
Olivier : Rien de plus simple. On développe les univers et on écrit les histoires tous les deux, Stéphane fait la couleur et moi je m'occupe de la partie dessin.

ActuSF : Comment avez-vous construit votre façon de travailler sans avoir reçu de formation BD ?
Stéphane : En travaillant beaucoup de nous-mêmes dans un premier temps. Depuis notre enfance, on a toujours écrit et dessiné en se disant que la BD serait pour nous un métier. On a donc beaucoup appris dans notre coin, en lisant et en étudiant tout ce qui nous tombait sous la main et dès que quelque chose nous plaisait, on essayait de faire mieux. La partie brute de ce qu'on sait réaliser aujourd'hui vient de ces années-là, l'autre part, la plus visible, vient, elle, de la critique et des rencontres. Un talent, quel qu'il soit, est toujours perfectible et il ne progresse pas sans un regard extérieur. Comme la plupart des autodidactes, on a su se créer un style personnel en apprenant de toutes nos lectures et en étudiant des images dont on ne comprenait pas toujours les notices, mais on n'a vraiment avancé que sous le feu de la critique. À nos débuts, des professionnels nous ont encouragés à prendre conscience de certaines de nos faiblesses et petit à petit on a pu les corriger pour devenir meilleurs. Le fait d'être à deux nous a aussi beaucoup aidés. On s'est toujours motivés l'un et l'autre en se tirant vers le haut et ce n’est pas fini ! On continue d'essayer plein de techniques différentes et on progresse tous les jours.

ActuSF : Comment construisez-vous vos intrigues ? Est-ce que vous planifiez une histoire sur plusieurs albums ou plus au jour le jour ?
Olivier : En général, tout part d'une discussion ou d'un petit dessin. On parle beaucoup, on se coupe la parole, on améliore nos idées respectives et puis on se remet à faire des petits dessins avant de se recouper la parole… et ainsi de suite pendant des heures et parfois des jours. On tisse la carte de fond des univers sur lesquels on veut travailler, au dessus de tout ça on tend un filet d'intrigues possibles et on détermine précisément la fin de l'histoire. Quand on tient cette fin, on fait nos choix. Quels héros ? Quels éléments déclencheurs et quels retournements de situation ? On n'est pas des exemples d'organisation, pourtant en BD, on ne commence rien sans savoir exactement où on part. Du coup ça nous permet de préparer les grandes lignes de chaque tome avec beaucoup d'avance et on peut orienter les mouvements de l'histoire et les personnages avec précision. Malgré toute cette préparation, on fait quand même en sorte de se garder une marge de manœuvre pour inclure de nouveaux éléments, on sait jamais, on n'est pas à l'abri de nouvelles bonnes idées…

ActuSF : Qu'est-ce qui vous plaît dans l'utilisation de mondes parallèles ?
Stéphane : La liberté totale d'écrire et de dessiner tout ce qu'il nous est possible d'imaginer ! Si on a choisi un cadre pareil pour la série, c'est pour la simple et bonne raison qu'on peut tout se permettre avec. Quand on a commencé à réfléchir aux principes des Guerres Parallèles on s'est fixé une règle : aucune limite. Du coup, derrière chaque nouveau monde qu'on développe on peut inventer ses civilisations, ses codes, son histoire et faire en sorte que tout ça s'oppose complètement au reste de l'univers sans que la logique du récit en soit altérée. Au niveau dessin, les dimensions parallèles nous permettent de travailler sur des anachronismes graphiques et d'explorer des pistes encore jamais vues (en tout cas, on l'espère). Etant donné qu'on joue avec des dimensions parfois très éloignées les unes des autres, et pas seulement au niveau spatial, rien ne s'oppose à ce qu'un monde archaïque et sauvage se heurte à une culture fondamentalement différente. En résumé, rien ne nous empêche de dessiner une confrontation entre une légion de Dragons se battant pour la survie de leur monde et une armée de machines pour qui la vie est une épidémie. Dans Les Guerres Parallèles on peut faire ça ! Et d'ailleurs on va le faire… Le tome 2 en dira un peu plus là-dessus.
Au niveau du scénario, ces confrontations improbables d'éléments que tout oppose nous donnent l'occasion de construire notre histoire comme un immense puzzle dont les pièces changent de place au fur et à mesure des tomes.

ActuSF : Dans Shaman, le héros était confronté à un univers inconnu. Dans Les Guerres Parallèles, Jonasfall est amnésique, est-ce important pour vous d'avoir un héros qui se pose beaucoup de questions sur lui-même ?
Olivier : Oui, car les héros tout beaux, tout propres et sans états d'âme sont ennuyeux à suivre. Leurs aventures se terminent toujours bien et leurs personnages secondaires comme leurs ennemis ne sont que les accessoires de leur vaniteuse réussite.
En ce qui nous concerne, nos personnages partagent notre vision du monde, notre goût de l'aventure et de l'inconnu. Découvrir l'univers qui les entoure participe à leur voyage intérieur. Ce qui les bouleverse, leurs doutes, leurs désirs sont sans doute un reflet de nos aspirations à vivre dans notre réalité. On ne construit pas nos héros en les rangeant dans les cases gentils ou méchants. On essaie d'exploiter tout l'éventail des émotions et des réactions humaines, car c'est là que se cache le véritable grandiose ou l'horreur la plus absolue. On aime penser que le mal peut naître de bonnes raisons et les apparences de la bonté dissimulent souvent de bien noirs secrets. Le monde n'est pas tout noir ou tout blanc, nos personnages non plus.

ActuSF : Vous sentez-vous plus influencés par la littérature SF et fantastique que par les BD ?
Stéphane : Complètement. On lit de moins en moins de BD et de plus en plus de romans. La Tour Sombre de King ou Le Trône de fer de Martin et tant d'autre séries, nous ont tellement fait voyager qu'on essaie d'insuffler dans notre travail le plaisir qu'on a pris dans ces lectures. Sans faire de généralités, on trouve souvent les univers et les personnages de la littérature beaucoup plus riches et complets que ceux de la BD. Cela tient sans doute au format des albums (46 planches racontent évidemment moins de choses que des centaines de pages) et au fait que le dessin soit une limite. La littérature permet de développer des idées et des histoires plus compliquées et sans parler d'influence, c'est en cela qu'elle nous inspire. Comme si on écrivait une série fleuve de romans, on aime dessiner nos histoires en développant au maximum tout le champ des possibles. En fait avant même d'attaquer un album, on serait tenté d'écrire un roman, une sorte de bible ou d'encyclopédie de notre univers, pour être certain d'avoir tout prévu.

ActuSF : Pourquoi avoir choisi la BD, pour des intrigues si complexes ?
Olivier : Pour réaliser notre rêve d'enfants et sans doute parce que c'était la voie la plus simple et la plus naturelle pour nous exprimer. On a toujours raconté nos histoires en les dessinant. Gamins, on faisait nos propres BD au lieu de nos devoirs, faire parler nos dessins était pour nous un moyen d'expression si spontané qu'on était obligé de faire de la BD quand on serait grands.
Mais on va bientôt se frotter à d'autres disciplines. Un roman se profile à l'horizon, il devrait sortir en juin. On reviendra vous en dire davantage.

ActuSF : Il semble que vous soyez très demandés en ce moment de l'autre côté de l'Atlantique, où en est votre travail pour les majors DC et Marvel ?
Olivier : En effet, après avoir travaillé sur quelques unes des plus grosses séries américaines (X-Men, Teen Titans, Hulk) Stéphane s'est fait offrir un contrat d'exclusivité par Marvel. Mais que les lecteurs des Guerres Parallèles se rassurent, il a fait rajouter à son contrat une clause qui lui permettait de poursuivre nos collaborations en Europe. Pour ma part, je me concentre en ce moment sur Guerres Parallèles pour que le tome 2 arrive dans les bacs en juin ou juillet mais je vais bientôt attaquer une série chez Marvel et promener mes crayons sur les héros de notre enfance… Du nouveau très vite.

ActuSF : Vous êtes très modernes dans votre démarche (site internet, myspace...) avez-vous envie de vous lancer dans un autre média que la BD ?
Stéphane : On est ouverts à tout mais pour l'instant on se concentre sur notre série et comme on aime l'énergie et les idées qui circulent sur internet, on fait de notre mieux pour être présents sur le Web. A l'avenir, si on trouve le temps, on aimerait bien développer en ligne une partie de notre travail et créer un lien interactif avec nos lecteurs ou les internautes. Leur donner la primeur sur certaines nouveautés, enrichir nos livres et nos sites de leur participation ou créer des choses qui ne seront exploitées que sur le net… Bref, faire en sorte que la série ne soit pas seulement un objet de librairie.

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?