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Les Archipels du Temps

Daniel Sernine ( Auteur), Laurine Spehner (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/11/2005  -  livre
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Les Archipels du Temps



Multi-casquettes de la Belle-Province, auteur dans des genres divers et aussi directeur de collections destinées à la jeunesse, Daniel Sernine est un homme occupé. Raison peut-être pour laquelle il a mis plus de vingt ans à donner une suite à ses Méandres du Temps. En dépit de qualités évidentes, d'un authentique talent et malgré un solide travail de réécriture pour sa récente réédition, cette œuvre de jeunesse n'était pourtant que modérément convaincante.

Les années ont passées et l'on découvre que, l'inflation aidant, c'est un deuxième tome substantiellement plus volumineux qui fait suite aux prémices de l'histoire de Nicolas Dérec, jeune télépathe, qu'on avait laissé alors qu'il quittait la Terre et les siens pour rejoindre l'utopie miniature d'Erymède.

Et l'on est heureux de constater qu'un accroissement significatif du nombre de pages n'est pas le seul symptôme du passage du temps.

C'est un Nicolas Dérec âgé maintenant d'une vingtaine d'années que nous retrouvons. Il vît sur Erymède, cet astéroïde qui abrite les descendants d'une communauté d'élus éclairés, mandatés par une puissance extra-terrestre pour veiller sur les Terriens. Le jeune homme y fréquente l'Institut de Métapsychique, où il apprend à mieux maîtriser son pouvoir. Il sait que très prochainement il va devoir choisir s'il deviendra un métapse, et accepter les implants qui le distingueront du commun des mortels. Mais pour l'heure il profite de ses derniers mois d'insouciance.

Une insouciance qui tombe en cendre le jour le vaisseau qui emmenait Thaïs – sa blonde -, s'abîme aux confins de notre système solaire. Un accident qu'il aurait peut-être pu voir. Anticiper. Et qui va faire voler en éclat ses dernières réticences.

Pendant ce temps, Bril Ghyota et Sing Ha, deux des membres de la mission qui avait finalement ramené Nicolas sur Erymède, semblent déterminées à faire la lumière sur les circonstances de la mort de Maître Karilian. Le métapse, au cours d'une transe, avait entrevu un avenir de feu et de sang pour Erymède et la Terre. Cette vision – connue depuis sous le nom de Prophétie des Lunes - l'avait convaincue au point qu'il initie lui-même l'opération qui les avait tous conduit sur Terre, et au terme de laquelle il s'était donné la mort dans d'étranges circonstances. C'est parce qu'elles veulent comprendre ce qui avait alors amené Karilian à tirer ainsi sa révérence qu'elles prennent contact avec Barry Bruhn, l'ancien amant du télépathe. Ensemble, ils vont décider de rouvrir le dossier, et de se pencher avec un peu plus d'attention sur le cas de ce jeune terrien dont le vieux maître avait recommandé l'exfiltration.

En vingt ans, heureusement pour lui d'ailleurs, Daniel Sernine a pris du métier. Et ça se sent. Très rapidement. Si l'écriture est toujours d'une élégante précision, la composition est d'évidence bien plus tendue, mieux maîtrisée. On sent qu'il dispose, cette fois, de la palette nécessaire à ses ambitions. Une impression qui ne cesse de se confirmer au long des cinq cents et quelques pages des Archipels du Temps. Avec un sens du merveilleux indéniable, Sernine parvient à retranscrire à la perfection l'incroyable densité de son univers. On suit les pérégrinations de ses personnages au cœur d'Erymède. Changeant de décors avec une prodigalité qui ferait baver d'envie n'importe quel émule de Georges Lucas, il ne perd aucune occasion de donner toujours plus de consistance à ses visions. Et pourtant, à aucun moment il ne sacrifie son intrigue. Complexe mais tenue serré, il y joue de l'ellipse au scalpel, ramasse le temps pour ensuite le déployer avec un luxe de moyens qui, jamais, n'entrave la compréhension.

Remarquablement mené, si on fini par se sentir un peu petit devant la démesure affichée par ce roman, jamais Sernine ne nous perd. Habile, il sait nous raccrocher par le bras, sans renier pour autant certaines audaces de structure ou d'écriture. Malgré ses allures de super productions à l'américaine, Les Archipels du Temps sait garder ce qu'il faut d'humilité pour ne pas sombrer dans la grosse machinerie U.S. Le talent de Daniel Sernine, et sa langue concise et raffinée, y sont sans doute pour beaucoup. Avec les pieds dans le bassin de culture francophone et la tête dans les étoiles du Nouveau Monde, sa fiction prend le meilleur des deux pour en faire une synthèse brillante. Vous serez donc assez avisés de pour passer outre l'atroce couverture et ne pas vous contenter d'y voir une expérience simplement exotique, car ce deuxième tome (qui, on l'espère, laisse augurer un troisième aussi réussi), est très certainement l'un des meilleurs Space Opera publié ses dernières années.

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