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L'instant Critic - septembre 2014
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L'instant Critic - septembre 2014

Franchement, il n’était guère possible, pour cette première livraison de « L’instant Critic », de passer sous silence la déferlante en librairie (la défer-lente dans certains cas) (ActuSF n’est en rien responsable de l’humour navrant du chroniqueur) de zombies & d’apocalypses qu’a connu ce mois de septembre 2014 (même si le phénomène est loin d’être nouveau évidemment).
On peut passer très vite sur Paolo Bacigalupi qui signe avec Zombie Ball un court récit young adult plutôt intrigant aux éditions Au Diable Vauvert ; on le voit, pour cette chronique, comme un amuse-bouche qui sonne assez juste sur l’élevage industriel mais qui aurait pu élever un peu plus son propos, tant qu’à faire. Le roman reste cependant une bonne idée-cadeau pour les ados, à défaut de satisfaire complètement un lecteur adulte chevronné.
Le lecteur adulte chevronné, parlons-en un peu : il trouvera quant à lui ce mois délicieusement nécrosé ! Jugez par vous-mêmes : Folio SF a la bonne idée de rééditer en poche Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère... et retrouvé l'amour de S. G. Browne, paru initialement aux éditions Mirobole, éditeur dont nous allons dire beaucoup de bien dans ce petit panorama de septembre. Voici en tout cas un roman de zombie déjanté qui lorgne du côté de Shaun of the Dead plus que de The Walking Dead et met en scène un zombie pas comme les autres, Andy le contestataire, dans une aventure qui non seulement nous fait rire mais parfois nous amène aussi à frémir. La bonne nouvelle ? Pour ceux qui comme nous se trouvent frustrés à la fin du premier livre, on croise l’incroyable Andy dans une deuxième aventure tout aussi folle et plaisante, parfois aussi légère qu’un jus d’orange avarié : profitant de la sortie poche du premier tome, les éditions Mirobole viennent en effet de publier Le jour où les zombies ont dévoré le Père Noël. Si cette suite possède peut-être un peu moins de punch, les personnages secondaires sont encore plus réussis et vous ne regretterez pas d’avoir investi quelques euros de plus qu’en poche, d’autant que les livres édités par Mirobole donnent furieusement envie d’être collectionnés !
 
Restons chez l’éditeur bordelais et passons à un roman de « fin de monde » tout à fait saisissant. Il s’agit de Vongozero de Yana Vagner. Auteure russe née d’une mère tchèque, Vagner nous transporte dans une Russie en proie à un virus virulemment virulent (hum) et s’ouvre, comme un hommage lointain à Albert Camus, par ce « Maman est morte mardi 17 novembre » qui a le mérite de plonger aussitôt le lecteur dans le récit raconté à la première personne et au passé simple, où l’on suit Anna, une jeune femme qui décide de fuir l’épidémie pour rejoindre un havre, le fameux Vongozero. Plus grave que les romans de S. G. Browne, celui de Yana Vagner est structuré de façon fort classique mais, grâce à une écriture belle, maîtrisée et homogène (la traduction de Raphaëlle Pache y est sans doute pour quelque chose), il apparaît très vite difficile de sortir de ce pavé souvent oppressant  mais terriblement émouvant à l’occasion. Une très bonne pioche, aux relents d’apocalypse façon Richard Cowper (auteur culte boudé par les rééditeurs), qu’il serait dommage de manquer.
 
Mais revenons aux zombies. Le gros morceau de ce mois de septembre, la partition quasi parfaite, est à chercher du côté des éditions du Bélial'. Avec L’Éducation de Stony Mayhall de Daryl Gregory (qui n’avait jusqu’alors été édité en France que dans des revues comme Fiction ou Bifrost) frappe le gros coup de cette rentrée littéraire des littératures de l’imaginaire. Stony Mayhall n’est pas un enfant comme les autres, et sa famille adoptive qui l’a trouvé sur le bord de la route le cache et le protège en raison de ses différences, ou plutôt de sa différence. Stony Mayhall est un zombie. Du moins, il possède toutes les caractéristiques du zombie qui a… guéri. Et il est conscient de ne pas être comme ses sœurs ou sa mère adoptive, Wanda. Dense, fourni en personnages fouillés et crédibles, Stony Mayhall nous apporte une histoire plus complexe qu’il n’y paraît au premier coup d’œil et, surtout, autour de l’évolution de son personnage central, une réflexion intéressante sur la différence et l’acceptation. Pour tout dire, Daryl Gregory signe ici un roman que le lecteur n’oubliera pas de sitôt. D’autant que les lecteurs habituellement réfractaires aux fictions pleines de morts-vivants pourraient également y trouver leur compte. Au-dessus du lot, y compris en terme d’écriture, et c’est tout. 
On évoquera très vite la réédition chez le même éditeur de Zombies, un horizon de cendres de Jean-Pierre Andrevon. Si l’on est loin du meilleur de l’auteur de Gandahar et du Travail du furet, on comprend très vite que l’on tient là un divertissement sympathique écrit avec le métier d’un excellent romancier qui maîtrise parfaitement son récit. Qui plus est, que ce soit pour le roman de Gregory ou celui d’Andrevon, les couvertures signées Aurélien Police sont superbes ! Allez, allez, on file dare-dare chez son libraire !
 
Pour revenir sur la question du zombie, un ouvrage de référence :  Zombies ! de Julien Bétan & Raphaël Colson, aux Moutons électriques.
 
Et enfin, nous n’avons pas la place pour en parler en détail mais il va falloir vous pencher sur ces quelques parutions récentes et indispensables : 
 
Pour rester encore un peu du côté de l’apocalypse, Nancy Kress, auteur trop rare en France et qui nous avait déjà régalés avec Danse aérienne (Bélial) et Réalité partagée (Pocket), nous livre Après la chute aux éditions ActuSF. Chez Mnémos, Thinking Eternity vient achever de nous convaincre d’une chose : du talent d’anticipateur de Raphaël Granier de Cassagnac. À l’Atalante, Larry Correia conclut son excellente trilogie fantasy-steampunk-SF-fantastico-polardo-truc suintante d’adrénaline et complètement déjantée avec Foudre de Guerre, pour ce qui restera une des meilleures séries de pur divertissement de ces dernières années. On n’oubliera pas non plus Les Perséides, paru au Bélial', et Les derniers jours du Paradis (Denoël) de Robert Charles Wilson, parce que l’auteur de Spin et de À travers temps est souvent très bon et qu’il le confirme une nouvelle fois avec ce recueil de nouvelles et ce roman. Côté rééditions, et pour conclure un peu plus dans l’espace, P.-J. Herault revient avec une nouvelle intégrale chez Critic (Le Loupiot, suivi de Hors Normes) tandis que Laurent Whale ressort Les Pilleurs d’Âmes, Prix Rosny aîné 2011, dans la collection poche des Indés de L’Imaginaire, Hélios. Flibuste, SF… un bon ménage !

En attendant le mois prochain, nous vous souhaitons à tous de très bonnes lectures !
 
Xavier Dollo

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