En 1983, Enki Bilal et Pierre Christin ont déjà un beau parcours ensemble en Bande Dessinée. Ils ont signé déjà quatre albums : La Croisière des oubliés, Le Vaisseau de Pierre, La Ville qui n'existait pas et Les Phalanges de l'ordre noir. Seul changement, si les quatre premiers étaient sortis coup sur coup, quatre ans séparent Les Phalanges de Partie de chasse. Quatre ans durant lesquels ils n'ont pas chômé chacun de leur côté. Bilal par exemple a signé pendant cette période La Foire aux Immortels et Exterminateur 17 (avec Jean-Pierre Dionnet). Au moment de la sortie de Partie de Chasse, les deux hommes ont gagné leurs galons en BD réaliste avec Les Phalanges de l'ordre noir.

Les copains d'abord…

Alors que l'hiver est bel et bien là, la Sibérie accueille une drôle de réunion. Une dizaine de grands pontes du parti communiste, qu'ils soient d'URSS ou des pays de l'EST, se rassemblent pour se consacrer quelques jours à la chasse. Leur lien à tous : Vassili Alexandrovitch, un vieil homme qui est frappé d'une paralysie faciale et dont le visage est fermé sur la même expression. Entre eux les souvenirs plus ou moins glorieux de l'histoire du communisme affleurent dans les discussions, leurs espoirs, leurs déceptions et les libertés qu'ils prennent aujourd'hui avec le régime. Mais entre eux se jouent également l'avenir…

Nouvelle baffe.

Comme pour les Phalanges de l'ordre noir, nous sommes ici dans la BD réaliste. Bilal et Christin nous offrent un travail remarquable de précision et une intrigue qui nous prend par surprise au moment même ou les choses semblaient traîner un peu en longueur, engluées dans les souvenirs de ces anciens combattants. Voici une œuvre dense qui demande que l'on prenne son temps pour la lire. A cause de sa taille (presque 90 pages) mais aussi de tout ce qu'elle comporte. Nos deux compères se sont penchés avec habileté sur le communisme et les hommes qui l'ont fait. Des hommes qui en 1983 prennent des libertés avec leur idéologie de départ. On sent bien les doutes qui les assaillent. On voit bien qu'ils n'ont pas que des souvenirs glorieux pour le parti. Déjà Bilal et Christin nous montrent un communisme qui bat de l'aile ou tout du moins qui se pose de sérieuses questions sur sa pertinence, 66 ans après la révolution. A noter pour ceux qui ont les dernières éditions de Partie de Chasse, l'ajout d'un épilogue sur le devenir des différents protagonistes en 1990, lui aussi remarquable.