De l’autre côté du miroir fêlé
Verbo
Sara, jeune fille de 15 ans, est en rupture avec son entourage. Son père, accaparé par son travail, ne l’écoute pas. Sa mère, harassée elle aussi par son travail, a du mal malgré sa bonne volonté à la comprendre et s’inquiète de son manque de lucidité et de réalisme. Son professeur de lettres est exaspéré par son comportement. Ses camarades se moquent d’elle.
Elle a l’impression que seul Lyrico, un artiste urbain qui réalise des fresques murales poétiques, est en phase avec ses émotions et ses aspirations.
Quand l’entreprise de son père détruit la vielle bâtisse qu’elle avait identifiée comme le repère de Lyrico, Sara sent s’écrouler son fragile équilibre. La tentation du suicide devient plus prégnante.
Sara bascule alors dans un monde imaginaire où, escortée par Lyrico et trois autres personnages, elle doit surmonter trois épreuves pour vivre.
Elle doit affronter sa part d’ombre, changer ses relations avec ses parents et imposer à elle-même et aux autres qui elle est vraiment.
Premier long-métrage de Eduardo Chapero-Jackson, Verbo suit le parcours intérieur de son héroïne et ses dérives dans la ville.
De nombreuses séquences jouent sur les reflets, des vitres d’un bus à la glace dans laquelle Sara s’observe en ayant du mal à se reconnaître.
Pour avancer, Sara doit passer de l’autre côté du miroir.
Le metteur en scène fait basculer la narration dans le cinéma d’animation quand l’héroïne doit évoluer dans l’imaginaire.
Ses avancées sont jalonnées par sa découverte progressive du texte de Don Quichotte.
L’esthétique oscille entre les arts urbains (graffitis et rap) et les comics et le cinéma de SF, Matrix en tête.
Ce portrait d’une héroïne à vif brillamment interprété par une actrice non professionnelle ravive nos questionnements et nos positionnements d’adolescent. La force qu’elle puisse dans ce seuil initiatique est rendu vivement tant dans les images que dans le rythme de la seconde partie du film.
L’affrontement entre Sara et son double le visage tuméfié et hérissé d’éclats de verre est particulièrement impressionnant.
Verbo incite à s’affirmer, à se construire dans les mots et dans l’action.
Une première œuvre percutante et émouvante d’un jeune réalisateur à suivre.
Nathalie Ruas