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Les Imaginales : L'interview de Stéphanie Nicot
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Les Imaginales : L'interview de Stéphanie Nicot

Actusf : Comment as-tu conçu cette édition 2013 ? Quelles sont les envies que tu avais pour cette nouvelle édition ?
Stéphanie Nicot : Cette année, nous avons tenu à nous inscrire dans la tradition de ces douze années : offrir à notre public une centaine d’évènements et cette convivialité qui fait le « petit plus » des Imaginales !

Actusf :
Le programme est encore très riche cette année, comme toujours. Parlons des étrangers. Qu'est-ce qui t'a donné envie d'inviter Andreas Eschbach, Lucius Shepard, Ken Scholes, Alastair Reynolds, Gail Carriger, Kristin Cashore et Alexandra Ivy ?
Stéphanie Nicot : Leur talent ! Tous, à leur façon, sont des pointures de l’imaginaire mondial. Qu’il s’agisse des maîtres de la fantasy anglo-saxonne ou des auteurs européens, c’est ce souffle narratif qui m’a donné envie de les faire rencontrer au public du festival d’Épinal.
Ken Scholes, par exemple, a eu le prix Imaginales 2011 du meilleur roman étranger de fantasy. Dans le cas de Scholes, le vote de notre jury n’a fait que confirmer ma propre lecture : sortie enthousiaste des trois premiers volumes de son cycle, j’ai décroché mon téléphone pour demander à son éditeur français, Bragelonne : « Et si on le faisait venir aux Imaginales ? »
Andreas Eschbach et Alastair Reynolds étaient venus à Epinal, il y a longtemps déjà. Il était bon que notre public, qui s’est beaucoup élargi depuis, puisse à nouveau les rencontrer. Eschbach, son merveilleux premier roman nous a durablement marqués, et une succession de réussites en ont fait un auteur best seller en Allemagne.
 
Actusf : Vous invitez quatre auteurs allemands que l’on a découvert ces dernières années ou que l’on découvre actuellement. L’Allemagne te semble une terre fertile en terme d’Imaginaire ?
Stéphanie Nicot : Le fantastique est né au XIXe siècle, et Hoffman est l’un de ceux qui ont fondé le genre (on connaît moins Ewers et tant d’autres, et on a tort). Il y a donc une longue tradition d’imaginaire en Allemagne (sans parler des légendes, des contes, de l’expressionnisme allemand, au cinéma et en peinture, etc.). L’Allemagne est, historiquement, plus une terre d’imaginaire que la France (chez nous, le rationalisme a longtemps banni l’imaginaire de la culture officielle…). Ce qui a limité la connaissance en France de ces auteurs et de ces œuvres, c’est le manque de pratiquants de la langue de Goethe dans les maisons d’édition française.
Andreas Eschbach a ouvert la voie en publiant Mille milliards de tapis de cheveux, un chef d’œuvre. D’autres ont suivi depuis, comme les trois autres brillants représentants de la fantasy d’outre-Rhin : Nina Blazon, auteure de trois romans jeunesse de grande qualité (dont deux sur les vampires et autres créatures), Kai Meyer (prix Imaginales 2012 en catégorie jeunesse) et Christoph Lode, auteurs de sept romans à succès en Allemagne et dont le premier titre publié en France, Bazerat, le sceptre de Salomon est un roman historique puissant et original, mâtiné de fantasy, qui va en surprendre plus d’un.

Actusf : En terme d’animations, de conférences etc., y aura-t-il des nouveautés cette année ?
Stéphanie Nicot : Nous avons surtout choisi de confirmer nos fondamentaux : offre diversifiée, mélange des genres et des thèmes, découvertes et pointures de l’imaginaire, stars étrangères et maîtres de la fantasy française, rencontres de proximité (petits déjeuners, déjeuners, soirées lectures…) et offre grand public (cafés littéraires, tables rondes, cinéma, expositions, etc.).
La nouveauté, sans conteste, c’est de faire le choix d’un pays invité. L’idée nous trottait dans la tête depuis longtemps. C’est fait !

Actusf : Parle nous des Masterclass avec Lionel Davoust et Jean-Claude Dunyach ? Comment est née l’idée et qu’est-ce que vous avez envie de faire avec ces masterclass ?
Stéphanie Nicot : Nous souhaitons depuis longtemps offrir aux écrivains en herbe un espace de formation et de réflexion ; nous poursuivons donc la démarche de ces deux dernières années. Nous avons cependant, les formateurs et nous, décidé de faire évoluer le cadre. Désormais, nous offrons une masterclass ouverte à tous, sans aucun pré-requis. Chacun y vient pour découvrir l’écriture et l’édition ; c’est clairement une initiation. En revanche, dès 2014, nous mettrons en place un véritable stage de formation à l’écriture professionnelle (nous ferons de nouveau appel à des professionnels des ateliers de type anglo-saxon, comme Élisabeth Vonarburg) ; là, il y aura des pré-requis : avoir publié professionnellement une nouvelle, par exemple, ou avoir participé préalablement à la masterclass. Lionel et Jean-Claude expliqueront ça aux futurs inscrits.

Actusf Comment se fait chaque année la sélection des illustrateurs ? Y aura-t-il une nouvelle fois la fresque réalisée en direct pendant le festival ?
Stéphanie Nicot : Bernard Visse et moi-même y réfléchissons très à l’avance ; et nous avons souvent plusieurs noms en tête, pour l’année en cours, ou les années à venir. Après, Bernard s’investit beaucoup dans le choix de l’affiche : directeur du festival, il estime (à raison !) que l’affiche doit à la fois symboliser le festival et la ville (l’imaginaire de chaque auteur rencontre donc, depuis douze ans, le château d’Épinal !), mais aussi répondre à un cahier des charges assez strict : créer une affiche très grand public, ne pas heurter les familles et les enfants (pas d’horreur, de sexe, de violence, etc.) Ce qui a toute sa place dans un festival ouvert à la diversité (c’est du simple bon sens : on ne lit pas les mêmes textes un samedi à 15 heures sous les Magic Mirrors et un jeudi à 22h30 dans un bar à vins !) ne peut pas construire une image destinée à tous. Là encore, nous mettons l’accent sur l’ouverture, le respect de chacun et la convivialité chères à la Ville d’Épinal et aux Imaginales.

Actusf : Qui est l’artiste choisi pour l’affiche cette année ?
Stéphanie Nicot : Un couple. Installés dans les Vosges. Alexandre Dainche et Magali Villeneuve, sont déjà connus des amateurs éclairés (Alexandre a fait de nombreuse couvertures pour les éditions Griffe d’Encre, par exemple), mais moins des festivaliers, car leur univers, c’était plutôt le jeu vidéo et le cinéma d’animation. J’avais déjà vu leur travail, mais c’est Bernard Visse qui a eu l’idée de les associer pour créer cette affiche magnifique. Signalons à cette occasion que les festivaliers pourront se procurer l’affiche, mais aussi une image d’Épinal spécialement créée par les artistes à cette occasion. À Épinal, la tradition et la modernité, loin de s’opposer, fusionnent en démultipliant les talents.

Actusf : L’une des innovations des Imaginales, ce sont ces petits déjeuners avec les auteurs (et ces déjeuners). Quelle est l’idée ? De permettre un contact direct avec les auteurs ? Et cette année qui doit on contacter ?
Stéphanie Nicot : Il a fallu quelques années pour que la formule s’impose. Aujourd’hui, près de 150 festivaliers rencontrent leurs auteurs préférés autour d’un petit déjeuner traditionnel à la française. Cette formule unique a depuis été reprise par d’autres festivals... Pour nous, c’est le signe que la convivialité propre aux Imaginales se décline entre écrivains et lecteurs dans le partage, la simplicité et la proximité. Les inscriptions sont faites par les divers sites partenaires (dont ActuSF, qui s’est chargé de Lucius Shepard et d’Alastair Reynolds).

Actusf : Pour chaque édition, tu as un “coup de cœur”. Cette année c’est Samantha Bailly. Pourquoi ce choix et quelles sont les qualités de Samantha qui t’ont donné envie de la mettre en avant ?
Stéphanie Nicot : C’est vraiment une rencontre imprévue, avec la découverte un peu tardive de son premier roman. La première partie d’Oraison est parue en 2009, mais je ne l’ai lue qu’à l’automne 2010, juste avant la sélection définitive pour le prix Imaginales des lycéens 2011 (c’est un comité de sélection de quelques professeurs qui se charge de choisir les six romans sélectionnés ; longtemps enseignante moi-même, j’y représente le festival). C’est une collègue de lettres, coordinatrice du “PIL”, qui a insisté pour que je lise l’ouvrage en catastrophe, avant de me prononcer définitivement sur les six ouvrages choisis. Et j’ai adoré la force de cette histoire, la personnalité des personnages principaux, le sens du rythme, la puissance de l’univers. Même s’il y avait dans la sélection d’autres excellents romans, j’ai été ravie que les lycéens lui aient attribué leur prix en 2011. J’ai évidemment lu le tome 2, et invité depuis Samantha aux Imaginales. Même si l’auteure est très jeune, on sent déjà ce qui fait d’elle une authentique écrivaine ; ce qui me frappe le plus chez elle, c’est cette ampleur du récit (il n’y a jamais rien d’étriqué dans ses histoires : c’est son et lumière !), et cette attention portée aux personnages (comme disent nos amis anglo-saxons : characters first !).

Actusf : J’en profite pour évoquer l’anthologie des Coups de cœur des Imaginales que nous avons le bonheur d’éditer chez ActuSF. Elle rassemble dix nouvelles des dix derniers auteurs coups de cœur. Comment s’est fait la sélection des nouvelles ? Qu’allons-nous pouvoir y lire ?
Stéphanie Nicot : Cette anthologie rassemble les dix coups de cœur du festival, de 2004 à 2013. En attendant le prochain volume, qui rassemblera les coups de cœur de 2014 à 2023 (:-)), c’est un très beau palmarès qui s’offre aux lecteurs. À la différence des excellentes anthologies des éditions Mnémos, qui présentent un panorama annuel de la fantasy française d’aujourd’hui autour d’un thème imposé aux auteurs (ce sera Elfes et Assassins cette année), cette anthologie ActuSF est centrée autour d’un patchwork de personnalités très diverses ; j’ai donc décidé de ne pas en faire une anthologie thématique, mais de donner à lire des textes très personnels. J’ai donc dit aux dix auteurs (je les remercie d’avoir tous répondu présents !) que j’attendais d’eux un texte qui leur tienne à cœur (c’est bien le thème de ce projet, les coups de cœur, qu’il s’agisse des miens, devenus ceux du festival ou de ceux de ces écrivains pour des sujets et des thèmes qui leur tiennent particulièrement… à cœur !). J’ai aussi tenu à dire, dans une brève présentation, pourquoi j’ai aimé ces écrivains, et je leur ai demandé, en postface, de préciser pourquoi le sujet qu’ils ont choisi est important pour eux ; en quelque sorte ce qu’ils écrivent, et pourquoi.
 
Actusf : Que représente pour toi cette anthologie ? Un coup d’œil dans le rétroviseur ?
Stéphanie Nicot : Exactement. C’est un regard rétrospectif sur les choix du festival (et on n’a pas à en rougir, loin de là !), sur nos prises de risques parfois. En voyant le sommaire de ce livre, j’éprouve – et je sais que j’exprime ici le sentiment de la Ville d’Épinal, du directeur du festival et de tous nos collaborateurs et amis  – une satisfaction du travail accompli : les Imaginales ont su, depuis leur création, mettre en avant les talents de demain qui sont désormais ceux d’aujourd’hui. Commencer par Thierry Di Rollo était un signe d’exigence (il n’a donc pas été notre premier “coup de cœur” par hasard) et conclure, provisoirement, par Samantha Bailly, une jeune femme de 24 ans tout juste devenue professionnelle, est la preuve que le festival ne se contente pas de suivre les modes, mais qu’il repère les nouveaux talents. En un mot, aux Imaginales, on montre la fantasy d’aujourd’hui et on aide à naître celle de demain.
 
Actusf : As-tu déjà des pistes ou des envies pour l’année 2014 ?
Stéphanie Nicot : Beaucoup, oui. Mais il est évidemment trop tôt pour en parler :-)))
 
Actusf : Quels sont tes projets en perso ?
Stéphanie Nicot : Réussir cette édition 2013 des Imaginales !

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