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Résonances

Pierre Bordage ( Auteur), Sparth (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 02/09/2015  -  livre
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Résonances

Cochez les cases

Sohinn est pilote de chasse. Attaché à la flotte de défense d'un important astroport, il passe ses journées à détruire des créatures fantomatiques, brûlantes et dangereuses : les dragons, qui menacent quotidiennement l'installation. Il est beau, ténébreux, mystérieux, viril et difficile d'accès. Il subit l'amitié envahissante du beauf de service, La Perche, qui est fort laid, lâche des cochonneries d'adolescent à chaque réplique, et fait une consommation soutenue de prostituées portuaires. Jusqu'ici, tout va bien, on se dirige pépère vers un petit Marc Lévy de l'espace, ma foi pourquoi pas...

QUAND SOUDAIN, Sohinn, qui en plus de plaire à toutes les dames, est doué de prescience, croise le regard enflammé d'une princesse moyen-orienta... pardon, d'une parale, la très jeune, très belle et très innocente Eloya. Instantanément, le bel étalon entrevoit une destinée incroyable en même temps qu'il est transpercé par les yeux profonds et inexpressifs, pardon encore, mystérieux, de la virginale apparition (années 2010 obligent, la virginale apparition est quand même hyper sexy, a un corps parfait, etc.).

Mais voilà : Eloya est prisonnière de son clan salafist... autant pour moi ! Je voulais dire : de son clan salahamite, un peuple fanatiquement soumis à Sahourah, une divinité terrifiante, à laquelle il entend sacrifier la pauvre petite. Pour rencontrer cette divinité, ils ont entrepris un long voyage interstellaire, raison pour laquelle ils se retrouvent à l'astroport protégé par Sohinn. Et comme, en plus d'être terrifiant, le vilain dieu a des idées très arrêtées sur les mœurs, sa promise devra passer sa vie entière entièrement voilée sous une burq... décidément ! un paral (qui cache la parale, si vous avez bien suivi).

N'écoutant que son courage (et deux siècles d'emphase romantique littéraire), Sohinn entame la poursuite de sa bien-aimée à travers les astres. Il y aura pirates, batailles spatiales, affrontements homériques, et plein de personnages-fonctions de l'épopée space op (le marchand-diplomate-escroc-mais-finalement-gentil, le chef-pirate-fin-et-sournois, les-jeunes-femmes-hypnotisées-par-le-héros qui l'aident dans sa quête d'amour avec une tendre jalousie, les sectateurs-no-name-à-dérouiller-par-dizaines...).

Et s'il n'y avait que les clichés !

Mélanger, réchauffer et servir de vieilles sauces orientalistes, romantiques et chevaleresques, si encore ce n'était que ça, à la rigueur, pourquoi pas. Il y a chez certains grands écrivains de science-fiction une manière d'aller au fond de l'archétype pour en extraire une vérité, une puissance évocatrice indéniable. Je pense à Ursula le Guin par exemple (Sahourah l'ait en sa sainte garde), qui pompait allègrement dans toutes les mythologies possibles.

Le problème, c'est le style. La science-fiction, c'est bien connu, c'est pour les ados, les jeunes adultes à la rigueur. Après tout ces gens-là n'ont pas lu grand-chose, répugnent à lire en général, et surtout ne veulent pas qu'on leur explique quoi que ce soit. Alors de tout le roman (plus de cinq cents pages!), on ne saura pratiquement rien des tourments intérieurs des personnages, SAUF par la voie sacrée du dialogue ampoulé:

"Je savais que ton histoire d'hier soir était foireuse, que tu ne cherchais pas ces mecs pour causer mécanique, a repris La Perche. Nom de Dieu, me dis pas que... tu voles sur les traces de cette Salahamite ?

- Sans doute que je te parais dingue, mais je dois accomplir mon destin.

- C'est vrai : t'es un Erwack, t'as des putains de visions, des précognitions, et tu crois à toutes ces conneries comme le destin. Juste au moment où tu allais pouvoir te la couler douce et mettre un peu de fric de côté pour repartir chez toi."

Et n'hésitez pas à forcer sur les mots lestes, ça fait rire l'adolescent et ça caractérise l'ami-beauf-au-grand-cœur. Par contre, si vous ne cultivez pas un goût malsain pour le western nanar, il y a toutes les chances pour que les personnages vous apparaissent pour ce qu'ils sont : des sacs à vent.

POURQUOI ?

Grande question. Que cherchent-ils à nous dire, les personnages de Pierre Bordage ? Plus on progresse dans le récit, plus on déprime. Il semble n'y avoir là qu'une très classique et très contemporaine peur du fanatisme religieux, un jeunisme romantique à la limite du touchant et deux-trois leçons de morale moderne (ai-je besoin de signaler qu'aucun personnage féminin n'est négatif, que d'ailleurs elles serviront TOUTES à la quête du héros, et qu'à l'inverse, les méchants ou semi-méchants sont alternativement riches, laids, croyants et parfois les trois en même temps ?).

De temps en temps, on se reprend à espérer. Parfois, l'auteur s'attarde sur tel ou tel personnage secondaire, et semble culpabiliser à son égard. À l'occasion d'une fusillade, la belle Eloya pose un regard mêlé d'horreur et de remords sur un des fanatiques chargés de sa protection. Tous ces frères, tous ces cousins, ce père même qu'elle connaît à peine et qui sont les barreaux de sa cage... Le temps d'un paragraphe, l'auteur donne des signes d'empathie.

Comme quoi, c'était possible.

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