La prolifération somme toute assez récente de ces fanzines post-modernes que sont les nouvelles (micro)maisons d’édition – un phénomène (ou une mode ?) notamment dû à une meilleure accessibilité du réseau d’édition, mais également à la conviction étrange chez leurs créateurs qu’il n’y a pas assez de livres en tables sur les rayons de l’imaginaire – donne à voir et accessoirement à lire de nombreux « nouveaux auteurs »TM dont la probabilité de réussite à long terme avoisine l’espérance de vie d’un caniche nain parachuté en pleine banquise ; passé ce constat d’encombrement, il convient cependant de jeter de temps à autre un œil aimable et des griffes d’encre aiguisées sur les oeuvrettes de ces petits écrivains perdus au milieu de cette jungle auteurisante, d’autant plus qu’il en est parfois, interlopes, dont le travail interpelle.
C’est le cas de Gabriel Eugène Kopp – dont le patronyme rappelle ces enfants difformes lorrains qu’on abandonnait au fond des mines au début du siècle dernier, et dont les expérimentations prometteuses avaient déjà pu être observées sur d’immatérielles anthologies de la Toile. Il livre avec Au nord-nord-ouest d’Éden une novella intrigante à défaut d’être réussie. Une novella relatant la découverte dans un glacier d’un étrange cadavre, pas tout fait humain, mais trop tout de même pour être honnête, et dont la résurrection – l’action se déroule dans un futur imminent où ce genre d’actes post-mortem s’avère envisageable – et la disparition subite vont entraîner une foultitude d’échanges et d’élucubrations entre journalistes, religieux, militaires, linguistes et illuminés de tous poils.
Sans structure narrative précise – c’est le moins qu’on puisse dire – Gabriel Eugène Kopp conduit donc son lecteur indulgent vers la révélation de l’identité dudit cadavre, dont la teneur théologique ne sera pas sans pertinence en regard de la déchéance marquée du monde. Une résonance ambivalente où résonne surtout l’échec du récit à convaincre son auditoire, car à vouloir poser son argument tadaesque comme un point de chute et non comme un point de départ, Gabriel Eugène Kopp mise sur un effet de surprise en lieu et place de pistes de réflexion sur un sujet pourtant riche [Petite digression : il me semble que c’est là un des gros défauts historiques de la science fiction de croire que toute histoire de science fiction doit ressembler à une short short dont la révélation finale doit secouer les puces du fidèle lecteur, fidèle lecteur dont le décès remonte pourtant à mille neuf cent soixante-deux]. Or ce procédé éprouvé et éprouvant ne peut tenir sans une intrigue en contrepoint (que cette intrigue table sur du divertissement, des idées ou de l’émotion, qu’importe), et là, dans Au nord-nord-ouest d’Éden, point d’intrigue, juste une accumulation de faits, de dialogues, d’événements, de rapports, et cætera, dont le seul but au final semble être de retarder l’inéluctable révélation qu’à vrai dire plus personne n’attendait.
Point emballé, donc, par la révélation tardive qui aurait pourtant constitué un postulat de départ intéressant – même si dans le genre James Morrow me paraît avoir ratissé tout ce qu’il était possible de ratisser –, il serait aisé de balayer d’un revers de main méprisant cette énième tentative amateurisante de science fiction. Erreur, fils ! Car si la tentative échoue, à mon sens, l’effort demeure louable : en effet, Gabriel Eugène Kopp choisit de raconter son historiette via un parti pris formel de mix-writing et alterne ainsi récits classiques, extraits de journaux, rapports fédéraux officiels et officieux, retranscriptions d’enregistrements audio.
Au nord-nord-ouest d’Éden est donc un essai audacieux, surtout compte tenu de la frigidité actuelle du milieu de l’imaginaire qui est entré de plein pied dans sa troisième période glaciaire. Gabriel Eugène Kopp transforme à moitié cet essai, puisque s’il se tire avec adresse du mélange des genres et du caméléonisme stylistique qu’il s’impose, il s’avère assez pataud quand il retombe dans une narration traditionnelle – le chapitre un est à ce titre assez laborieux –, une narration percluse de trop de scories, des scories de jeunesse dans l’ensemble (style emprunté, phrases courtes, surabondance de « ! » et de « … », recours trop systématique aux dialogues, effets de science fiction datés, personnages palots, hum…).
Alors, oui, Au nord-nord-ouest d’Éden ne convainc pas vraiment et semble manquer d’expérience, de recul et d’une véritable démarche narrative ; mais, oui aussi, il convient, une fois le coup accusé, d’accorder une seconde chance magnanime à Gabriel Eugène Kopp, ne serait-ce que parce qu’à force de le répéter on finit par bien avoir son nom en bouche, et surtout pour l’audace, bien téméraire certes, dont il a fait preuve – qu’il n’oublie pas cependant que si la science fiction se doit de s’affirmer comme un formidable laboratoire, elle ne peut pas être que cela.
Si Au nord-nord-ouest d’Éden n’est donc pas spécialement recommandable, il est en revanche fortement conseillé de parcourir a minima son annexe 1, une annexe qui prend la forme d’une retranscription d’un enregistrement audio, retranscription parcellaire et annotée par un des participants, offrant ainsi un petit plaisir de lecture qui, malgré les nombreux défauts de cette novella, abandonne le lecteur sur une note optimiste.
C’est le cas de Gabriel Eugène Kopp – dont le patronyme rappelle ces enfants difformes lorrains qu’on abandonnait au fond des mines au début du siècle dernier, et dont les expérimentations prometteuses avaient déjà pu être observées sur d’immatérielles anthologies de la Toile. Il livre avec Au nord-nord-ouest d’Éden une novella intrigante à défaut d’être réussie. Une novella relatant la découverte dans un glacier d’un étrange cadavre, pas tout fait humain, mais trop tout de même pour être honnête, et dont la résurrection – l’action se déroule dans un futur imminent où ce genre d’actes post-mortem s’avère envisageable – et la disparition subite vont entraîner une foultitude d’échanges et d’élucubrations entre journalistes, religieux, militaires, linguistes et illuminés de tous poils.
Sans structure narrative précise – c’est le moins qu’on puisse dire – Gabriel Eugène Kopp conduit donc son lecteur indulgent vers la révélation de l’identité dudit cadavre, dont la teneur théologique ne sera pas sans pertinence en regard de la déchéance marquée du monde. Une résonance ambivalente où résonne surtout l’échec du récit à convaincre son auditoire, car à vouloir poser son argument tadaesque comme un point de chute et non comme un point de départ, Gabriel Eugène Kopp mise sur un effet de surprise en lieu et place de pistes de réflexion sur un sujet pourtant riche [Petite digression : il me semble que c’est là un des gros défauts historiques de la science fiction de croire que toute histoire de science fiction doit ressembler à une short short dont la révélation finale doit secouer les puces du fidèle lecteur, fidèle lecteur dont le décès remonte pourtant à mille neuf cent soixante-deux]. Or ce procédé éprouvé et éprouvant ne peut tenir sans une intrigue en contrepoint (que cette intrigue table sur du divertissement, des idées ou de l’émotion, qu’importe), et là, dans Au nord-nord-ouest d’Éden, point d’intrigue, juste une accumulation de faits, de dialogues, d’événements, de rapports, et cætera, dont le seul but au final semble être de retarder l’inéluctable révélation qu’à vrai dire plus personne n’attendait.
Point emballé, donc, par la révélation tardive qui aurait pourtant constitué un postulat de départ intéressant – même si dans le genre James Morrow me paraît avoir ratissé tout ce qu’il était possible de ratisser –, il serait aisé de balayer d’un revers de main méprisant cette énième tentative amateurisante de science fiction. Erreur, fils ! Car si la tentative échoue, à mon sens, l’effort demeure louable : en effet, Gabriel Eugène Kopp choisit de raconter son historiette via un parti pris formel de mix-writing et alterne ainsi récits classiques, extraits de journaux, rapports fédéraux officiels et officieux, retranscriptions d’enregistrements audio.
Au nord-nord-ouest d’Éden est donc un essai audacieux, surtout compte tenu de la frigidité actuelle du milieu de l’imaginaire qui est entré de plein pied dans sa troisième période glaciaire. Gabriel Eugène Kopp transforme à moitié cet essai, puisque s’il se tire avec adresse du mélange des genres et du caméléonisme stylistique qu’il s’impose, il s’avère assez pataud quand il retombe dans une narration traditionnelle – le chapitre un est à ce titre assez laborieux –, une narration percluse de trop de scories, des scories de jeunesse dans l’ensemble (style emprunté, phrases courtes, surabondance de « ! » et de « … », recours trop systématique aux dialogues, effets de science fiction datés, personnages palots, hum…).
Alors, oui, Au nord-nord-ouest d’Éden ne convainc pas vraiment et semble manquer d’expérience, de recul et d’une véritable démarche narrative ; mais, oui aussi, il convient, une fois le coup accusé, d’accorder une seconde chance magnanime à Gabriel Eugène Kopp, ne serait-ce que parce qu’à force de le répéter on finit par bien avoir son nom en bouche, et surtout pour l’audace, bien téméraire certes, dont il a fait preuve – qu’il n’oublie pas cependant que si la science fiction se doit de s’affirmer comme un formidable laboratoire, elle ne peut pas être que cela.
Si Au nord-nord-ouest d’Éden n’est donc pas spécialement recommandable, il est en revanche fortement conseillé de parcourir a minima son annexe 1, une annexe qui prend la forme d’une retranscription d’un enregistrement audio, retranscription parcellaire et annotée par un des participants, offrant ainsi un petit plaisir de lecture qui, malgré les nombreux défauts de cette novella, abandonne le lecteur sur une note optimiste.