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Interview d'Erik L'Homme
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Interview d'Erik L'Homme

ActuSF : Comment t’est venue l’idée de raconter cette histoire ?
Erik L’Homme : Au départ, je voulais écrire une histoire sur la lune, les Américains et le programme Apollo, sur les bases d’une théorie que je n’ai pas inventée mais qui existe depuis trente ans et qui circule à travers des livres, des reportages et maintenant internet (voir « L’imposture de la lune » par exemple sur youtube). Une théorie qui avance des arguments parfois troublants… Et puis j’ai fini par m’attacher à quatre pauvres gosses à problèmes et à raconter leurs malheurs. Leurs malheurs d’êtres blessés. Pour moi, ce ne sont pas des “handicapés”, ce sont d’abord des adolescents, avec tous les problèmes que l’on se traîne à cet âge. Abandonnés dans une clinique parce qu’ils sont atteints de troubles que l’on ne sait pas soigner et qui dérangent, ils ne peuvent compter que les uns sur les autres. Sous la pression des événements, ils sont obligés de s’ouvrir, de cesser de s’enfermer. Ce n’est pas facile, loin de là. Ils en payent le prix. Mais ils parviennent néanmoins à transformer leurs faiblesses en force. Confrontés aux épreuves, ils découvrent l’amitié vraie, et sont obligés d’aller au fond d’eux-mêmes chercher ce qu’ils ont de meilleurs. Ils mûrissent, ils grandissent, bref, c’est encore une histoire d’initiation, dont notre époque manque cruellement… Et puis j’aime cette démarche qui me rappelle la fable du Chien et du Loup : plutôt libres dans l’inconfort et l’incertitude de l’aventure que prisonniers dans la quiétude de la clinique. Un hymne à la liberté, une liberté qui se conquiert et se paye de bien des souffrances.

ActuSF : Avais-tu prévu dès le départ de faire une trilogie ?
Erik L’Homme : Lorsque j’ai commencé Phænomen, comme je le disais, je m’intéressais surtout au fameux complot lunaire. Un complot dont je pensais faire le tour en un tome. Mais très vite, mes personnages se sont avancés au premier plan et ont relégué derrière eux l’intrigue, qui est devenue une toile de fond. Claire,Violaine, Nicolas et Arthur ont su me toucher, leur aventure m’a ému. Alors je ne les ai pas abandonnés. Ils avaient un destin. Je les ai accompagnés jusqu’à ce qu’il se réalise, en trois tomes finalement !

ActuSF : Les sources citées en fin de chaque paragraphe existent-t-elles réellement ou tu les as imaginées ?
Erik L’Homme : Je les ai imaginées. Phil Riverton par exemple n’existe pas, pas plus que son ouvrage « Le monde sous surveillance » (même si j’ai vu récemment en librairie un bouquin portant approximativement le même titre !). Par contre, toutes les informations que ce vrai faux auteur livre sont authentiques. Dans Phænomen, j’ai voulu jouer avec l’info et l’intox, mêler le vrai et le faux, inciter le lecteur à se demander : il me raconte des cracks, là, ou il me dit la vérité ? Phænomen est un roman de frontière, de marge, sur le fil, qui sollicite l’intelligence et l’esprit critique du lecteur…

ActuSF : En lisant cette trilogie, on a l’impression d’avoir affaire à un « Da Vinci code » pour adolescents, est-ce volontaire ?
Erik L’Homme : D’une certaine façon et jusqu’à un certain point. Mais toute quête, toute recherche de vérité « pas bonne à dire » présente des similitudes avec ce genre de thriller. Avant le « Da Vinci code » il y a eu par exemple « Le Pendule de Foucault » ! Je pense que ma trilogie tire aussi du côté de certaines séries américaines, à commencer par… X-files !

ActuSF : Vouloir mêler le secret des templiers avec les ovnis et le MJ12, ce n’est pas justement un peu tiré par les cheveux ?
Erik L’Homme : Si (rires) ! Mais je me dis que d’autres ont fait pire : mêler par exemple les intérêts pétroliers avec le mythe des armes de destruction massive et le masque de Sadam Vador… Toute histoire, aussi incroyable soit-elle, passe quand elle est bien racontée !

ActuSF : A la différence des autres cycles dans lesquels tu racontes « une tranche de vie » de tes héros, dans Phaenomen tu racontes plutôt « la fin » de tes héros. Cette fin d’ailleurs peut déranger et paraître étrange car elle peut se lire à plusieurs niveaux, celui de l’enfant et celui adulte. Pourquoi as-tu choisi cette manière de conclure ?
Erik L’Homme : Je n’aime pas trop évoquer la fin de mes livres dans un entretien. Et si certains lecteurs n’étaient pas encore arrivés au bout ? ;-) Pour ne pas éluder la question malgré tout, je pense que Phænomen raconte également une « tranche de vie », mais que cette « tranche » est tout simplement la dernière du plat. Ou alors un tout à elle seule, contenant le début, le milieu et la fin. Fin volontairement ambiguë, d’ailleurs. Pourquoi ? Parce que pour moi aussi le mystère reste entier et que je n’ai pas plus de réponse que le lecteur…

ActuSF : Tu aimes voyager, cela se sent en lisant ce cycle. Tes voyages t’aident dans la rédaction de tes romans ?
Erik L’Homme : J’aime, j’adore voyager c’est vrai. Pour de vrai et dans ma tête ! Alors bien sûr, on peut trouver une influence directe de ces voyages dans mes romans. Dans Phænomen par exemple, le périple de mes héros en Patagonie argentine et chilienne, puis aux Philippines, se base sur mes propres carnets. Mais je crois que ce qui est réellement important, plus que les voyages eux-mêmes, c’est l’esprit dans lequel on les effectue. La difficulté de devenir adulte, c’est grandir sans perdre son regard d’enfant. Un regard enchanté sur un monde obsédé par le matériel et la consommation, déserté par le merveilleux. C’est ce regard que j’ai toujours essayé de garder et qui transparaît notamment dans Phænomen, roman (comme je le qualifiais dès le début) de frontières, à cheval entre le naturel et le surnaturel…

ActuSF : Dans tes trois cycles, l’amitié est le fondement de la relation entre chaque personnage. Pourquoi est -ce si important pour toi ?
Erik L’Homme : Parce que l’amitié est un sentiment extrêmement fort, sur lequel on peut bâtir, de façon non exclusive, quelque chose de solide et de durable. Si l’amitié est particulièrement importante pendant l’enfance et l’adolescence, période instable et transitoire, c’est sans doute pour cela. Personnellement, j’ai la chance d’avoir quelques vrais amis. L’amitié ne m’a jamais déçu, au contraire, elle m’a souvent tiré de bien mauvais pas.

ActuSF : Maintenant que tu t’es essayé aux trois genres principaux de la littérature de l’imaginaire, as-tu une préférence pour l’un de ces genres ?
Erik L’Homme : J’ai l’impression d’avoir visité les différentes pièces d’une grande maison commune, dans laquelle je me sens chez moi !

ActuSF : Quels sont tes futurs projets, vas-tu te cantonner à la littérature pour la jeunesse ou comptes-tu te lancer dans un roman adressé aux adultes ?
Erik L’Homme : Je vais écrire cet été le troisième et dernier tome des Maîtres des Brisants. Pour la suite (et même si je fourmille d’idées et d’envies), qui peut prédire l’avenir ?

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