Au programme du nouveau label « Bad Wolf » chez ActuSF, deux romans français fort différents. J’ai cru comprendre qu’un jeu de pistes était censé les relier, mais je n’ai pas idée du fin mot de l’énigme !
Isabelle Bauthian, Anasterry, ActuSF

Le roman commence formidablement bien : quelques scènes fortes (l’ouverture notamment), un magnifique personnage, celui de Thelban, meilleur ami du héros et héritier d’un encombrante famille, génial commerçant, manipulateur aussi ambigu que séduisant, et une construction narrative maligne qui fait alterner le présent de la visite à Anasterry avec le passé de Renaldo et Thelban, nous permettant de progressivement mieux les connaitre tout en suivant leur enquête dans les dessous de ce modèle politique en apparence idéal – en l’occurrence, le secret qui se cache dans les marais interdits où le frère de Cal, l’héroïque Lendry, a trouvé la mort. Problème, l’intrigue s’enlise ensuite un peu, la faute aux marais sans doute, ou à cette même structure qui oblige à toujours attendre la progression de la ligne principale et finit par donner un sentiment de surplace. Les enjeux politiques, manifestement centraux pour l’auteur – sur la part de l’idéal et celle du mensonge, en gros : ce qu’il faut taire pour préserver l’idéal – se brouillent aussi en route. Restent une plume au talent indéniable, à découvrir, et surtout une subtilité dans le dessin psychologique des personnages qu’on rencontre trop rarement en fantasy.
Le Souper des maléfices de Christophe Arleston, ActuSF
Ambiance radicalement différente, quoique très plaisante également, avec Le Souper des Maléfices de Christophe Arleston, le fameux scénariste des séries de BD à succès situées dans le monde de Troy. Il passe ici au roman avec son humour habituel (on aime ou pas, j’aime bien), son art de croquer des silhouettes et ici un message, sur la magie d’une gastronomie à préserver.
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Pour le coup le message est clair, peut-être un peu trop d’ailleurs : contre la monoculture, les semences stérilisées ruinant les paysans et les appétits, contre un certain « On’shanto »… et pour les délices de la diversité écologique et alimentaire, les plaisirs du palais, ici littéralement magiques – bonne idée qui m’a rappelé une tentative un peu similaire, autour du tour d’hexagone d’une naine cuisinière, dans Le Festin d’Ohmelle d’Audrey Françaix (éditions Octobre). De la même façon, si j’ai vu venir d’assez loin l’identité du coupable, l’intrigue m’a tout de même réservé quelques bonnes surprises, et surtout de vrais rires et sourires, grâce aux déguisements futés de Zéphirelle et à la ténacité bourrue de son maître d’armes, Gunfron, un sacré personnage.
Les Dragons de Ter. 1. La Horde de Chris D’Lacey, trad. Blandine Longre (Hachette Jeunesse)

Le roman, assez court, avance vite, tout en multipliant les énigmes et en posant les bases de ce qu’il y a à savoir sur les deux sociétés, humaine et « dragonesque ». Du coup, tout cela est un peu rapide, schématique, et donne une impression de survol, alors qu’on s’attendrait à en apprendre davantage sur un certain nombre d’éléments, qui disparaissent à peine apparus. Certes, d’autres volumes sont à venir, mais ils promettent plutôt d’explorer encore de nouvelles directions. Ce bon petit roman « standard » peut donc servir de porte d’entrée à un jeune lecteur découvrant la fantasy (même si dans le genre, les dragons de Tui T. Sutherland, chez Gallimard Jeunesse, sont plus recommandables), mais il apparaîtra vite trop standardisé pour un public un peu plus connaisseur ou exigent.