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Metropolis, l'exposition
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Metropolis, l'exposition

A l'occasion de la sortie d'une nouvelle version restaurée de Metropolis, la Cinémathèque française organise du 19 octobre au 21 janvier 2012 une très intéressant exposition sur ce chef-d'oeuvre de Fritz Lang.
 
Le 10 janvier 1927, Metropolis est projeté pour la première fois à l’UFA Théâtre de Berlin dans sa version originelle, totalisant 153 min.
Tourné en 1925 et 1926 dans la banlieue de Berlin, ce film est celui de toutes les démesures. Les caméras tournèrent 311 jours et 60 nuits ; la scène inaugurale et son recours à une toile peinte nécessite à elle seule 6 jours de tournage.
Les chiffres cités pour ce tournage pharaonique relèvent parfois de la légende.
Certains parlent de 25 000 figurants, d'autres exagèrent le budget : chiffré à 6 millions de marks soit 6 fois plus que le budget prévu, il ne tourne peut-être qu'autour de 3,5 millions.
Peu importe l'exactitude comptable, l'exposition explore l'univers du film et retrace son parcours tumultueux à travers les décennies.
 
Un long-métrage malmené et malchanceux
 
Face au manque d'intérêt du public et aux attaques d'une grande partie de la critique (la presse française se positionne elle en majorité en faveur du film), la Paramount retire la copie d'origine et confie au romancier Channing Pollock le soin de le remonter, d'angliciser les noms des protagonistes. L'oeuvre de Fritz Lang en ressort diminuée, et pas simplement en terme de durée.
Dans les années 70, une lettre de Fritz Lang dénonçant ce sabotage de son film met la puce à l'oreille des cinéphiles du monde entier. Plusieurs chantiers de restauration sont entrepris sous la direction de Enno Patalas, spécialiste reconnu du cinéma allemand.
Malgré ce travail minutieux, de nombreuses minutes figurant sur les pellicules originales semblent perdues à tout jamais.
Ce sont les récriminations de projectionnistes argentins se plaignant de rester le doit collé sur le projecteur plus de 2h qui révèlent une nouvelle piste pour retrouver ces minutes manquantes. En 2008, la piste se confirme.
Sont retrouvées dans les collections du  Museo del Cine de Buenos Aires des copies de ciné club effectuées par un distributeur argentin en 1927. L'état des copies n'est malheureusement pas comparable à celui des bobines archivées par la Paramount mais grâce à cette "sauvegarde" la quasi intégralité du film voulu par Fritz Lang est à nouveau accessible. Ne manquent plus que 3 minutes.
 
Un univers singulier et foisonnant
 
L'exposition est rythmée par 6 séquences qui correspondent à 6 espaces de l'univers bâti par Metropolis. Le début du parcours propose une immersion immédiate dans l'atmosphère du film.
Des panneaux lumineux répartis le long d'un couloir plongé dans l'obscurité éclaire le visiteur sur les délicates opérations mises en oeuvre lors de la restauration du film.
Les documents exposés, pièces du fonds très conséquent sur le film rassemblé par la première conservatrice de la Cinémathèque Française Lotte H. Eisner, donnent à voir la profusion de talents et d'idées rassemblés pour le tournage.
Des dessins inédits pour certains dévoilent la recherche sur les costumes ou même des scènes jamais tournées pour des raisons de coût : une scène prévue dans les appartements des femmes a été ainsi écartée pour raisons budgétaires.
Les extraits du film et les documents qui les entourent mettent en exergue l'ingéniosité du chef opérateur et le génie déployé pour réaliser des effets spéciaux au moment même de la prise de vue.
Un système utilisant deux miroirs dont un renvoyant à une maquette permit d'obtenir des décors très imposants. Ce procédé inspirera Kubrick pour 2001, odysée de l'espace.
Une caméra posée sur une balançoire permit également d'obtenir une double dynamique visuelle, un effet à la fois de tremblement et d'aller-retour.
 
En plus des croquis, des photos et des costumes, le visiteur peut contempler un exemplaire du robot réalisé par Walter Schulze-Mittendorff dans une sorte de résine figée. Matériau qu'il a aussi utilisé pour sculpter les têtes qui incarnent la Mort et les 7 pêchés capitaux.
 
Metropolis semble dérouler à l'infini la thématique du double. Jusque dans les costumes, les ouvriers sont vêtus de noir dans une toile grossière et rugueuse, là où le fils est vêtu de soie immaculé.
Ce symbolisme manichéen a par la suite été renié par le metteur en scène qui l'imputa à la sensibilité trop romantique de sa femme, à qui il reprocha également d'avoir accordé trop d'importance à l'histoire d'amour entre Maria et Freder.
 
La fin de la malédiction
 
Oeuvre quasi-testament du cinéma muet, incarnation très aboutie du cinéma expressioniste, Metropolis est dense de nombreuses influences visuelles. Inspirée par l'architecture avant-gardiste de New York, imprégnée de l'architecture utilitaire du Bahaus, Metropolis était aussi visionnaire quant aux rouages d'une machine qui dévore les hommes réduits à l'état de machine qui l'alimentent.
La fidelité jusqu'auboutiste du contremaitre des machines , la folie furieuse et aveugle de la foule déchaînée, le savant qui sert ses propres ambitions, l'idéalisme à la limite de l'angélisme de Maria : le film explore à la fois l'âme et la comédie humaine.
 
L'exposition, à l'image de la version désormais disponible du film, est tout à la fois attachante et éclairante, révélant toute la richesse et les aspérités du film somme Metropolis.
 
 

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