David Brin est un auteur américain né en 1950. Diplômé d’astronomie, de physique appliquée et docteur en philosophie des sciences spatiales, il a collaboré notamment avec la NASA. Sa carrière littéraire démarre avec le premier tome du cycle d’Élévation, Jusqu’au cœur du Soleil (Sundiver, 1980). Suivi de Marée stellaire (Startide Rising, 1983), de Élévation (The Uplift War, 1987) et d’une seconde trilogie, ce cycle lui aura valu la reconnaissance des lecteurs de SF et deux prix Hugo. David Brin a également travaillé avec Gregory Benford, et a écrit Le Triomphe de Fondation, troisième tome d’un cycle adapté de l’œuvre d’Isaac Asimov.
Après avoir réédité Élévation en 2006, Folio SF ressort enfin les deux premiers tomes du cycle coup sur coup cette année, permettant d’appréhender cette trilogie dans son intégralité.
Plongée solaire
L’humanité a découvert qu’elle n’était pas seule dans l’univers : une société galactique, vieille de deux milliards d’années et riche de milliers d’espèces, est entrée en contact avec elle. Mais les hommes jettent un pavé dans cette fourmilière bien codifiée : si chaque espèce a été « élevée » à la sapience par une autre plus ancienne (leur patronne), devant ainsi la servir pendant plusieurs millénaires en signe de reconnaissance, l’humanité semble avoir évolué toute seule, provoquant interrogations et jalousie. Pire, elle s’est permise d’élever les dauphins et les chimpanzés sans l’aval des Galactiques.
Dans ce contexte, Jacob Demwa, qui travaille dans un centre d’élévation des dauphins, est convié par un ami extraterrestre à participer au projet Plongée Solaire, mené par des humains sous le contrôle de la Bibliothèque Galactique, visant à explorer le Soleil de près grâce à des vaisseaux résistant à la chaleur et aux radiations. Il semblerait en effet que d’étranges créatures vivantes aient été détectées dans la chromosphère, et certains pensent qu’il pourrait s’agir des patrons de l’humanité.
Les germes d’un univers grandiose
Avec sa société galactique fondée sur le principe de transmission du savoir et d’élévation, et sur une tradition de deux milliards d’années de privilèges pour les espèces patronnes, David Brin a sans aucun doute imaginé l’une des idées les plus grandioses de la littérature de science fiction. C’est original, très bien exploité, riche en perspectives à la fois scénaristiques et thématiques, cohérent. L’auteur présente notamment une bonne diversité dans l’apparence, le comportement et la façon de parler des extraterrestres. Il explore les implications sociales et politiques d’une telle civilisation, en particulier son interaction avec la jeune société humaine, qui n’est pas négligée devant la grande machine galactique.
C’est ainsi l’occasion de parler d’absorption culturelle, en un parallèle ad hoc avec l’adaptation des indiens Cherokee dans la société américaine. David Brin évoque également une Loi de Surveillance, mise en place pour détecter dès la naissance le potentiel de violence de chaque humain, créant une caste d’exclus aux droits restreints. Intéressant lorsqu’on considère la paranoïa sécuritaire qui sévit de nos jours…
L’autre atout de Brin est sa rigueur scientifique. Elle donne au roman une crédibilité solide. Ce n’était pas à la portée de tout le monde de nous faire admettre l’existence d’une forme de vie à la surface du Soleil ! Cela n’empêche pas l’auteur d’être capable de nous faire rêver tout simplement. Certaines scènes, malheureusement courtes et rares, procurent un véritable plaisir de lecture et d’évasion : la course entre Jacob et un dauphin qui ouvre le roman, l’évocation du « Songe Cétacé » dont on espère apprendre plus dans les prochains tomes, ou bien la scène de contact avec les Solaires, chargée d’intensité dramatique et qui n’est pas sans rappeler Rencontres du troisième type.
Cependant l’intrigue se concentre sur l’expédition solaire, le lecteur n’a donc qu’un aperçu sommaire de cet univers. Jusqu’au cœur du Soleil ne représente qu’un apéritif à une saga que l’on imagine pleine de promesses. Élévation en sera d’ailleurs la preuve.
Des maladresses de premier roman
C’est peut-être cela, le principal problème de Jusqu’au cœur du Soleil : il souffre la comparaison avec ses successeurs. Si l’on a lu Élévation avant, par exemple (ce qui sera le cas des fidèles de Folio SF), on détecte dans ce premier tome des défauts qui sont absents du troisième.
Tout d’abord une intrigue qui manque un peu d’ambition devant le potentiel gigantesque de l’idée développée par Brin. Les décors sont également limités, l’environnement solaire est plutôt restreint et monotone, et les tentatives trop souvent répétées de l’auteur pour nous faire ressentir la magie et la poésie de ce milieu, si elles font mouche la première fois, finissent par lasser. La faute en partie à un langage technique qui manque d’émotion. De plus, la fin est un peu complexe, elle se perd en spéculations alambiquées qui laissent le lecteur dubitatif.
Ensuite, les passages explicatifs sont souvent maladroits : devant nous faire absorber une grande quantité d’informations, David Brin les intègre de façon artificielle dans les discussions ou les expositions. Il provoque des situations dans le seul but de faire comprendre un élément du contexte sociopolitique au lecteur. Notamment, les personnages engagent des conversations sur des sujets qu’ils sont censés, en toute logique, maîtriser sur le bout des doigts. Au point que l’on a souvent l’impression de se trouver devant un cours magistral proféré à la seule intention du lecteur.
Et la maladresse de l’auteur ne s’en tient pas au contexte : le développement de l’intrigue manque aussi de naturel. Pour maintenir le suspense, Brin nous cache des informations connues de Jacob, alors que c’est le personnage principal et que nous sommes censés connaître ses pensées : on sait tout de son passé et de ses émotions d’antan, mais on ne sait quasiment rien de ce qu’il pense de la situation présente, ce qui crée un déséquilibre assez désagréable. Dommage, car Jacob, avec ses tendances schizophréniques, est un héros particulièrement intéressant. C’est d’ailleurs le seul à être un tant soit peu original, les autres étant assez caricaturaux.
Enfin, on regrettera les innombrables références au XXème siècle, en particulier à sa science fiction, comme si les siècles suivants n’avaient rien apporté à la civilisation humaine en terme d’art. Alors même que ce passé trouble est considéré par les contemporains de Jacob comme une période pas vraiment glorieuse. Cela dit, ce n’est pas un défaut de jeunesse comme les précédents, puisqu’on le retrouve également dans Élévation.
Poussif mais pas dénué d’intérêt
Malgré ces défauts et maladresses qui en font un récit poussif, Jusqu’au cœur du Soleil n’est pas à négliger : premier roman d’un cycle qui exploitera tout son potentiel par la suite, il constitue une bonne introduction à un univers véritablement excitant. Même s’il n’est pas indispensable d’avoir lu ce tome pour comprendre les suivants...
Après avoir réédité Élévation en 2006, Folio SF ressort enfin les deux premiers tomes du cycle coup sur coup cette année, permettant d’appréhender cette trilogie dans son intégralité.
Plongée solaire
L’humanité a découvert qu’elle n’était pas seule dans l’univers : une société galactique, vieille de deux milliards d’années et riche de milliers d’espèces, est entrée en contact avec elle. Mais les hommes jettent un pavé dans cette fourmilière bien codifiée : si chaque espèce a été « élevée » à la sapience par une autre plus ancienne (leur patronne), devant ainsi la servir pendant plusieurs millénaires en signe de reconnaissance, l’humanité semble avoir évolué toute seule, provoquant interrogations et jalousie. Pire, elle s’est permise d’élever les dauphins et les chimpanzés sans l’aval des Galactiques.
Dans ce contexte, Jacob Demwa, qui travaille dans un centre d’élévation des dauphins, est convié par un ami extraterrestre à participer au projet Plongée Solaire, mené par des humains sous le contrôle de la Bibliothèque Galactique, visant à explorer le Soleil de près grâce à des vaisseaux résistant à la chaleur et aux radiations. Il semblerait en effet que d’étranges créatures vivantes aient été détectées dans la chromosphère, et certains pensent qu’il pourrait s’agir des patrons de l’humanité.
Les germes d’un univers grandiose
Avec sa société galactique fondée sur le principe de transmission du savoir et d’élévation, et sur une tradition de deux milliards d’années de privilèges pour les espèces patronnes, David Brin a sans aucun doute imaginé l’une des idées les plus grandioses de la littérature de science fiction. C’est original, très bien exploité, riche en perspectives à la fois scénaristiques et thématiques, cohérent. L’auteur présente notamment une bonne diversité dans l’apparence, le comportement et la façon de parler des extraterrestres. Il explore les implications sociales et politiques d’une telle civilisation, en particulier son interaction avec la jeune société humaine, qui n’est pas négligée devant la grande machine galactique.
C’est ainsi l’occasion de parler d’absorption culturelle, en un parallèle ad hoc avec l’adaptation des indiens Cherokee dans la société américaine. David Brin évoque également une Loi de Surveillance, mise en place pour détecter dès la naissance le potentiel de violence de chaque humain, créant une caste d’exclus aux droits restreints. Intéressant lorsqu’on considère la paranoïa sécuritaire qui sévit de nos jours…
L’autre atout de Brin est sa rigueur scientifique. Elle donne au roman une crédibilité solide. Ce n’était pas à la portée de tout le monde de nous faire admettre l’existence d’une forme de vie à la surface du Soleil ! Cela n’empêche pas l’auteur d’être capable de nous faire rêver tout simplement. Certaines scènes, malheureusement courtes et rares, procurent un véritable plaisir de lecture et d’évasion : la course entre Jacob et un dauphin qui ouvre le roman, l’évocation du « Songe Cétacé » dont on espère apprendre plus dans les prochains tomes, ou bien la scène de contact avec les Solaires, chargée d’intensité dramatique et qui n’est pas sans rappeler Rencontres du troisième type.
Cependant l’intrigue se concentre sur l’expédition solaire, le lecteur n’a donc qu’un aperçu sommaire de cet univers. Jusqu’au cœur du Soleil ne représente qu’un apéritif à une saga que l’on imagine pleine de promesses. Élévation en sera d’ailleurs la preuve.
Des maladresses de premier roman
C’est peut-être cela, le principal problème de Jusqu’au cœur du Soleil : il souffre la comparaison avec ses successeurs. Si l’on a lu Élévation avant, par exemple (ce qui sera le cas des fidèles de Folio SF), on détecte dans ce premier tome des défauts qui sont absents du troisième.
Tout d’abord une intrigue qui manque un peu d’ambition devant le potentiel gigantesque de l’idée développée par Brin. Les décors sont également limités, l’environnement solaire est plutôt restreint et monotone, et les tentatives trop souvent répétées de l’auteur pour nous faire ressentir la magie et la poésie de ce milieu, si elles font mouche la première fois, finissent par lasser. La faute en partie à un langage technique qui manque d’émotion. De plus, la fin est un peu complexe, elle se perd en spéculations alambiquées qui laissent le lecteur dubitatif.
Ensuite, les passages explicatifs sont souvent maladroits : devant nous faire absorber une grande quantité d’informations, David Brin les intègre de façon artificielle dans les discussions ou les expositions. Il provoque des situations dans le seul but de faire comprendre un élément du contexte sociopolitique au lecteur. Notamment, les personnages engagent des conversations sur des sujets qu’ils sont censés, en toute logique, maîtriser sur le bout des doigts. Au point que l’on a souvent l’impression de se trouver devant un cours magistral proféré à la seule intention du lecteur.
Et la maladresse de l’auteur ne s’en tient pas au contexte : le développement de l’intrigue manque aussi de naturel. Pour maintenir le suspense, Brin nous cache des informations connues de Jacob, alors que c’est le personnage principal et que nous sommes censés connaître ses pensées : on sait tout de son passé et de ses émotions d’antan, mais on ne sait quasiment rien de ce qu’il pense de la situation présente, ce qui crée un déséquilibre assez désagréable. Dommage, car Jacob, avec ses tendances schizophréniques, est un héros particulièrement intéressant. C’est d’ailleurs le seul à être un tant soit peu original, les autres étant assez caricaturaux.
Enfin, on regrettera les innombrables références au XXème siècle, en particulier à sa science fiction, comme si les siècles suivants n’avaient rien apporté à la civilisation humaine en terme d’art. Alors même que ce passé trouble est considéré par les contemporains de Jacob comme une période pas vraiment glorieuse. Cela dit, ce n’est pas un défaut de jeunesse comme les précédents, puisqu’on le retrouve également dans Élévation.
Poussif mais pas dénué d’intérêt
Malgré ces défauts et maladresses qui en font un récit poussif, Jusqu’au cœur du Soleil n’est pas à négliger : premier roman d’un cycle qui exploitera tout son potentiel par la suite, il constitue une bonne introduction à un univers véritablement excitant. Même s’il n’est pas indispensable d’avoir lu ce tome pour comprendre les suivants...