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Flandry, défenseur de l’Empire terrien

Olivier Vatine (Illustrateur de couverture), Poul Anderson ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/2006  -  livre
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Flandry, défenseur de l’Empire terrien

Poul Anderson, né en 1926 et mort en 2001, est un écrivain américain de l’Age d’Or (il a notamment contribué aux revues Astounding, Galaxy et F&SF). Diplômé de physique à l’université du Minnesota, il publie sa première nouvelle, Tomorrow’s children, écrit avec F.N. Waldrop, en 1947. S’ensuit une longue série de nouvelles et de romans, parmi lesquels se distinguent La Patrouille du temps (1960) ou Les Croisés du cosmos (1960). D’origine danoise, il s’intéresse également aux légendes nordiques avec La saga de Hrolf Kraki (1973). Il reçoit un certain nombre de prix et notamment 7 Hugo et 3 Nebula pour des nouvelles.

Flandry, défenseur de l’Empire terrien, rassemble deux romans mettant en scène Dominic Flandry, agent de la Flotte terrienne, présenté comme un James Bond des étoiles dont le but est de maintenir la cohésion d’un Empire décadent. Un cirque de tous les diables et Les mondes rebelles, écrits respectivement en 1970 et 1969, sont inédits en France, comme tous les autres textes de la série Flandry à l’exception d’Agent de l’Empire terrien, réédité par l’Atalante en 2005. Bien qu’ils soient les 9ème et 8ème tomes de la série (dans l’ordre d’écriture), ils peuvent être lus indépendamment.

Un cirque de tous les diables

Fraîchement intégré dans les services de renseignements de l’Empire, Dominic Flandry est envoyé pour un an sur Irumclaw, planète frontière entre les empires Terrien et Merséien, les deux principales puissances galactiques ennemies entre lesquelles se maintient un fragile statu quo. Abordé par Ammon, un parrain de la mafia locale, Flandry se laisse corrompre pour explorer une planète oubliée, Wayland, qui recèlerait d’immenses richesses. Accompagné par Djana, engagée par Ammon pour le surveiller, Flandry ne se doute pas que celle-ci est l’agent double d’un autre employeur dont elle-même ne sait rien.

Les mondes rebelles

Dans une région reculée de l’Empire terrien, Aaron Snelund, proche de l’Empereur, gouverne avec cruauté et semble préparer son retour à la cour. Hugh McCormac, amiral de la Flotte, ne supporte plus ces exactions et décide de se rebeller. Tout d’abord arrêté pour trahison, il parvient à s’enfuir mais laisse sa femme Kathryn entre les mains du tyran.

Au QG de la Flotte, on s’inquiète de cette rébellion autant qu’on soupçonne Snelund de préparer un mauvais coup. Flandry est envoyé sur place en tant que commandant de vaisseau, afin d’enquêter sur les rebelles et sur le gouverneur. Le jeune agent dépassera quelque peu ses prérogatives au fur et à mesure de ses découvertes et de ses rencontres.

Du space opera pur jus

Comme le laisse supposer la belle couverture d’Olivier Vatine, Flandry, défenseur de l’Empire terrien est du pur space opera : un empire galactique avec des millions de mondes, des conflits intérieurs (Les mondes rebelles) ou extérieurs (Un cirque de tous les diables) qui donnent lieu à des batailles et poursuites intersidérales, des extraterrestres aussi étranges les uns que les autres, un héros fort et intelligent… autant d’ingrédients qui raviront les amateurs du genre. Mais pas seulement. Car si Poul Anderson use des clichés et les assume, il s’en écarte aussi souvent qu’il le peut pour donner à ces romans d’autres dimensions.

Tout d’abord l’intrigue, aux abords simplistes, se complexifie petit à petit et se trouve perturbée par de nouveaux éléments apparaissant en cours de route et venant remettre en question ses tenants et aboutissants. C’est particulièrement le cas dans Un cirque de tous les diables où un flou plane en permanence sur l’issue de l’histoire. Pourtant Anderson utilise souvent le même schéma : échouage du vaisseau de Flandry sur une planète inconnue, contact avec la population locale, recherche du moyen de quitter la planète. Malgré ce squelette un peu commun et linéaire, Anderson arrive à broder et à surprendre. L’une des raisons est qu’il préfère la réflexion à l’action : Flandry utilise plus son cerveau que ses muscles pour se sortir des mauvais pas. Ce qui est quelques fois frustrant : alors qu’on attend avec impatience une scène d’action qui promet d’être épique - car Anderson est loin d’être mauvais dans la description des combats - l’auteur nous en prive en avançant trop rapidement dans le temps, utilisant d’ellipses qui nous laissent un peu sur notre faim.

Autre élément original non négligeable : l’Empire mis en scène par Anderson est en pleine décadence. Son empereur est un fantoche, ses frontières sont à peine gardées et ses conspirations internes en menacent l’équilibre. Flandry, malgré son peu de foi dans les instances dirigeantes, n’en poursuit pas moins son objectif de maintenir l’Empire à flots le plus longtemps possible. C’est à la fois l’occasion pour Anderson de critiquer ses contemporains - il projette sur les Merséiens ou d’autres espèces autochtones les qualités dont les humains sont dépourvus - d’afficher sa désillusion concernant la civilisation mais également d’affirmer son espoir, peut-être pas d’une rédemption mais au moins d’une prise de conscience menant à une lente amélioration.

Un univers riche et scientifiquement précis

Outre le plaisir apporté par l’action dynamique et les intrigues politiques, la lecture des aventures de Flandry est aussi la source d’un émerveillement sur l’imagination débordante de Poul Anderson. Sa capacité à planter des décors avec une économie de moyens s’ajoute à la précision scientifique de ses descriptions. On sent qu’il cherche à être le plus crédible possible - cela provient sans doute de sa formation de physicien. Les mondes qu’il met en scène sont disséqués au niveau géologique, météorologique, voire astronomique (pas question par exemple de parler d’un astre sans avoir auparavant évoqué le système planétaire dans lequel il se trouve). C’est certes dénué d’émotion et de poésie - les descriptions sont la plupart du temps purement factuelles - mais cela donne une solide cohérence à l’environnement dans lequel évoluent les personnages.

Le meilleur reste l’invention d’espèces extraterrestres fascinantes. Que ce soient les Domrath hibernants et les Ruadrath sous-marins puis terrestres de Talwin, ou bien les êtres composés de trois entités fusionnelles de Dido, Anderson en détaille non seulement le physique et le fonctionnement biologique, mais également la société, le mode de pensée, les coutumes, à un point qui n’est pas sans rappeler Ursula Le Guin, bien qu’Anderson soit beaucoup moins poétique et plus documentaire.

Cette précision scientifique vulgarisatrice, typique de l’Age d’Or, associée à l’imagination de l’auteur, compose un univers riche et cohérent que l’on pourrait trouver parfois impersonnel.

Un héros on ne peut plus humain

Heureusement, Poul Anderson ne néglige pas l’aspect humain. Son héros Flandry n’est pas un simple personnage de space opera. Bien qu’il soit présenté comme fort, beau, intelligent, infaillible, casse-cou, il n’en est pas moins complexe et loin des clichés habituels du genre. Car Flandry est profondément humain. Il est indéfectiblement attaché à l’Empire mais est tenté par l’argent et les femmes, et serait prêt à mettre ses convictions de côté plus facilement qu’on ne pourrait le croire. Tour à tour orgueilleux, manipulateur, craintif, machiste, égoïste, corruptible, pragmatique, superficiel, jaloux, Flandry possède une gigantesque collection de défauts que l’auteur n’a pas peur de mélanger à ses qualités. Ce refus du manichéisme concernant la personnalité de Flandry l’autorise d’ailleurs à critiquer ses prochains. Car Flandry a conscience de ses travers et doit en permanence apprendre à vivre avec. Ainsi se dit-il en lui-même, dans Les mondes rebelles : « Flandry, qu’est-ce qui te permet de penser que le cosmos a été conçu pour ta commodité personnelle ? ». Ce questionnement sur lui-même, mêlé à toutes ses autres interrogations (sur Dieu, sur la mort, etc.), nous le rend sympathique et proche de nous.

Des romans d’une grande qualité

Flandry, défenseur de l’Empire terrien, est ainsi un très bon livre, composé de deux romans d’une grande qualité. Alliant action, découverte et humanisme, il se lit vite et avec beaucoup de plaisir. Si le reste de la série est du même acabit, espérons que l’Atalante continuera la traduction et la publication des autres textes qui la composent, jusqu’ici inconnus en France

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