ActuSF : Un samouraï et une Shaolin en 1437 à Chaumont, Haute-Marne. M’enfin Céline Minard, qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
Céline Minard : L’envie de déplacer le moyen-âge et la petite ville sous remparts un peu en dehors de leurs gonds. Une sorte de court-circuit peut-être.
ActuSF : Plus sérieusement, le sujet est insolite, le traitement l’est plus encore. Comment passe-t-on d’un roman comme Le Dernier Monde à Bastard Battle ?
Céline Minard : J’étais un peu fatiguée après Le Dernier monde, je n’arrivais plus à lire de littérature, alors je lisais des mangas, à l’envers, et du coup, j’ai écrit un autre Dernier monde, à l’envers aussi, en quelque sorte. On ne voyage plus sur tous les continents, la terre n’est pas petite, elle est grande, on ne sait pas voler, et le monde est là, dans un mouchoir de poche. Et les gens sont plutôt vivants.
ActuSF : Dans quel esprit avez-vous écrit Bastard Battle ?
Céline Minard : Guerrier, dans un esprit guerrier de guerre individuelle. L’armée n’existe pas, le pouvoir n’est pas installé, il se désinstalle tout le temps, les alliances se transforment et s’inversent d’un jour sur l’autre, je me suis dit, voilà, c’est une époque sanglante et libre, voyons voir ce que ça peut nous faire maintenant.
ActuSF : Pourquoi avoir choisit un épisode aussi obscur de l’Histoire de France, et surtout avoir situé l’action dans une région qui, le moins qu’on puisse dire, ne suscite guère les passions ?
Céline Minard : Ah mais ce n’est pas vrai ! Chaumont a suscité de grandes passions, et Langres et Villiers-le-sec et tout le Bassigny, un vrai repaire de coquillards, on y mangeait bien, le pays était riche, tout à fait pillable, ils revenaient tous les hivers, une vraie plaie. La ville a vraiment été prise par une bande d’écorcheurs en 1437, ils y sont restés un an et (officiellement) la peste les en a chassé. Pour moi, tout ce qu’il y a autour de Dijon, et largement, c’est le moyen-âge le plus distingué, la fine fleur des ducs, une culture magnifique, avec des bibliothèques de livres enluminés dans tous les couvents. Et les coquillards, les écorcheurs, c’est la figure (hautement littéraire) du brigand cruel et poétique : ils parlent une langue secrète, que Villon connaissait, que Schwob a décryptée en partie à partir d’un procès-verbal de 1455.
Et puis Les Sept samouraïs de Kurosawa, par exemple, ça ne se passe pas en ville, mais dans la campagne la plus isolée, désolée, chez les paysans. C’est un tout petit fait, peut-être même pas historique mais c’est un grand film !
ActuSF : Où avez-vous puisé votre inspiration ?
Céline Minard : Villon, Rutebeuf, Les Chroniques de Froissart et d’autres, Le Journal d’un bourgeois de Paris, les troubadours, Cervantès, Au bord de l’eau de Shi Nai-An, Kill de Okamoto, Le Sabre du mal (superbe), John Woo, la violence très particulière des Bruce-Lee, les films de kung-fu où les personnages s’envolent dans les arbres et les forêts de bambous.
ActuSF : Quelles ont été les principales difficultés lors de l’écriture de Bastard Battle ?
Céline Minard : Je ne sais pas, garder l’oreille peut-être.
ActuSF : Pourquoi cette langue, ce vieux françoye, qui est en partie réinventé (et heureusement pour le lecteur d’ailleurs) ?
Céline Minard : Parce que c’est une langue qui transporte avec elle sa violence, la violence de son époque (assez différente de notre violence actuelle), parce qu’elle est très condensée et permet des coupes franches, des contrastes durs. C’est un mélange, évidemment, ce n’est pas du vieux français, c’est une sorte de français contemporain imbibé de la rythmique du XVème. Une rythmique très rapide, très vive, plus encore que celle de Shakespeare (je parle du vrai vieux français là !). Le mien, le faux vieux français, est traversé par cette poétique mais aussi par de l’anglais, des noms espagnols, une bribe d’allemand, parce que les bandes d’écorcheurs étaient loin d’être homogènes, on y trouvait des Espaignols et des Germains (pourquoi pas des chinoises ?). Ce mélange fait partie de l’histoire, la langue s’est imposée, elle a décidé des rebondissements, des cruautés, de la forme des combats, à outrance, en champs clos, ou pas.
ActuSF : Les dialogues sont particulièrement vifs, et on a un très bel assortiment d’insultes moyen-âgeuses. Où les avez-vous donc trouvées ?
Céline Minard : Pour les insultes aussi j’ai croisé plusieurs sources, dont les fabliaux où l’on trouve beaucoup de belles choses, et puis Rabelais, qui est très fort aussi, et puis cette autre mine (pour les défis verbaux entre autres) qu’est le roman fleuve Au bord de l’eau que j’ai déjà cité. Mais bien sûr, les insultes, il faut les travailler comme le reste, à l’oreille, en déformant et reformant tout.
Et pour les dialogues, il faut faire toutes les grimaces, il faut les voir.
ActuSF : Bastard Battle est un roman politique ou un roman punk ?
Céline Minard : Politique. Profondément politique, merci pour cette question. Le punk aussi est politique mais Bastard Battle n’est pas no futur. C’est un récit dont j’aimerais qu’on sorte activé, réactivé, un peu vibrant, avec l’idée qu’un sabre peut encore, toujours, être manié par un individu ou une poignée d’individus. La rébellion est un mouvement qui me plaît.
ActuSF : Quatre romans, quatre éditeurs. Vous n’êtes pas du genre à vous attacher on dirait ?
Céline Minard : Disons qu’on ne m’attache pas, plutôt.
ActuSF : Comme vous semblez aimer désarçonner vos lecteurs dans leurs habitudes, à quoi doivent-ils s’attendre pour la suite ?
Céline Minard : Si je le savais !
Céline Minard : L’envie de déplacer le moyen-âge et la petite ville sous remparts un peu en dehors de leurs gonds. Une sorte de court-circuit peut-être.
ActuSF : Plus sérieusement, le sujet est insolite, le traitement l’est plus encore. Comment passe-t-on d’un roman comme Le Dernier Monde à Bastard Battle ?
Céline Minard : J’étais un peu fatiguée après Le Dernier monde, je n’arrivais plus à lire de littérature, alors je lisais des mangas, à l’envers, et du coup, j’ai écrit un autre Dernier monde, à l’envers aussi, en quelque sorte. On ne voyage plus sur tous les continents, la terre n’est pas petite, elle est grande, on ne sait pas voler, et le monde est là, dans un mouchoir de poche. Et les gens sont plutôt vivants.
ActuSF : Dans quel esprit avez-vous écrit Bastard Battle ?
Céline Minard : Guerrier, dans un esprit guerrier de guerre individuelle. L’armée n’existe pas, le pouvoir n’est pas installé, il se désinstalle tout le temps, les alliances se transforment et s’inversent d’un jour sur l’autre, je me suis dit, voilà, c’est une époque sanglante et libre, voyons voir ce que ça peut nous faire maintenant.
ActuSF : Pourquoi avoir choisit un épisode aussi obscur de l’Histoire de France, et surtout avoir situé l’action dans une région qui, le moins qu’on puisse dire, ne suscite guère les passions ?
Céline Minard : Ah mais ce n’est pas vrai ! Chaumont a suscité de grandes passions, et Langres et Villiers-le-sec et tout le Bassigny, un vrai repaire de coquillards, on y mangeait bien, le pays était riche, tout à fait pillable, ils revenaient tous les hivers, une vraie plaie. La ville a vraiment été prise par une bande d’écorcheurs en 1437, ils y sont restés un an et (officiellement) la peste les en a chassé. Pour moi, tout ce qu’il y a autour de Dijon, et largement, c’est le moyen-âge le plus distingué, la fine fleur des ducs, une culture magnifique, avec des bibliothèques de livres enluminés dans tous les couvents. Et les coquillards, les écorcheurs, c’est la figure (hautement littéraire) du brigand cruel et poétique : ils parlent une langue secrète, que Villon connaissait, que Schwob a décryptée en partie à partir d’un procès-verbal de 1455.
Et puis Les Sept samouraïs de Kurosawa, par exemple, ça ne se passe pas en ville, mais dans la campagne la plus isolée, désolée, chez les paysans. C’est un tout petit fait, peut-être même pas historique mais c’est un grand film !
ActuSF : Où avez-vous puisé votre inspiration ?
Céline Minard : Villon, Rutebeuf, Les Chroniques de Froissart et d’autres, Le Journal d’un bourgeois de Paris, les troubadours, Cervantès, Au bord de l’eau de Shi Nai-An, Kill de Okamoto, Le Sabre du mal (superbe), John Woo, la violence très particulière des Bruce-Lee, les films de kung-fu où les personnages s’envolent dans les arbres et les forêts de bambous.
ActuSF : Quelles ont été les principales difficultés lors de l’écriture de Bastard Battle ?
Céline Minard : Je ne sais pas, garder l’oreille peut-être.
ActuSF : Pourquoi cette langue, ce vieux françoye, qui est en partie réinventé (et heureusement pour le lecteur d’ailleurs) ?
Céline Minard : Parce que c’est une langue qui transporte avec elle sa violence, la violence de son époque (assez différente de notre violence actuelle), parce qu’elle est très condensée et permet des coupes franches, des contrastes durs. C’est un mélange, évidemment, ce n’est pas du vieux français, c’est une sorte de français contemporain imbibé de la rythmique du XVème. Une rythmique très rapide, très vive, plus encore que celle de Shakespeare (je parle du vrai vieux français là !). Le mien, le faux vieux français, est traversé par cette poétique mais aussi par de l’anglais, des noms espagnols, une bribe d’allemand, parce que les bandes d’écorcheurs étaient loin d’être homogènes, on y trouvait des Espaignols et des Germains (pourquoi pas des chinoises ?). Ce mélange fait partie de l’histoire, la langue s’est imposée, elle a décidé des rebondissements, des cruautés, de la forme des combats, à outrance, en champs clos, ou pas.
ActuSF : Les dialogues sont particulièrement vifs, et on a un très bel assortiment d’insultes moyen-âgeuses. Où les avez-vous donc trouvées ?
Céline Minard : Pour les insultes aussi j’ai croisé plusieurs sources, dont les fabliaux où l’on trouve beaucoup de belles choses, et puis Rabelais, qui est très fort aussi, et puis cette autre mine (pour les défis verbaux entre autres) qu’est le roman fleuve Au bord de l’eau que j’ai déjà cité. Mais bien sûr, les insultes, il faut les travailler comme le reste, à l’oreille, en déformant et reformant tout.
Et pour les dialogues, il faut faire toutes les grimaces, il faut les voir.
ActuSF : Bastard Battle est un roman politique ou un roman punk ?
Céline Minard : Politique. Profondément politique, merci pour cette question. Le punk aussi est politique mais Bastard Battle n’est pas no futur. C’est un récit dont j’aimerais qu’on sorte activé, réactivé, un peu vibrant, avec l’idée qu’un sabre peut encore, toujours, être manié par un individu ou une poignée d’individus. La rébellion est un mouvement qui me plaît.
ActuSF : Quatre romans, quatre éditeurs. Vous n’êtes pas du genre à vous attacher on dirait ?
Céline Minard : Disons qu’on ne m’attache pas, plutôt.
ActuSF : Comme vous semblez aimer désarçonner vos lecteurs dans leurs habitudes, à quoi doivent-ils s’attendre pour la suite ?
Céline Minard : Si je le savais !