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Les Araignées

Fritz Lang ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2002  -  livre
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Les Araignées

Et pourquoi pas après tout ? Pourquoi le réalisateur de Metropolis, de Liliom, des Contrebandiers de Monfleet, de M le Maudit, du Dr Mabuse et j'en passe aurait-il dû garder l'exclusivité de son génie au 7ème Art ? Alors quelle heureuse nouvelle que les Editions du Rocher se décident à réparer la cruelle injustice de la postérité, pourrait-on se dire, en exhumant de l'oubli ce pur feuilleton d'aventure écrit en 1919 et qui, d'ailleurs, amènera le maître à ses toutes premières mise en scène.

Suivons donc Kay Hoog, inflexible héros des temps modernes dans sa quête de justice et voyons le batailler sans merci contre les sombres visées des Araignées, infâme société secrète aux objectifs finalement assez modestes : le contrôle de l'Asie. Rappelons nous que nous ne sommes guère qu'au début des années 20, et qu'en conséquence l'inflation de l'horrible n'a encore amené aucun méchant de roman à vouloir dominer le monde en entier. Ainsi donc Kay Hoog va parcourir les cinq continents dans sa lutte inlassable contre ses petits artisans du mal. L'homme est un "sportsman" nous informe-t-on, c'est à dire la version diablement tendance du riche dilettante. Comme de juste il pratique nombre de sports, mais se pique aussi d'histoire des civilisations, est invraisemblablement polyglotte, est, évidemment, tireur d'élite. Il est aussi très riche - bien entendu - et en plus la peur "est un sentiment qui lui est étranger". Face à lui la vénéneuse Lio Sha. Belle et tentatrice, riche puisque malhonnête, félonne et cruelle, voire fourbe, et peut-être même un brin chinoise quelque part, ce qui du coup explique tout. Car avant toute chose Les Araignées est le produit de son époque. L'Allemagne des années 20, saignée à blanc par le traité de Versailles, a désespérément besoin de distraction et succombe sans coup férir à la mode de l'exotisme. Aux grandes découvertes archéologiques de l'époque se mêlent les relents de discours colonial, sujet qui a longtemps fâché Outre-Rhin. Ainsi donc allons-nous découvrir au fil des pages des Chinois fourbes et cruels, des Incas sanguinaires et des Noirs qui ne sont guère que de grands enfants. Un coup de vieux qui se ressent bien plus violemment encore du côté des principaux personnages. Si Lio Sha fait une méchante très cliché, Kay Hoog, lui, supporte mal le passage des ans. Presque 90 ans plus tard le surhomme nous fait plus prosaïquement l'effet d'un infatigable connard, imbu de sa personne, inculte, sûr de lui jusqu'à la crétinerie, raciste, macho et condescendant. Bref une tête à claque absolue. Quant au récit, s'il n'est pas dénué d'un certain charme, c'est parce qu'il est assez conforme aux lectures dont les grands maîtres de la SF se sont abreuvés enfants. C'est lapidaire, assez mal construit, la trame est bourrée de trous, les incohérences sont tellement nombreuses qu'on renonce très vite à les compter et pour finir, on apprend dans l'excellente post-face de cette édition, que ses meilleures idées, Lang les a pompées sans vergogne à quelque tâcheron spécialiste du genre.

Soyons clair, Les Araignées ne vaut guère que pour l'anecdote, et c'est d'ailleurs tout à fait dans cet esprit que les Editions du Rocher nous le propose. On se replonge dans un imaginaire de carton pâte et de toîle peinte, tout entier bricolé d'approximation d'exotisme. On en apprend d'ailleurs beaucoup plus à ce sujet en fin d'ouvrage, avec cette superbe post-face signée par Georges Sturm, traducteur et grand spécialiste de Fritz Lang. Il n'est pas non plus inintéressant d'aller voir aux sources même du génie, car souvenons-nous bien que Lang fût - et reste - certainement l'un des plus flamboyants cinéastes du XXème siècle. C'est là ce qu'il convient d'appeler une œuvre de jeunesse, et tout nous le rappelle : la naïveté du style, comme celle du propos, et j'irais même jusqu'à y inclure les archétypes guère reluisants qui parsèment le livre.

Un document, une petite pièce de musée, à lire si le cœur vous en dit, ne serait-ce que pour mesurer à quel point le roman a su muter en presque un siècle.

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