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Appel d’Air - Interviews 3
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Appel d’Air - Interviews 3

Roland C. Wagner

ActuSF : Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?
Roland C. Wagner : Parce qu'un peu après qu'il eut été lancé j'ai eu une idée de texte qui pouvait coller. Au départ, je n'étais pas chaud parce que je considérais qu'un tel truc n'aurait aucune influence sur le résultat. Et aussi qu'on ne pouvait pas prévoir ce que serait la France de Sarkozy parce que ce type a tout d'un malade mental — ses discours sur la religion ne laissent aucun doute à ce sujet, un individu sain d'esprit ne dirait jamais des conneries comme : « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme », mort de rire, on est au XXIe siècle, pas au XIe — et qu'il est capable de dire et faire tout et son contraire. Mais bon, j'avais ce texte, écrit au départ pour faire rire mes copains du libre. Alors, je l'ai filé pour l'Appel.

ActuSF : Après huit mois d'exercice du nouveau gouvernement, quel regard portes-tu sur votre participation à cette anthologie ?
Roland C. Wagner : Quand on vit dans un pays qui va droit dans le mur, on ne peut que se féliciter d'avoir marqué le coup pour le principe avant le début de la catastrophe. Nous sommes dans la merde, gravement, et ça n'est pas près de s'arranger. C'est pourquoi je lance aujourd'hui un appel à textes pour une anthologie sur le même principe, mais consacrée aux 40 ans de mai 68. Et si un éditeur voulait l'éditer sous forme d'un livre ressemblant à un pavé, ça n'en serait que mieux.
On nous a volé notre futur. À nous de le reprendre.

Lucie Chenu

ActuSF : Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?
Lucie Chenu : Pour témoigner. Pour expliquer ma peur, pour provoquer le débat, pour convaincre... Pour manifester mon opinion, le plus bruyamment possible. Pour signer une pétition initiée par des gens que j'estime fort.

ActuSF : Après six mois d'exercice du nouveau gouvernement quel regard portes-tu sur ta participation à cette anthologie ?
Lucie Chenu : J'ai remplacé le petit texte écrit à la va-vite par un autre moins bâclé, écrit antérieurement. Mais depuis quelques mois, les mesures prises par le gouvernement, les textes de lois proposés -- et votés --, la main-mise sur les media, le retour de la censure (les étudiants interpellés pour avoir affiché une caricature du président), la décomposition organisée du système judiciaire, du système de santé et des services sociaux, le fait que la France ait été condamnée plusieurs fois par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (!), tout va dans le sens que nous craignions, et pire encore. J'aurais pourtant bien voulu me tromper !

Bref, le regard que je porte sur ma participation c'est "seulement ça" ? Récemment, les idées qui me viennent sont bien plus sombres, pessimistes, flippantes, réalistes...

Au passage, j'aimerais signaler l'existence d'un collectif d'écrivains "Qui fait la France ?" (http://quifaitlafrance.com/) qui a publié récemment chez Stock une anthologie de nouvelles noires intitulée "Chroniques d'une société annoncée". C'est différent de l'"Appel d'air", et pourtant, si proche...

Charlotte Bousquet

ActuSF :
Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?
Charlotte Bousquet : Au risque d'être un peu cliché, il me semble qu'il y a quelque chose de l'ordre du devoir d'engagement, lorsqu'on est auteur. Cet engagement peut rester en sommeil, n'apparaissant que de façon subtile dans des textes, des récits par exemple, cet engagement peut aussi remonter à la surface quand certaines valeurs démocratiques, intellectuelles, culturelles et humaines sont en jeu. J'ai vraiment ressenti cet "Appel d'air" comme une injonction, un commandement auquel il m'était impossible de ne pas répondre. Trop de choses étaient en jeu : liberté d'expression, liberté de vivre comme on l'entend sa sexualité, accueil des immigrés, valeurs aussi évidentes que liberté - égalité -fraternité, importance de l'éducation et de la culture, et bien d'autres choses encore qui valaient la peine - et valent toujours la peine - qu'on se batte. Qu'on tente d'ouvrir les yeux des gens.

ActuSF : Après six mois d’exercice du nouveau gouvernement quel regard portes-tu sur ta participation à cette anthologie ?

Charlotte Bousquet : Aujourd'hui : les contrôles ADN sont en place, des violences ignobles sont faites aux sans-papiers, les SDF sont expulsés à coup de gaz de leurs abris (à Argenteuil cet été), je ne vous parle même pas des tziganes (Villeurbanne entre autres), à chaque manifestation, les média sont là pour retourner les événements en faveur du gouvernement, les forces de l'ordre agissent de plus en plus impunément, les prix augmentent en regard des privilèges du président, la liberté d'expression est quand même souvent remise en cause (pendant des semaines, personne n'osait écrire le mot rafle pour parler des rafles dans les écoles par exemple), même les animaux de compagnie sont en danger (non ce n'est pas une mauvaise blague) et les pôles intellectuels des universités se voient retirer des fonds.

Alors je pense qu'Appel d'air toujours d'acutalité, plus que jamais d'actualité.

Catherine Dufour

ActuSF :
Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?

Catherine Dufour : Parce que, quand j'ai vu le résultat des élections, j'ai dit : Argh !

ActuSF : Après cinq mois d’exercice du nouveau gouvernement quel regard portes-tu sur ta participation à cette anthologie ?

Catherine Dufour : Parce que, quand je vois le résultat de ces cinq mois et que je pense qu'on en a encore pour cinq ans, je dis : Raaah !

Patrick Eris

ActuSF :
Pourquoi as-tu participé à Appel d'Air ?

Patrick Eris : Un peu par hasard, moi qui suis plutôt un auteur dégagé, et pour ne pas être de ceux qui laissent les autres mouiller leur chemise sans rien faire. Sans illusions : cette élection grotesque, c’était choisir entre Mickey et Minnie avec pour slogan celui d’Alien vs Predator : qu’importe qui gagne, nous perdons… Tout ceci au nom du pragmatisme. Interdiction de rêver, que ce soit aux jours meilleurs ou au matin du grand soir, il faut être réaliste et se serrer la ceinture en pensant à la sacro-sainte croissance qui, apparemment, est tout ce qui sépare l’homme de la bête…

ActuSF : Après six mois d’exercice du nouveau gouvernement quel regard portes-tu sur ta participation à cette anthologie ?

Patrick Eris : Pas vraiment changé. Je n’avais pas la prétention d’ouvrir les yeux à qui que ce soit, mais ceux qu’on a mis au pouvoir s’en chargent eux-mêmes ! Il s’agit des petits marquis déclinologues précédés d’un titre ronflant qui se contentent de seriner entre eux le dogme de la pensée unique Barro-Tatchérienne (hé, oui, c’est de là que vient le terme-) et son corollaire “Il n’y a pas d’alternative”. Il suffit de les entendre pérorer : ils haïssent les pauvres, adorent la dictature (voir leur fascination pour la Chine), ne sont jamais plus contents que quand ça va mal puisque, Tatcher* en figure de proue, c’est le signe que tout va mieux, et ne cachent plus qu’ils rêvent d’une bonne petite guerre pour arranger tout ça (cf une émission de France culture du dimanche 18 novembre avant midi, peut-être encore disponible en podcast), cachant leur archaïsme et leur incompétence (on sait, à moins d’être aveuglé par le dogme, que le “Français fainéant” est un mythe et que le problème est plutôt l’adaptation de l’offre à la demande, base même de l’économie — à quoi bon “produire plus” de biens dont personne ne veut ?) sous des attraits de pseudo-réalisme pour cacher le fait que le système s’effondre chez leurs chers “modèles”, le tout à la botte du Medef. (Qui osera dire qu’il s’agit d’un syndicat, le plus corporatiste de tous, puisque les 5% du CAC 40 se sont arrogés le droit de parler pour les patrons des PME, ou le renard à la tête du poulailler, tout en se goinfrant de subventions pour aller embaucher en Inde alors qu’ils engrangent des bénéfices record, et dont l’ineffable patronne eut ce cri du cœur : “Il faut s’engager sur l’honneur a respecter la loi”, ce qui est éloquent en soi). Mais qui les a mis au pouvoir, sinon une société entièrement basée sur la haine et la volonté, non pas de recoudre le tissu social, mais d’en découdre ? Passons sur les retraités planqués brûlant de haine qui voudraient revenir à l’esclavage pour ceux qui travaillent. Sarkozy n’est qu’un VRP, et jouer au “grand méchant” façon Hollywood est se voiler la face sur cette société de mépris de l’autre, tous les autres, comme dirait Brel. Au grand supermarché des rancœurs, il y en a pour tous les goûts… Or on ne peut pas fonder un projet de société sur la défiance, la haine et le nivellement par le bas. Quoi d’étonnant à ce que la “droite bling-bling”, remplaçant la “gauche-caviar”, en profite ? Prendre Sarkozy comme grand méchant est trop facile, mais cette “rupture” qui pousse le voisin contre le voisin, qui promeut l’égoïsme, décomplexe le racisme, nie l’égalité et ne fais pas grand cas de la liberté (pour la fraternité, il y a longtemps qu’elle est tombée) est à toute les strates de la société, en chacun d’entre nous, et mène déjà sur des pentes assez délétères. C’est une tendance qui n’est pas née avec Badinguet et ses potes du CAC40, mais qu’on a laissé se développer par facilité, ou lâcheté, tout comme on ose pas lancer de vrai débats sur le style de société que l’on veut vraiment (La loi du plus fort ? L’individu n’est-il réductible qu’à sa valeur marchande ? Qu’on le dise une bonne fois pour toutes, au moins ce sera clair. Et qu’on puisse vendre ses enfants sur e-Bay.) Faute de discussion, rien d’étonnant à ce qu’on obtienne une politique à la Frankenstein qui se retourne contre nous. Si l’antho se refaisait aujourd’hui, c’est peut-être de cela que je traiterais. Avec moins de parenthèses, c’est promis !

*J’ajoute que lorsque je dis à mes potes de mail anglais qu’on nous martèle aujourd’hui que Thatcher était un bien pour l’Angleterre, ils se demandent si on n’est pas tous devenus fous…

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