De sa vie, Bernard Wolfe est l’homme d’un seul livre. Ecrit en 1952, Limbo est en effet l’unique roman de son auteur. Cela ne l’empêche pas bien sûr d’être excellent. Dans une période où de nombreux récits de science-fiction se limitaient à l’invasion extraterrestre des cosses de haricots géantes, Limbo avait le mérite de donner à réfléchir. Sans doute comme l’écrit Gérard Klein dans sa préface, était-il en avance sur son temps…

Déserteur !

L’histoire est assez simple. En pleine troisième guerre mondiale, le docteur Martine a décidé de mettre les voiles vers une île isolée. Là-bas se trouve une paisible peuplade d’indigènes accueillante et les 17 années de sa vie à venir. Manque de chance, presque deux décennies plus tard, l’arrivée d’une expédition d’hommes blancs va venir bouleverser sa quiétude. A partir de là, son retour à la civilisation est obligatoire.

Mais oh surprise, alors qu’il avait le dos tourné, ses compatriotes humains ont fait de lui un quasi-dieu. Ils ont découvert son journal intime après sa désertion et l’ont élevé au rang de texte sacré. Interprétant à tort et à travers, ils se sont profondément engagés dans la voie de la non violence. Leur credo est simple : remplacer bras et jambes par des prothèses mécaniques empêchent les penchants agressifs de l’homme. Pourquoi ? Parce qu’en cas de tension, il suffit d’enlever ses appendices et de les poser à terre. On a rarement vu des hommes troncs se battre à mort…

Bien évidemment, les changements que cette révolution implique sont profonds et étonnent notre héros. Il est un peu comme un extraterrestre, découvrant avec stupeur qu’il est à l’origine de tout cela. Heureusement, il a eu la bonne idée de voyager incognito. Qui sait ce que ces fous furieux seraient capables de faire s’ils découvraient qu’il est de retour parmi eux ?

Un texte puissant

Limbo est un texte puissant. D’abord parce que la description de cette folie collective et de ses conséquences est savoureuse. Mais surtout parce que Bernard Wolfe nous offre une réflexion profonde sur l’Utopie, le pacifisme et l’engagement de chacun. En conclusion, si la narration a peut-être un peu vieilli, Limbo reste une excellent livre. Un indispensable.