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Une Invasion martienne

Paul J. McAuley ( Auteur), Bernard Sigaud (Traducteur), Getty Images (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2008  -  livre
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Une Invasion martienne

À force de sarcasmes soigneusement calibrés et de lobbying forcené sur les forums, aurions-nous (le "nous" est ici à prendre au sens le plus communautaire) enfin réussi à avoir la peau de Jackie Paternoster ? Toujours est-il que c'est sous une couverture luxueuse et d'une inhabituelle sobriété que Paul J.McAuley revient au programme d'Ailleurs et Demain, un an à peine après la sortie de Glyphes. L'autre surprise, est que ce retour s'opère avec un roman qui lui est bien antérieur, puisque The Secret of Life est sorti en 2001 en Grande-Bretagne. Un insolite destin éditorial qui s'explique par l'actualité de l'exploration martienne et le coup de sonde commercial d'une nouvelle charte graphique très réussie. Bonne pioche donc pour cette nouvelle sortie hexagonale d'un des auteurs qui a su s'imposer, ces dernières années, comme un grand de la SF mondiale.

Planète rouge

Mariella Anders est un personnage de marginal comme les affectionne Paul J.McAuley. Brillante biochimiste, elle est une insatiable curieuse qui s'interdit la spécialisation à outrance tout en se contraignant à l'excellence tous azimut. Sa carrière est pourtant dans une impasse lorsque la NASA, l'invite à rejoindre l'expédition qu'elle va envoyer sur Mars.

C'est une mission surprise, programmée de justesse pour espionner les travaux des astronautes chinois. Ces derniers sont revenus de Mars à peine un an auparavant, niant avoir trouvé des formes de vie sur notre plus proche voisine, mais quelques mois seulement après leur retour, une étrange et fort tenace nappe d'origine organique s'est mise à croitre à la surface du Pacifique, au point de mettre en péril tout l'écosystème marin. C'est dans ce contexte nébuleux que l'Union Démocratique Chinoise décide d'envoyer une seconde expédition, qui ne va pas manquer d'éveiller la curiosité inquiète de la NASA et de l'un de ses généreux bailleurs de fonds, la société d'ingéniérie génétique Cytex.

Désobéissant aux consignes de Cytex qui a la main mise économique et politique sur le projet, Mariella réussit à étudier la nappe d'assez prêt pour acquérir la conviction qu'elle est, en partie du moins, d'origine extra-terrestre. En partie car en dépit des ses propriétés uniques,  elle semble entretenir avec l'ADN humain de troublantes similitudes.

Planète bleue

Paul J.McAuley se souvient avec Une invasion martienne, de son long passé de biologiste et de botaniste. De tous ses romans, c'est celui qui lorgne le plus évidemment vers la Hard SF. Ce n'est pas forcément là qu'on attend un auteur qui est, par ailleurs, plutôt réputé pour la belle humanité de ses personnages. Du coup, une certaine dichotomie s'opère. Comme l'impression de lire deux livres en un. Un fix-up en trois rounds.

Dans ce strict découpage en trois actes, celui consacré à l'exploration martienne tranche singulièrement. Au point qu'on pourrait le croire écrit par un Stephen Baxter de passage. Et bien que crucial pour l'intrigue, on s'en doute, c'est très clairement le ventre mou du roman. De l'évocation de la désolation à l'ennui, il n'y a qu'un pas, que McAuley parvient  à ne pas franchir tout à fait, mais de justesse. Dommage, car par ailleurs, ce roman écrit trois ans avant Les Diables blancs reste de fort bonne tenue.

Comme dans ce dernier, McAuley y affiche une prédilection marquée pour cette écriture au présent – presque cinématographique – et qui accroche au fil des pages cette immédiateté parfois une peu contrainte qui fait sa marque. Une invasion martienne s'y rattache aussi par la thématique des biotechnologies et de leur usage. Et là, McAuley convainc. L'avenir qu'il nous dépeint, sur cette terre que la surconsommation à mise à genoux, a la même vraisemblance glaçante que cette roulette russe bio-tech qui mène l'Afrique des Diable Blancs sur la ligne de faille d'un chaos à peine contrôlé. Une invasion martienne est aussi, et avant tout, le roman d'un état d'urgence. L'homme n'y a plus d'autre alternative que celle de maîtriser son impact sur l'environnement. Et c'est par le biais d'un modèle de communautés marginales, collection exhaustive de freaks, qu'il expérimente un modèle social, peut-être salutaire, mais qui paye le prix fort de l'inconséquence de ceux qui sont du bon côté de la balance économique.

Planète à vendre

Et c'est là, un autre aspect étonnant de ce roman qui s'attache tout du long au thème du salut, mais refuse d'aller vers la rédemption. Tout à l'honneur de Paul J. McAuley, d'ailleurs, qui ne verse pas dans la facilité, en ne s'offrant pas de solutions miracles ni de vérités suprêmes. Après un périple de 450 pages, nous refermons le livre, peu ou prou avec les mêmes questions que celles que nous nous posions à peine sa lecture entamée. La Terre est toujours la proie des avidités marchandes entretenues par l'illusion d'une prospérité sans limite. L'usage d'un grand pouvoir, reste toujours compromis par l'improbabilité de rencontrer une grande sagesse chez ceux qui sont sensé en faire usage. Tel pourrait être le message d'Une invasion martienne. Simple et de bon aloi, si McAuley ne se gardait de la schématisation. Avec le personnage de Mariella Anders, qui rejète, certes,  toutes formes de compromissions, mais aussi refuse de prendre la mesure exacte de ses découvertes, il place une pierre dans le jardin des scientifiques, qu'il fustige tout autant pour leur inconséquence aveuglement candide, qu'il épingle les politiciens pour leur cupidité.

Alors même si l'exercice manque parfois de maîtrise, McAuley fait partie de ces auteurs dont on décèle sans peine la trace ascendante d'un talent qui ne va que s'affirmant. Bien meilleur que Fééries, un rien moins brillant que Les Diables blancs qu'il précède, Une invasion martienne confirme, a posteriori, que Paul J.McAuley est un auteur qu'il faut suivre, impérativement.

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