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La Vieille Anglaise et le continent

Jeanne A. Debats ( Auteur), Christophe Sivet (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 05/05/2008  -  livre
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La Vieille Anglaise et le continent

Agir par delà la mort.

Il faut sauver les cétacés. Une cause de plus en plus désespérée à laquelle Ann Kelvin, biologiste, a consacré sa vie et son énergie. Au seuil de la mort, rongée par le cancer, elle se voit offrir la possibilité d’une ultime action militante ; une mission d’un genre inédit qui exige le transfert de sa personne dans le corps d’un cachalot. Telle est l’histoire que l’on découvre dans La Vieille Anglaise et le continent, une novella signée Jeanne A. Debats, publiée par Griffe d’encre.


L’âme et le corps

Le transfert de personnalité (ou d’âme) a déjà été abordé plus d’une fois dans la littérature fantastique ou de science-fiction.
On pense à l'histoire de "La Sorcière du mois d’avril" extraite des Pommes d’or du soleil de Ray Bradbury qui raconte comment une jeune « douée » découvre l’amour, embarquée dans la tête d’une autre. On trouve aussi ce thème dans le plus contemporain Porteurs d’âmes de Pierre Bordage où des jeunes privilégiés s’appuient sur un procédé scientifique pour s’offrir un voyage dans la peau d’un pauvre. Dans ces deux exemples, le transfert d’âme préserve les personnes et reste réversible.
Ce n’est pas le cas dans La Vieille Anglaise et le continent qui, de ce point de vue, évoquerait davantage L’Ogre de l’espace de G. Benford. D’autres ressemblances relient ces deux récits, comme le cancer au stade terminal qui, dans un cas comme dans l’autre, condamne les héroïnes, ou l’entreprise désespérée qui va leur éviter une mort banale et inutile.
Là s’arrêtent cependant les similitudes car Jeanne A. Debats privilégie largement l’aventure humaine sur la prouesse scientifique et va ancrer Ann Kelvin dans un corps plus animal, plus massif que le précédent, tandis que Benford désincarne Channing, un personnage mis au service de son exposé théorique. D’ailleurs, si l’exploit de l’astronaute américaine est censée sauver le monde d’une spectaculaire menace extraterrestre, la vieille anglaise, elle, opère dans la discrétion, pour affronter une partie de notre chère humanité.

Un monde désenchanté

Malgré le bleu romantique de la superbe couverture de La Vieille Anglaise et le continent, malgré les beaux idéaux qui manquent rarement de se manifester quand on évoque le thème de la disparition des grands mammifères marins, on échappe aux discours moralisateurs. Mieux encore, Jeanne A. Debats ne cherche pas à allumer la moindre étincelle d’espoir quant à l’avenir des cétacés.
L’humour qui se dégage de l’ensemble grince, les personnages sont désabusés, ce qui ne les empêche pas de poser des gestes engagés qui tiennent bien souvent du baroud d’honneur.
Sans renoncer tout à fait à la possibilité du bonheur, l’auteur semble affirmer que celui-ci prendra plus facilement la forme de petits instants d’espérance individuelle que celle d’une utopie collective.

Les éditions Griffe d’encre affichent leur ambition découvrir et de faire découvrir de nouveaux talents de l’imaginaire francophone. Donner leur chance à des inconnus c’est prendre le risque de publier des œuvres non abouties. C’est aussi pouvoir offrir aux lecteurs des perles véritables telles que La Vieille Anglaise et le continent, un récit sensible et maîtrisé. Une publication nécessaire.

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