Rétrospective 2013 : science-fiction, fantasy, fantastique et autres bizarreries.
Quand on a le nez sur l'actualité éditoriale, on ne peut s'empêcher de se laisser distraire par les nouveautés qui paraissent sur un rythme soutenu. Un bref retour sur l'année écoulée ne peut donc faire de mal à personne...
L'année 2013 démarre sur une belle surprise, un improbable conte mythologique et fantastique estonien paru chez le Tripode : l'Homme qui savait la langue des serpents. Rire et fascinations garantis.
Vampires, anges et autres loup-garous ont eu tendance, ces dernières années, à envahir intempestivement les tables des librairies. On garde cependant une place au chaud pour Le dernier loup-garou de Glen Duncan, roman publié dans la collection Lunes d'Encre de Denoël, qui bouscule avec bonheur et cynisme la figure galvaudée de cette sympathique bestiole à poil dur.
Habité par une galerie de personnages aussi étranges que fascinants, Les Fleurs du karma, signé par l'italien Tommaso Pincio et publié en France par les éditions Asphalte ,est une superbe fugue psychédélique et surréaliste, entre les réalités entrechoquées d’une Amérique volontiers schizophrène, que ne renieraient ni Jack Kerouac, ni Philip K. Dick.
Toujours au mois de février, Bragelonne publie Le Voleur quantique du finlandais Hannu Rajaniemi, sorte de réjouissant Arsène Lupin posthumain.
A peu près au même moment, Stephen King s'aventure dans les couloirs du temps et livre clefs en main « son » Amérique avec l'un de ses meilleurs romans, 22/11/63.
Ayerdhal, de son côté, renoue avec la fiction politique militante : Rainbow Warriors, chronique d'un coup d'état orchestré en Afrique par une armée privée internationale LGBT. Réjouissant.
Le coup de tonnerre de cette année vient de Lunes d'Encre : quelque part entre Gibson et Jeury; l'Anamnèse de Lady Star, thriller post-apo cosigné par Laure et Laurent Kloetzer, devrait en toute justice s'imposer comme l'un des jalons de la science-fiction francophone.
Autre événement : vingt ans après sa parution outre-manche, L'œil d'Or trouve le courage de proposer au lectorat français Feersum endjinn, un chef d'œuvre de Iain M. Banks pourtant réputé intraduisible, sous le titre Efroyabl ange1. Incontournable.
Un peu de fantasy, maintenant, avec la parution chez ActuSF de l'énorme anthologie hommage à Jack Vance, Chansons de la terre mourante. On désespérait de voir un jour traduit ce pavé, regroupant sous la houlette de George R.R. Martin et Gardner Dozois, quelques unes des plus belles plumes anglo-saxonnes d'hier et d'aujourd'hui.
Auteur majeur du catalogue du Bélial', Lucius Shepard offre un nouveau récit consacré au dragon Griaule ; Le Calice du dragon prouve une fois de plus que la fantasy peut se faire éminemment politique.
2013 aura vu se conclure avec Les Rêveurs de l'Irgendwo la réédition salutaire, entreprise par Ad Astra, de l'intégrale du cycle de Lanmeur : en sept romans, Léourier s'est taillé une place confortable aux côté de Vance, Le Guin, Banks...
Les mythes arthuriens, dans toutes leurs incarnations, ont eu maintes fois l'occasion de s'incarner en fantasy, mais sans doute jamais de manière aussi intime et sensible que dans le Mordred de Justine Niogret.
Impossible, pour qui dit fantasy française, de passer à côté de Même pas mort, le nouveau roman de Jean-Philippe Jaworski. Avec cette fantasy historique celte, l'auteur de Gagner la guerre quitte les Vieux Royaumes et prouve qu'il a plus d'une corde à son arc...

Fidèle à ses piliers, Lunes d'Encre accueille un nouveau Christopher Priest, Les Insulaires, tout à la fois roman, recueil de nouvelles, essai et guide touristique consacré à l'Archipel du rêve, que l'auteur ne se lasse pas d'arpenter. Un livre hybride, à réserver aux amateurs de formes littéraires décalées.
On connaît le goût de Thomas Day pour les nouvelles : 7 secondes pour devenir un aigle, le nouveau recueil en grande partie inédit que publie le Bélial', donne à lire six textes préoccupés par les rapports qu'entretiennent nature et humanité, sous la plume d'un auteur dont le talent ne cesse de s'affirmer.
Le Bélial' (encore eux !) offre avec Demain le monde un superbe écrin illustré par Caza au meilleur des nouvelles de Jean-Pierre Andrevon publiées au cours des quarante dernières années. Une belle somme, et un bel objet.
Les éditions Eclipse, hébergées par Panini, travaillent à construire un beau catalogue et publient au mois de Novembre le roman lauréat du World Fantasy Award 2011 : Qui a peur de la mort ?, de Nnedi Okorafor, est un conte fantastique post-apocalyptique surprenant, profondément imprégné de légendes traditionnelles et des réalités de l'Afrique contemporaine.
Concluons cette année avec l'heureuse initiative de Bragelonne, qui publie en un impressionnant pavé l'intégrale des nouvelles d'Arthur C. Clarke : Odyssées, 106 textes et 1130 pages pour rendre hommage à l'un des monstres sacrés de la science-fiction...
Comme une année éditoriale compte un bon nombre de rééditions, souvent au format poche, signalons au passage et en vrac celles de May le monde, qui signe le grand retour de Michel Jeury à la SF, Planète à louer, science-fiction cubaine signée Yoss, le Système Valentine (enfin !) de Varley, l'énorme et immense Vaisseau ardent de Jean-Claude Marguerite, la méritoire nouvelle traduction du chef-d'œuvre de Dick, le Maître du haut-château, l'étonnant The City & the city de China Mieville... Et quelques rééditions « patrimoniales » en grand format, avec par exemple le Dernier château de Vance, Barrière mentale de Poul Anderson ou encore, plus proche de nous, le très beau Ghost Story de Peter Straub ou Cherudek, le cinquième volume de l'inquisiteur Eymerich de Evangelisti... Mention spéciale pour Dystopia Workshop, qui a eu le bon goût de remettre à l’honneur l’œuvre passée, présente et à venir de Yves et Ada Rémy, en commençant par l’inoubliable Les Soldats de la mer.
Enfin, notons que nous célèbrerons bientôt le premier anniversaire de la collection Dyschroniques, du Passager Clandestin, qui depuis le mois de janvier 2013, propose sous la forme de très jolis petits livres des rééditions de nouvelles empruntées à des auteurs de nationalités et d'époques différentes qui, toutes, ont marqué leur temps. C'est ainsi que l'on peut à nouveau découvrir sur les tables des librairies les noms de Murray Lester, Mack Reynolds, Brian Aldiss, Philippe Curval, Ben Bova, Lino Aldani, Norman Spinrad et Marion Zimmer Bradley. On ne peut que souhaiter longue vie à une telle initiative...
Olivier Legendre
Quand on a le nez sur l'actualité éditoriale, on ne peut s'empêcher de se laisser distraire par les nouveautés qui paraissent sur un rythme soutenu. Un bref retour sur l'année écoulée ne peut donc faire de mal à personne...

Vampires, anges et autres loup-garous ont eu tendance, ces dernières années, à envahir intempestivement les tables des librairies. On garde cependant une place au chaud pour Le dernier loup-garou de Glen Duncan, roman publié dans la collection Lunes d'Encre de Denoël, qui bouscule avec bonheur et cynisme la figure galvaudée de cette sympathique bestiole à poil dur.
Habité par une galerie de personnages aussi étranges que fascinants, Les Fleurs du karma, signé par l'italien Tommaso Pincio et publié en France par les éditions Asphalte ,est une superbe fugue psychédélique et surréaliste, entre les réalités entrechoquées d’une Amérique volontiers schizophrène, que ne renieraient ni Jack Kerouac, ni Philip K. Dick.
Toujours au mois de février, Bragelonne publie Le Voleur quantique du finlandais Hannu Rajaniemi, sorte de réjouissant Arsène Lupin posthumain.
A peu près au même moment, Stephen King s'aventure dans les couloirs du temps et livre clefs en main « son » Amérique avec l'un de ses meilleurs romans, 22/11/63.
Ayerdhal, de son côté, renoue avec la fiction politique militante : Rainbow Warriors, chronique d'un coup d'état orchestré en Afrique par une armée privée internationale LGBT. Réjouissant.
Le coup de tonnerre de cette année vient de Lunes d'Encre : quelque part entre Gibson et Jeury; l'Anamnèse de Lady Star, thriller post-apo cosigné par Laure et Laurent Kloetzer, devrait en toute justice s'imposer comme l'un des jalons de la science-fiction francophone.
Autre événement : vingt ans après sa parution outre-manche, L'œil d'Or trouve le courage de proposer au lectorat français Feersum endjinn, un chef d'œuvre de Iain M. Banks pourtant réputé intraduisible, sous le titre Efroyabl ange1. Incontournable.
Un peu de fantasy, maintenant, avec la parution chez ActuSF de l'énorme anthologie hommage à Jack Vance, Chansons de la terre mourante. On désespérait de voir un jour traduit ce pavé, regroupant sous la houlette de George R.R. Martin et Gardner Dozois, quelques unes des plus belles plumes anglo-saxonnes d'hier et d'aujourd'hui.
Auteur majeur du catalogue du Bélial', Lucius Shepard offre un nouveau récit consacré au dragon Griaule ; Le Calice du dragon prouve une fois de plus que la fantasy peut se faire éminemment politique.
2013 aura vu se conclure avec Les Rêveurs de l'Irgendwo la réédition salutaire, entreprise par Ad Astra, de l'intégrale du cycle de Lanmeur : en sept romans, Léourier s'est taillé une place confortable aux côté de Vance, Le Guin, Banks...
Les mythes arthuriens, dans toutes leurs incarnations, ont eu maintes fois l'occasion de s'incarner en fantasy, mais sans doute jamais de manière aussi intime et sensible que dans le Mordred de Justine Niogret.
Impossible, pour qui dit fantasy française, de passer à côté de Même pas mort, le nouveau roman de Jean-Philippe Jaworski. Avec cette fantasy historique celte, l'auteur de Gagner la guerre quitte les Vieux Royaumes et prouve qu'il a plus d'une corde à son arc...

Fidèle à ses piliers, Lunes d'Encre accueille un nouveau Christopher Priest, Les Insulaires, tout à la fois roman, recueil de nouvelles, essai et guide touristique consacré à l'Archipel du rêve, que l'auteur ne se lasse pas d'arpenter. Un livre hybride, à réserver aux amateurs de formes littéraires décalées.
On connaît le goût de Thomas Day pour les nouvelles : 7 secondes pour devenir un aigle, le nouveau recueil en grande partie inédit que publie le Bélial', donne à lire six textes préoccupés par les rapports qu'entretiennent nature et humanité, sous la plume d'un auteur dont le talent ne cesse de s'affirmer.
Le Bélial' (encore eux !) offre avec Demain le monde un superbe écrin illustré par Caza au meilleur des nouvelles de Jean-Pierre Andrevon publiées au cours des quarante dernières années. Une belle somme, et un bel objet.
Les éditions Eclipse, hébergées par Panini, travaillent à construire un beau catalogue et publient au mois de Novembre le roman lauréat du World Fantasy Award 2011 : Qui a peur de la mort ?, de Nnedi Okorafor, est un conte fantastique post-apocalyptique surprenant, profondément imprégné de légendes traditionnelles et des réalités de l'Afrique contemporaine.
Concluons cette année avec l'heureuse initiative de Bragelonne, qui publie en un impressionnant pavé l'intégrale des nouvelles d'Arthur C. Clarke : Odyssées, 106 textes et 1130 pages pour rendre hommage à l'un des monstres sacrés de la science-fiction...

Enfin, notons que nous célèbrerons bientôt le premier anniversaire de la collection Dyschroniques, du Passager Clandestin, qui depuis le mois de janvier 2013, propose sous la forme de très jolis petits livres des rééditions de nouvelles empruntées à des auteurs de nationalités et d'époques différentes qui, toutes, ont marqué leur temps. C'est ainsi que l'on peut à nouveau découvrir sur les tables des librairies les noms de Murray Lester, Mack Reynolds, Brian Aldiss, Philippe Curval, Ben Bova, Lino Aldani, Norman Spinrad et Marion Zimmer Bradley. On ne peut que souhaiter longue vie à une telle initiative...
Olivier Legendre