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Origine

Stephen Baxter ( Auteur), Roland C. Wagner (Traducteur), Sylvie Denis (Traducteur), Alain Brion (Illustrateur de couverture)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/05/2008  -  livre
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Origine

D'un naturel volontiers chafouin, Stephen Baxter rit encore d'avoir clôt sa trilogie exploratoire du paradoxe de Fermi, sur ce titre paradoxal : Origine. Après Temps, et Espace, l'ultime volume des Univers Multiples nous emmène sur un mode radicalement différent, vers une résolution en demi-teinte de cette série majeure de la Hard SF.

À celui à qui l'on reproche si facilement d'avoir un affect de pierre ponce et de réduire ses personnages à de simples contingences scénaristiques, il répond par ce roman uniquement tourné vers l'homme. Dans toute sa multiplicité darwiniste.

Par où t'es rentrée, on t'as pas vue sortir ?

Pour la troisième fois, fidèle au principe des Univers Multiples, Stephen Baxter met en scène Reid Malenfant, son astronaute égotique et borné. Sa femme, Emma Stoney, retrouve cette fois un rôle d'importance dans l'intrigue, elle qui avait été expédiée d'une ligne funeste dans le précédent volume.

C'est alors qu'ils survolent la savane africaine à bord d'un jet de la marine sud-africaine, qu'un message leur parvient, leur demandant de se dérouter vers la Tanzanie où un étrange phénomène vient d'apparaître dans le ciel. Un disque bleu s'y découpe, comme suspendu au dessus du veldt, et se met soudain à dégorger un flot presque continu d'humanoïdes qui viennent s'écraser tout bas, sur le sol de latérite. Malenfant et Emma arrivent sur les lieux en même temps que plusieurs chasseurs de l'Armée de l'Air  tanzanienne, et ce au moment  où un petit avion de tourisme dispairaît corps et biens de l'autre côté du disque.

Déterminé à ramener les observations les plus poussées, le vieil astronaute de la NASA prend le risque de s'approcher à son tour. Trop prêt sans doute, puisque son avion, pris dans les turbulences occasionnées par le phénomène, décroche, obligeant ses passagers à s'éjecter. Mais pour Emma, l'atterrissage ne se fera pas sur le sol africain. Éjectée quelques secondes avant son mari, elle est aspirée, elle aussi, de l'autre côté.

À ses côtés, sur cette terre étrangère où elle va reprendre conscience, un groupe d'humanoïdes nus, venus tout droit du lointain passé de l'Homme. Des homo erectus. Et dans le ciel, flottant sur une lointaine orbite, le globe bleu et familier de la planète Terre.

Dès lors, dansant sur une ligne ténue marquant la frontière entre la culpabilité et la quête de lui-même, Reid Malenfant mettra tout en œuvre pour sauver sa femme qui, de son côté, connaîtra sur sur cette nouvelle lune des fortunes diverses.

Les naufragés de la Lune Rouge

D'emblée, Origine étonne, et détone du reste de la trilogie. À mi-chemin entre Le Guerrier de Mars et Le Monde perdu, Stephen Baxter s'y réfère presque ouvertement à une science fiction d'un autre âge. Le pape de la Hard SF, se tourne vers le passé, et tente la collusion de genres improbable entre la candeur des grands anciens de l'Imaginaire d'aventure anglais et une rigueur scientifique dont il s'est fait une spécialité. Le cocktail est exotique et explique peut-être pourquoi ce troisième tome est réputé le plus faible de la série. Il n'est pourtant dénué ni de charme, ni d'intérêt, car le défi que Baxter s'est imposé est à la mesure du talent dont on le sait capable. Lui qui nous a habitué aux frissons du vertige des éons et des forces titanesques qui président aux destinées des univers, tente de le susciter à nouveau avec pour seul matériau, l'Homme.

En nous confrontant au passé de notre espèce, il entame une mise en abyme sur notre nature profonde et sur ce qui fait notre unicité. Une unicité toute relative qui allume, enfin, une lueur d'espoir au terme de cette trilogie à la déprimante lucidité, même si c'est encore face à nos responsabilités qu'il nous place. Grâce à un jeu assez simple de poupées russes, accentué par cette mise en forme en courts chapitres, Baxter décale avec un bonheur inégal les visions successives des protagonistes, pour élargir la nôtre. Procédé si classique qu'il en est presque décevant sous la plume de ce trappiste de science fiction.

Et s'il déçoit, c'est peut-être parce qu'à trop vouloir se concentrer sur ce matériau humain qu'il maîtrise par ailleurs si mal, il en oublie de ramener son propos au centre du roman. S'ensuit donc logiquement, une embarrassante impression que Stephen Baxter enfonce des portes ouvertes, en nous rappelant (parfois crûment) l'animalité de nos origines. D'autant qu'il ne le fait guère que pour souligner plus encore l'incroyable concours de circonstance qui a présidé à l'apparition de la vie sur Terre. Autant de choses assénées avec autrement plus de panache dans les deux précédents tomes.

Les animaux dénaturés

Mais si de ce point de vue Baxter loupe le coche, Origine a pour lui l'attrait de la forme. Le jeu de références intelligemment déployé, conjugués à une écriture que la sécheresse de style de l'auteur rend nerveuse, va plonger le lecteur dans un univers brutal. Nulle gratuité dans ce tableau des premiers âges de l'Homme, mais la simple observation, comme toujours clinique chez Baxter, de l'acte de prédation, indissociable de la vie. Il en résulte une étrange fascination, parfois presque morbide, qui sous-tend toute la lecture. Et s'il rate le vertige de la pensée, le pape de la Hard SF parvient très bien à faire résonner en nous la note du doute. Doute sur nos motivations, nos pulsions, notre rapport à la mort et à la violence.

C'est donc par le petit bout de la lorgnette que se termine ce panorama du paradoxe de Fermi. Sans réponses défintives (on s'en doutait), mais sur la conviction intîme de l'auteur que nous devons nous préserver de nous même à tout prix. Une conclusion, au fond, trois fois répétée, mais l'insistance du plaidoyer se justifie par l'obstination des destinataires du message à ne pas l'entendre.

La trilogie des Univers multiples est l'une des séries majeures du genre. Sinon fondatrice, du moins cruciale à sa compréhension, et faisant office d'état des lieux de la science fiction contemporaine. Et tant qu'il y aura des auteurs pour produire des romans comme ceux-ci, toute interrogation sur la mort programmé et annoncée du genre est tout simplement hors de propos.

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