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La Maison d’ailleurs donne la parole aux jeunes chercheurs - Novembre 2013
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La Maison d’ailleurs donne la parole aux jeunes chercheurs - Novembre 2013

 
 
Rien que cette année (2013) ce sont une dizaine de films de super héros qui sont sortis ou sont sur le point de sortir dans les salles obscures : Thor : The Dark World, Man of Steel, Iron Man 3, The Wolverine, Kick Ass 2… Qu'est-ce qui, chez ces super héros, attire tellement le public, au point que les reboots s’enchaînent et se suivent au fil des années ? 
 
La réponse se trouve peut-être du côté de l’exposition qui aura lieu du 23 mars au 21 septembre 2014 à la Maison d’Ailleurs à Yverdon-les-Bains. En effet, en plus de retracer l’évolution chronologique des comic books et de leurs super héros dans la littérature jusque dans la musique – en passant, bien sûr, par les pulps, les films et les bandes dessinées – le musée laisse aussi le champ libre à plusieurs artistes qui interrogent le motif du super héros au travers de leurs œuvres. Ainsi, Audrey Piguet, une jeune photographe vaudoise qui viendra bientôt suspendre sur les murs de la Maison d’Ailleurs sa série intitulée « La chute du héros ». 
 
C’est avec un grand respect – c’est elle-même qui le dit – que la jeune femme a souhaité mettre en scène ces figures qui hantent notre imaginaire collectif. Et en effet, ses photos sont à la foi intimistes et troublantes par leur façon de représenter nos idoles favorites dans des pauses et des états d’esprit qui découvrent leurs faiblesses psychologiques et leurs états émotionnels. Un Superman esseulé et amoindri, une Catwoman en larmes, une Wonder Woman âgée… Telles sont quelques-uns des portraits qui s’alignent sous nos yeux. Leur obscurité et leur simplicité sont une invitation à l’interrogation : Pourquoi Mjöllnir, le célèbre marteau de Thor, se trouve-t-il seul et fendu par le centre devant une bâtisse en ruine ? Cela implique-t-il que son possesseur n’est plus ? Et qu’en est-il alors du royaume d’Asgard ? Ou bien serait-ce plutôt une façon de montrer que même les mythes – comme toutes les œuvres nées des mains ou de l’imagination humaine – sont voués à s’affaiblir et disparaître… 
 
Quoi qu’il en soit la représentation que propose Audrey Piguet de nos héros tend avant tout à en montrer la réalité. Car si ces personnages ne sont pas de chair et de sang, ils servent pourtant à explorer des émotions et des problématiques proches de celles que nous vivons nous aussi. Ainsi de Spiderman et de sa métamorphose d’ado boutonneux en rédempteur séducteur : n’y aurait-il pas là comme un écho à ce changement drastique que nous avons subi nous même en grandissant ? Les peines de cœur du jeune homme nous sont-elles totalement étrangères? 
 
Mais, plus fort encore, c’est peut être la façon dont des personnages d’apparence si surfaite (pensez aux costumes bigarrés et aux répliques parfois clichées) peuvent, sous les plumes de scénaristes talentueux tels que Frank Miller et Alan Moore ou encore devant l’objectif d’une photographe de talent comme Audrey Piguet, servir à interroger les valeurs et l’ordre même de nos sociétés. Wonder Woman était dans les années 1980 une figure féministe qui permettait enfin d’incarner la force et la féminité réunies en un seul corps. Ainsi, la montrer vieillissante revient à demander si réellement nous avons fait les bons choix : la libération sexuelle qui nous a permis de revendiquer nos corps comme « nous appartenant » ne nous aurait-elle pas fait oublier que le problème consistait peut-être avant tout en cette réification ? Peut être qu’à force de penser que l’on a le droit de « se donner » à qui l’on veut on en oublie que nous sommes avant tout des êtres humains qui, l’âge avançant, ne seront pas toujours désirables et, par conséquent, qu’il serait temps de chercher d’autres motivations à nos échanges. 
 
Comme le montre la dernière photo que nous soumet Audrey, celle d’une caisse poussiéreuse dans laquelle sont jetés pêle-mêle des figurines de super héros, nos idoles sont trop souvent prématurément écartées de nos esprits d’adultes. N’est-il pas justement intéressant de nous demander pourquoi ils fascinent un public de plus en plus âgé et de voir sous ces masques bariolés des réalités parfois beaucoup plus sombres ? N’oublions pas que, depuis les rues du Moyen-Orient jusqu’à celle de Wall Street, une foule d’indignés ont arboré le masque de V, le célèbre héros de David Lloyd et Alan Moore. 

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