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Visages volés

Michael Bishop ( Auteur), Benjamin Carré (Illustrateur de couverture), Thibaud Eliroff (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 31/10/2005  -  livre
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Visages volés

Michael Bishop n'avait pas connu les joies de la traduction depuis 1997 et son fameux Requiem pour Philip K.Dick, et là, coup sur coup, on le voit resurgir d'une part dans Les Continents Perdus avec sa formidable novella Apartheid, Supercordes et Mordecai Thubana, et chez Folio SF avec cet inédit de 1977, Visages volés. Un court roman mais qui, par son rythme et sa structure, tient plus de la très longue novella.

Ecrivain original, et étonnamment peu prolifique, on s'était habitué chez lui à plus d'originalité. Il est vrai aussi que ce Visages volés, fût son tout premier roman. Et ça se sent.

L'ombre de Robert Silverberg et de ses Profondeurs de la Terre s'étend nettement derrière Lucian Yeardance, Kommissar muté pour insubordination sur le monde de Tezcatl. Pour le plus vif déplaisir de ses habitants, cette planète coloniale en pleine expansion est moins connue pour ses ressources minières que pour le triste privilège d'héberger la dernier muphormosarium. Aujourd'hui éradiquée, la muphormose est une maladie s'apparentant à la lèpre, mais qui en diffère par la très haute mutabilité de son bacille, qui a ainsi généré de nombreuses souches immunorésistantes.

Coupable d'insubordination, Lucian Yeardance, navigateur galactique et nullement médecin, est nommé pour administrer ce lazaret en décomposition. Son mandat durera deux ans, durant lesquels il aura tout le loisir de s'interroger sur les raisons qui lui auront valu cette promotion, et tout le temps pour s'amender comme il se doit. Car de lui, on n'attend qu'une passivité complice à l'égard des épaves qui peuplent la zone de quarantaine. Défigurés par la maladie, inaptes à toute réinsertion et cristallisant sur eux tout le ressentiment de la population de Tezcatl, les malades qui vivent dans l'Enclos semblent avoir renoncé à leur humanité pour se créer leur propre échelle descendante de valeurs. Déterminé néanmoins à rendre son séjour utile, Yeardance ne tarde pas à découvrir que plus aucun de ses "administrés" n'est atteint de la muphormose. Il apprend aussi que le gouverneur colonial est depuis longtemps au courant, mais qu'il n'a rien fait, et que surtout, il ne fera rien.

C'est à cet instant que Lucian Yeardance va trouver un sens à sa nomination sur Tezcatl.

Bien que la quatrième de couv' nous resserve en référence à tout faire le très commode Au cœur de ténèbres qui va finir par faire mourir Joseph Conrad à nouveau, mais d'épuisement cette fois, c'est nettement à Silverberg que Bishop débutant paye tribut. Cette quête toute intérieure qui se matérialise dans la confrontation avec l'Autre, avec celui que nous ne comprenons pas, est particulièrement symptomatique de l'œuvre du Big Bob. En conséquence, et en dépit des efforts opiniâtres de Michael Bishop pour créer un univers original, on ne peut se départir d'une impression de déjà lu. Trop sommairement évoqué son background socio-économique (d'une importance pourtant cruciale) ne convainc qu'à moitié. D'autant qu'à trop vouloir alléger son exposition, il s'embourbe dans un argot qui oscille entre la faucille et le marteau, sans jamais nous le justifier de manière satisfaisante. Ne nous reste guère que le chemin de Damas de Lucian Yeardance, qui là encore, n'est pas tout à fait assez convaincant pour nous laisser un souvenir impérissable. Trop attendu, convenu et hâtif. Encore que sur ce dernier point, moins de précipitation eu sans doute été fatal à l'intérêt timide que Michael Bishop parvient pourtant à entretenir.

Au final, de cette sortie sans risque ni réel enjeu, on retiendra surtout le sérieux de cette première traduction de Thibaud Eliroff, qui ajoute une corde à son arc de directeur de la collection Folio SF, et surtout le formidable travail de Benjamin Carré qui signe ici, encore une fois, une magnifique couverture.

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