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Interview de Nathalie Dau
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Interview de Nathalie Dau

ActuSF : Comment est née l'idée de ce projet ? Quelle était la ligne directrice de ce recueil ?
Nathalie Dau : Tout a commencé lorsque j’ai dirigé, pour les éditions Nestiveqnen, l’anthologie L’Esprit des Bardes (parue en 2003). Déjà, à l’époque, je souhaitais monter une collection d’anthologies inspirées chacune par les mythes d’une civilisation ou d’une sphère culturelle. Malgré le succès de L’Esprit des Bardes, nourri de mythologie celtique, Nestiveqnen a choisi – et je respecte ce choix – de ne plus éditer d’anthologies. Mais j’étais restée avec mon idée, et j’ai finalement créé les éditions Argemmios pour pouvoir la mener à bien.
Les Héritiers d’Homère est donc le premier opus de la collection Périples Mythologiques, même si l’on pourrait dire que L’Esprit des Bardes en était… le pilote (comme dans les séries télé).
Pour ce premier opus, j’ai proposé aux auteurs de puiser leur inspiration dans les mythes grecs. Pour le second opus (dont le sommaire est bouclé), on a traversé l’Atlantique pour s’intéresser aux indiens d’Amérique du Nord. Actuellement, les auteurs qui le souhaitent planchent sur les mythes germano-scandinaves (dead line de l’AT : 30 septembre 2009).
La ligne directrice est toujours la même pour chacun des opus de la collection : nous demandons des textes nourris par une sphère mythologique donnée. Nous laissons beaucoup de temps aux auteurs afin qu’ils puissent lire et se documenter sur le sujet, acquérir une bonne compréhension au moins du mythe précis qu’ils vont se réapproprier. Le mythe est vivant, il peut être reformulé, complété, extrapolé, transposé, pris à contre-pied, peu importe tant que le résultat est un texte intelligent, sensible, fort, stylé.

ActuSF : Pourquoi avoir choisit la référence à la mythologie grecque ? Qu'est-ce qui te semblait intéressant là dedans ?
Nathalie Dau : La mythologie grecque est celle qui est la mieux connue du grand public, puisqu’elle est étudiée, au moins superficiellement, au collège. Elle est également très présente dans nos métaphores quotidiennes, elle a nourri nombre de films à grand spectacle (comme Le Choc des Titans, ou encore Troie et 300 ces dernières années). De nos jours, en lettres classiques, on étudie encore le grec ancien et les auteurs de l’Antiquité. Les mythes grecs sont très présents dans le théâtre (Racine, Corneille, Anouilh…). Alors offrir aux auteurs de se pencher d’abord sur le matériau mythologique qu’ils étaient le plus susceptibles de maîtriser était un bon moyen de les « mettre dans le bain » par rapport à nos attentes. Ils ont été plus nombreux à oser se lancer, écrire un texte et nous l’envoyer, que pour l’opus suivant consacré aux Amérindiens !

ActuSF : Comment s'est fait le choix des auteurs ?
Nathalie Dau : De façon classique : un appel à textes, des textes reçus, une dead line, une lecture par le Comité de Lecture qui a permis d’opérer une première sélection, une seconde lecture pour dégager les textes qui nous semblaient les plus pertinents, les plus en rapport avec nos attentes. Nous regardons les textes, pas le nom de l’auteur, lorsque nous effectuons notre sélection. Et c’est ainsi que nous sommes amenés aussi bien à refuser des auteurs confirmés qu’à retenir de toutes jeunes plumes auxquelles nous avons offert leur première publication.

ActuSF : Il y a pas mal de jeunes auteurs dans le sommaire, représentent-ils selon toi une nouvelle génération d'écrivains de fantasy et de science fiction ?
Nathalie Dau : Il est un peu tôt pour parler de « nouvelle génération ». Il arrive qu’un auteur excelle sur un premier texte puis ne soit plus autant inspiré pour les suivants. Mais oui, j’ai découvert, par le biais de cette anthologie, de jeunes plumes qui m’ont vraiment bluffée et que je crois très prometteuses. Seul le temps nous confirmera ce sentiment.

ActuSF : As-tu eu des surprises en recevant les textes ?
Nathalie Dau : On va se concentrer sur les bonnes surprises. Le texte de Claire Jacquet en fait partie : je ne m'attendais pas à recevoir de récit écrit et présenté comme une pièce de théâtre, pourtant ce fut le cas. Une pièce courte mais si fine, avec un humour si intelligent, si jubilatoire, que je me suis régalée avec ce texte. Je ne m'attendais pas non plus à trouver un tel érudit de la Grèce antique chez Yan Marchand, son texte est une véritable immersion dans la pensée des temps homériques et relie les dieux à ce qu'étaient réellement leurs fonctions (mises en évidence par Dumézil dans Mythe et Epopée). Excellente surprise aussi avec Eliane Aberdam : cette toute jeune fille nous a bluffés par la maturité de sa plume et la force de l'émotion qu'elle parvient à dégager, alors que Aube est son premier texte publié. Sinon, je n'ai pas été surprise de recevoir un texte quasi parfait de la part de Jeanne-A Debats, mais j'éai été surprise, dans le bon sens, par le thème choisi et la façon de le traiter. Mayday est d'une violence superbe, efficace, écholalique à souhait. Je pourrais parler ainsi de chaque texte au sommaire, pratiquement, puisque la surprise participe de la séduction. Si, lors de la lecture, nous avons un sentiment de déjà vu, déjà lu, si la chute nous apparaît comme trop évidente et si le style pèche au niveau inventivité et personnalité, nous ne sommes pas séduits et donc nous ne sélectionnons pas.

D'un point de vue plus général, j'ai été surprise de constater combien les auteurs (même les auteurs non retenus) avaient été surtout inspirés par les Enfers et les mythes qui s'y rattachent. En raison des blockbusters récents que sont Troie et 300, je craignais surabondance de textes inspirés par ces films, mais non. La mort, l'après vie, voilà les grandes préoccupations actuelles. Peu de textes guerriers. Encore moins de textes sur l'amour. Aphrodite a failli être absente du glossaire, c'est dire ! Alors que les Erinyes, ces furies vengeresses, ont remporté bien des suffrages.

Souvent la fantasy se retrouve dans des cycles au long cours, est-ce que le genre se fond bien dans la nouvelle ? Est-ce que le format court se prête bien à la fantasy ?
La fantasy est un genre littéraire, elle peut donc être déclinée sous toutes les formes, comme tous les genres littéraires. Tout dépendra ensuite du talent de l’auteur. On peut trouver des cycles franchement mauvais et des short stories jubilatoires, tout comme l’inverse. . Certaines histoires n’ont pas besoin d’être délayées, d’autres ont besoin de se déployer au fil des pages car elles ont davantage d’envergure. Ensuite, ça dépend aussi des attentes de chaque lecteur. Certains aiment s’immerger longtemps dans l’univers, la quête, les aventures imaginées par un auteur, et d’autres préfèrent glisser d’une histoire à l’autre au sein d’un recueil ou d’une anthologie.

ActuSF : Quels sont les autres projets d'Argemmios ? Qu'est-ce qui va sortir ?
Nathalie Dau : Au planning 2009, nous allons sortir en septembre le collectif Flammagories ainsi qu’une novella de Pierre Gévart, puis en octobre-novembre nous devrions publier le second titre de notre collection de livres-disques pour enfants : Grisemine, le petit chat qui voulait voler, écrit et illustré par Isabelle Chatel Merlier. Et notre seconde anthologie mythologique : Chants de Totems. Nous avons également en projet, pour 2010, un recueil de nouvelles de Fabrice Anfosso, un roman jeunesse de Philippe Halvick, l’anthologie féerique Changelins et l’anthologie mythologique Le Butin d’Odin. Evidemment, pour que tout cela soit possible, il faut du temps et surtout des finances, donc des ventes de nos premiers titres. Mais nous en sommes tous là.

ActuSF : Et quels sont tes projets à toi ?
Nathalie Dau : En tant qu’auteur ? Finir les Contes Myalgiques 2, écrire un roman jeunesse dont j’ai déjà le synopsis, et boucler enfin le premier tome de mon cycle de fantasy. J’ai aussi deux préfaces et quelques textes hors recueil à écrire. Autant dire qu’entre la maison d’édition et l’écriture, je ne manque pas de travail !

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