On commence maintenant à bien connaître la série Jour J chez Delcourt, consacrée à l'Uchronie et dont chaque histoire occupe un ou deux tomes maximum. Le scénario est à chaque fois réalisé par Fred Duval et Jean-Pierre Pécau tandis que le dessin est confié pour chaque tome à un artiste différent. Cette fois, c'est Mr Fab qui est en charge des planches de L'Imaginaire au pouvoir ?. La biographie présentée par son éditeur évoque des cours à l'école de dessin l'ESAG, une longue expérience dans le monde de la Haute couture et une collaboration sur le film de Marc Caro, Dante 01. Depuis on l'a notamment vu sur le premier tome de la série de science fiction Spyder.

Mai 1968 ou le rêve d'une société utopique

Alors que l'agitation est à son comble à Paris en mai 1968, le général De Gaulle décède à Baden Baden tandis que l'armée échoue à reprendre Paris aux insurgés. Pendant ce temps, des malfrats profitent du chaos pour s'emparer de 200 millions de francs issus de la Banque de France. Cinq ans plus tard, un gouvernement d'union nationale est au pouvoir avec comme figures principales Daniel Cohn-Bendit, François Mitterand et Jacques Chirac. C'est le moment que choisit l'un des membres du commando pour refaire surface alors que tout le monde le pensait mort. Et il est bien décidé à récupérer sa part même si ses anciens complices gravitent désormais dans les sphères du pouvoir. 

Le meilleur de la série ?
  L'Imagination au pouvoir ? est un candidat sérieux au titre de meilleur album de la série Jour J. Le scénario serait plutôt classique, celui d'une vengeance entre malfrats reconvertis dans la vie publique et politique, si le contexte n'était aussi passionnant. Les scénaristes ont exploré avec bonheur ce qui aurait pu être Paris si les révoltés de Mai 68 avaient réellement pris le pouvoir. Bouleversant les codes dans l'esprit du temps, la capitale devient sous leurs plumes un véritable musée d'art moderne à ciel ouvert, la grisaille parisienne s'illuminant de constructions fantasques et colorées, de sculptures psychédéliques, de tags en tout genre et d'habitants n'hésitant pas à s'occuper de leurs poules et leurs vaches dans les rues.

L'album ne sombre pas pour autant dans l'angélisme. Il montre bien comment, même si l'Imagination est pouvoir, les hommes politiques restent pervers et manipulateurs, le pire d'entre eux étant certainement Jacques Chirac avec son sourire carnassier malgré ses pattes d'éléphants. Ils s'adaptent parfaitement à la situation, aussi insolite soit-elle.

Côté dessin, Mr Fab excelle dans la dualité entre des cases sombres racontant l'histoire de l'ancien braqueur et les grandes planches aux couleurs vives des vainqueurs de 68. On notera au passage le superbe travail du coloriste. Au vu de toutes ces qualités, on peut donc légitimement se demander s'il s'agit du meilleur de la série. C'est en tout cas l'un des plus complets dans toutes les implications que le point de divergence uchronique entraîne. C'est aussi sans doute l'un des plus proches de nous, de nombreux personnages vivant encore ou faisant partie de notre histoire proche. A tous les points de vue une vraie réussite.