- le  
Interview de Fred Beltran
Commenter

Interview de Fred Beltran

ActuSf : Pour commencer, parlez-nous un peu de votre parcours. J’imagine que vous avez toujours dessiné. Vous souvenez-vous d’un auteur ou d’un album qui vous ait particulièrement marqué ?
Fred Beltran : Oui, j'étais celui qui dessine au fond de la classe, comme beaucoup des "collègues" je pense. Tous les mômes dessinent au départ, puis alors que les autres passent à autre chose, certains continuent, souvent parce que le groupe les a désignés pour cette fonction... C'est à 6 ans que j'ai décidé que je serai auteur de BD. J'adorais déjà toutes sortes de bande dessinées, je lisais PIF, Spirou, Pilote... Je me souviens de Franquin, de GIR aka Moebius de Druillet... de Cézar, de Forest... Il y en a tant... D'autre qui sont venus après, Bilal, Corben, Liberatore... tant d'autres encore.

ActuSf : Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ? Quel est votre parcours ? Vous aviez déjà la BD en tête en faisant l'Ecole Supérieure des Arts Graphiques ?
Fred Beltran : J'ai toujours fait de la BD, l'équivalent d'un album par an, à peu près... On peut voir d'un projet à l'autre, (rarement complètement abouti), les influences du moment... Vers l'âge de 17 ans, j'ai présenté mes premières planches aux éditeurs... ils me renvoyaient pour travailler de nouveau ma copie, puis je revenais régulièrement l'espoir au ventre... Je me souviens de mes rencontres alors avec Challand, Ted Benoït, Fromental, ils ont été vraiment gentils avec moi... J'ai compris qu'il fallait que j'apprenne plein de choses que je ne savais pas encore, j'ai passé un peu de temps à Penninghen, j'y ai beaucoup appris, mais n'étant pas très adapté au système scolaire, j'ai repris ma route tout seul au bout d'un an et demi...

ActuSf : Il y a quelques mois, les éditions des Humanoïdes Associés ont ressorti Le Ventre du Minotaure. Avec le recul, comment jugez-vous ce premier album ?
Fred Beltran : Le ventre du Minotaure est le premier projet qui aura été accepté par un éditeur, les Humanos, ceux-là même dont je me sentais le plus proche d'ailleurs. Cela dit, au départ j'avais proposé une histoire de 8 pages pour Métal... le temps que je finisse, le canard avait disparu... j'ai dû pousser l'histoire de 8 à 44 planches. N'ayant que peu de dispositions à l'écriture de scénario, aucune formation en tout cas, (j'ai dû progresser depuis), l'album est devenu quelque chose de très personnel, quasiment une auto-psychanalyse... un cauchemar éveillé, un exutoire pour mes angoisses... un truc étrange mais vraiment sincère. Je suis content que le livre soit ressorti, pas mal de lecteurs m'ont dit qu'ils voyaient mon travail avec Jodo autrement après avoir lu Le ventre...

ActuSf : En 1997 vous rencontrez Alexandro Jodorowsky. Comment s’est fait cette rencontre et qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble ?
Fred Beltran : Je sortais d'une collaboration avec un éditeur japonais, Kodensha, je travaillais sur une série d'histoires courtes autour d'une Barmaid plantureuse... mais le désir de retravailler dans le contexte "franco-belge" me manquait terriblement... Je faisais beaucoup d'illustrations alors, exclusivement sur ordi... Restés tout ce temps en contact les humanos et moi, il nous a semblé de plus en plus évident qu'on retravaillerait ensemble et que je partirai d'un scénario costaud, écrit par un vrai scénariste... déjà je rêvais d'une collaboration avec Jodorowsky, je l'ai dit. Puis un jour, alors que je jouais de la musique avec mon groupe de l'époque, "les Snails", j'ai rencontré Adan, le fils d'Alexandro. Au cours de la discussion je lui ai dit tout le bien que je pensais de son père, le bougre le lui a répété et le lendemain j'avais un coup de fil...

ActuSf : Comment présenteriez-vous votre série Mégalex à quelqu’un qui ne l’aurait pas lue ? Qu’aviez-vous envie de faire au départ ?
Fred Beltran : C'est difficile, je suis tellement dedans que je ne sais pas si je saurai bien faire le pitch. C'est de la SF, mais pas seulement, c'est aussi un conte fantastique... C'est un monde horizontal à l'opposé de l'incal et de ses cités-puit verticales... Une dictature absolue, sur le vivant... rien de ce qui est purement biologique n'y est autorisé... Sous terre, un groupe dissident, "les objecteurs", prépare la révolte. J'étais "à fond" dans l'informatique, dans cette technique particulière de mélange 2d/3d que j'avais élaborée avec "Nina"... J'avais besoin d'un scénario pour aller vraiment jusqu'au bout de cette logique. Lors de mes premiers rendez-vous avec Jodorowsky, nous avons parlé ensemble de raconter une histoire originale, fruit de notre rencontre, mais il m'a parlé d'un projet qu'il avait avec Otomo... Je l'ai lu, et j'avais devant moi exactement ce que je cherchais. Comme Otomo était très pris par ses projets cinématographiques, j'ai hérité du bébé...

ActuSf : Le premier tome de Mégalex a été publié en 1999, le second en 2002, pourquoi ce laps de temps relativement long en BD entre ces deux albums ?
Fred Beltran : Il y a plein d'explications, plus ou moins techniques au phénomène (les technopères, le studio Beltran, les projets externes, la musique...) ... Explications que je pourrai développer, mais je crois surtout que je donne tellement de moi à chaque fois qu'il me faut beaucoup de temps pour "récupérer"... Un jour peut-être je ferai mon travail de manière plus sereine, mais à vouloir remettre en question systèmatiquement ma façon de travailler, je ne suis jamais "entré" dans une vitesse de croisière qui me permettrait d'organiser mon travail de façon rationnelle... Je voudrais aller plus vite, je ferai tout pour ça dans l'avenir... Je crois même que l'ensemble de mes réflexions du moment tourne autour de ce problème... si je trouve la solution, je pourrai réellement répondre à cette question...

ActuSf : Comment la série va-t-elle évoluer ? Pouvez-vous nous donner des indices sur la suite de l’histoire ?
Fred Beltran : La suite du scénario a été écrite "pour moi"... entre temps je suis arrivé au bout de ma logique "tout ordi"... et je suis revenu au dessin traditionnel, encre de chine sur papier, la mise en couleur seule restant faite sur PC... J'en avais besoin. Il me semble que l'évolution graphique s'accordera bien avec celle du scénario, pour moi c'est une évidence... les lecteurs nous le confirmeront peut-être, mais je vois beaucoup de logique dans tout ça...

ActuSf : Outre Mégalex , on vous connaît également pour votre travail sur Les Technopères. Vous faites les couleurs, la couverture et quelques retouches sur les dessins. Comment travaillez-vous avec Janjetov et Jodorowsky ?
Fred Beltran : Techniquement c'est simple, je reçois les planches en noir et blanc, déjà scannées, et le scénario... Puis j'ai carte blanche... Je travaille avec la logique de "la couleur directe", le trait de zoran se mélangeant avec ma couleur... J'y prends beaucoup de plaisir, je considère cette collaboration comme une partition à 4 mains...

ActuSf : Est-ce difficile d’ailleurs pour un dessinateur de se confronter au dessin d’un autre artiste de talent ? Ou au contraire est-ce enrichissant ?
Fred Beltran : Enrichissant ! C'est énorme ce qu'on apprend sur son propre travail en partant de celui de quelqu'un d'autre. Enorme. D'ailleurs je ne compte pas travailler à "la mise en couleurs" d'une autre série, c'est une aventure unique, pleine d'enseignements.

ActuSf : Vous intervenez après les dessins de Janjetov, n’est-ce pas un peu frustrant ?
Fred Beltran : Comme je le dis plus haut, ma marge de manoeuvre est telle que j'ai l'impression parfois de partir de l'un de mes crayonnés... Il faut d'ailleurs que je fasse sans cesse attention à ne pas aller trop loin, et j'essaie de ne pas trop m'approprier les images... Je crois qu'on a trouvé un bon équilibre...

ActuSf : Qu’est-ce qui vous plait dans le travail de cette série ?
Fred Beltran : Bien sûr, le travail de Zoran. L'alchimie n'aurait pas été possible avec d'autres...

ActuSf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Fred Beltran : Là, je suis dans Megalex 3 et 4, que je dessine en tradi... le troisième devrait sortir d'ici la fin de l'année, le quatrième le plus vite possible après. Il reste un Technopères pour boucler la série qui devrait m'occuper début 2006. Je fais beaucoup d'images de mon coté, un projet d'expo (ou de livre ou autre) autour du sujet "bad girls". J'ai repris plus sérieusement la musique depuis peu, j'en ai besoin pour mon équilibre... précaire. On prépare un deuxième album avec la nouvelle formation des "Washington dead cats"... ça le fait! Je travaille aussi sur un projet musical perso, "All by myself", un truc embryonnaire pour l'instant dans lequel je revisite quelques standarts Rockabilly roots et Rockin'blues... j'aimerais l'associer à des images (imprimées ou en mouvement)... Puis plein d'autres trucs dont je parlerai plus tard...

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?