A la barre de cet OFNI (œuvre flottante non identifiée), les commandants Calvo et Colin se relaient. Et pour cette traversée spéciale, ils ont confié le sextant crayon à Arnaud Cremet. Et l’étrange vaisseau bat pavillon Moutons Electriques, étendard que l’on voit se hisser avec grand plaisir dans les récifs et autres calanques de l’imaginaire.
« Sunk est une île (…) Sunk coule, Sunk a toujours coulé »
Pour enrayer ce processus, le Maire envoie les hommes du Village au-delà de la Grande Barrière de Nuages afin de découvrir ce qui s’y trouve et demander de l’aide. Arnaud et son frère Sébastien s’enrôlent et rencontrent leurs compagnons de quête : Médée et sa lance Médée plus affûtée que son esprit, Bien Bien le schizophrène, Elvis le nain conforme au cliché dans tous ses aspects, Bord l’armure au langage télégraphique, Pross l’intello prétentieux de service et une Taupe que Sébastien recueille dans sa poche et baptise Gadd.
Avec une équipe pareille, aucune assurance d’atteindre le but… surtout qu’ils leur manquent un magicien… Et si Sébastien avait des dons pour la magie ? Et s’il n’y avait pas de but ?
Qu’importe pourvu qu’il reste du Picon bière… et un trait d’amour pour le noyer…
Plaisir à bâbord comme à tribord
A la façon d’un Tim Burton, Arnaud Cremet pervertit les clichés d’un monde lisse. Certains de ses personnages ressemblent de loin à Chapi Chapo et autres icônes de la cucuterie mais un détail à la Topor introduit la monstruosité. Le récit sous ses airs parodiques (mais le pastiche ici se fait politesse du désespoir) distille d’insinueuses interrogations, surfe sur les doutes existentiels.
Avec des si, on mettrait Is à l’envers
Etes-vous prêt à plonger dans l’absurde ? A vous faire ballotter dans les remous que Calvo et Colin ont provoqués en recombinant à leur manière les tectoniques un peu éculées de la fantasy…A boire des tasses amères qui vous aideront pas à faire passer la pilule ? A suivre un personnage qui joue les cyniques voire les désabusés parce que la vie a pas de sens comme dans les livres qu’il a lus et qui au moment de vous quitter vous supplie de pas vous en aller ? C’est que le bougre, en plus de vous apitoyer, il parviendrait à vous faire suffoquer avec sa tirade finale, interminable et pas ponctuée…
Si vous avez répondu oui, alors embarquez-vous. Ici ni pince-mi, ni pince-moi, la croisière ne s’amuse pas, mais le lecteur ne se demande jamais que diable est-il venu faire dans cette galère, il souque et resouque, et plus ferme que ça moussaillon, sinon pas de Picon !