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Bifrost 53 - l'Edito

Olivier Girard (Redacteur en chef), Christopher Priest ( Auteur), China Miéville ( Auteur), Jérôme Noirez ( Auteur), Anders Lazaret (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/12/2008  -  livre
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Bifrost 53 - l'Edito

Que retiendra-t-on de l’année 2008 ? D’un strict point de vue éditorial, évidemment (on oublie donc l’élection d’Obama, les chaussures sur la tronche de George W., la faillite du Parti Socialiste français, l’effondrement d’un système marchand inique et dérégulé qui spécule jusque sur la valeur même du travail, ou les dérives d’un gouvernement qui fait sienne une télévision publique tout en traquant les sans papiers — à propos de dérive gouvernementale, et histoire de rester dans le strict champ littéraire, on renverra le lecteur curieux à un excellent roman d’anticipation dont on reparlera bientôt : Australia Underground de Andrew McGahan chez Actes Sud, où comment l’Australie, sous la houlette d’une Amérique ouvertement fasciste, glisse à son tour vers le totalitarisme…). Que s’est-il passé dans le petit paysage des littératures de genre français ? En dépit d’un marché du livre plus que tendu dans sa globalité (inquiétudes quant à l’impact des nouvelles technologies sur le comportement des lecteurs, recul général du grand format au bénéfice du poche, politique de retours massifs des chaînes de distribution, à commencer par la Fnac, disparition de la disponibilité des fonds en librairie, surproduction, etc) et, de manière plus spécifique, malgré un tassement des ventes assez notable du côté de la fantasy, tassement sans doute imputable à une offre de plus en plus pléthorique et, de fait, médiocre, le petit monde des littératures de genre s’est montré fort dynamique.

A commencer par le secteur du poche, où les lignes ont pas mal bougé. Car si les deux leaders du domaine S-F/fantasy demeurent J’ai Lu et Pocket, l’arrivée du label Milady des éditions Bragelonne a beaucoup contribué à redistribuer les cartes et pas mal secoué le landerneau. Il faut dire que ces dernières années, avec la naissance du Livre de Poche « Fantasy » (collection sœur de l’historique Livre de Poche « SF »), Points « Fantasy » et donc, dernièrement, Milady qui, tous les mois, propose rien moins qu’une dizaine de titres environ (soit plus que Pocket et J’ai Lu réunis !), l’offre s’est notablement diversifiée. A ceci près que les dommages collatéraux n’auront pas tardé à se faire sentir : la collection Points « Fantasy », dont nous sommes sans nouvelle depuis des mois, semble sur le carreau. Une collection poche chasse l’autre, en somme, Milady ayant pris l’espace occupé par Points « Fantasy » (si l’ambition avait été, justement, de créer un espace supplémentaire, le résultat actuel paraît mitigé…), avec cette « petite » différence tout de même que Milady publie beaucoup, on l’a dit, près de trois fois plus que ne publiait la collection spécialisée du Seuil. Bref… Une collection de poche morte ou quasi (Points « Fantasy ») ; un nouveau label poche et grand format (Milady) : c’est déjà pas mal côté nouveautés pour 2008. Mais ce n’est pas tout, loin s’en faut. Car 2008 aura aussi marqué l’avènement d’un certain nombre de toutes petites structures éditoriales ; un signe qui ne trompe généralement pas sur l’état de vitalité d’un secteur. Interkeltia, Griffe d’encre, la collection « Imaginaires » des éditions Glyphe… Avec une production plus ou moins régulière selon les structures, une visibilité plus ou moins grande selon leur diffusion, et une qualité qu’on jugera inégale, ces petites maisons n’en existent pas moins et proposent leur lot de nouveautés régulières en librairie. Si on ajoute à ces noms des structures plus anciennes et donc dotées d’un catalogue sinon irréprochable, en tous cas plus étoffé (les Moutons électriques, le Bélial’, Mnémos, Nestiveqnen, la Volte…), auxquelles s’ajoutent les microstructures qui privilégient une diffusion via la VPC et Internet (ActuSF, Eons, Rivière blanche), on réalise que la petite édition indépendante fait preuve, dans le domaine des littératures de genre, d’un dynamisme remarquable. Naturellement, les situations varient d’une structure à l’autre. Il en est qui ont disparu en 2008 (les éditions Nuit d’Avril, placées en liquidation judiciaire), d’autres qui semblent pour le moins mal en point (Nestiveqnen), ou avoir perdu (pour un temps ?) leur réactivité passée (Mnémos). Certes. Mais dans l’ensemble le boulot est fait, notamment au niveau des jeunes auteurs français, ce qui est particulièrement réjouissant (car n’oublions pas que l’avènement de l’actuelle génération d’auteurs, d’une profusion et d’un niveau global exceptionnels, ceux qu’on voit désormais publiés chez Denoël, Calmann-Lévy, le Fleuve Noir ou Albin Michel, les Mauméjean, Heliot, Colin, Day, Di Rollo, Dufour, Noirez, Kloetzer et autres, doit beaucoup, sinon tout, aux petites structures indépendantes).

En ce qui concerne les revues et supports périodiques, le bilan est moins réjouissant. Galaxies nous est revenue en 2008, mais la médiocrité des deux numéros proposés ne peut décemment pas faire de ce support un acteur de poids dans le paysage éditorial, de même que son absence quasi totale en librairie. Qualité, régularité et diffusion sont les charpentes d’une revue qui souhaite s’affirmer comme professionnelle et, sur deux de ces points, Galaxies est pour l’heure très loin du compte… Quant à Khimaira, le seul magazine digne de ce nom consacré à nos domaines et diffusé en presse, il vient de mettre la clé sous la porte après seize numéros (demeure le site internet, mais un site n’est pas un magazine). Quid des abonnés ? Aucune idée. Reste donc l’excellente anthologie périodique Fiction, éditée par les Moutons électriques, qui vient de publier son huitième opus, et Solaris, revue québécoise peu disponible dans l’Hexagone. Et enfin Bifrost, bien sûr, qui se porte fort bien, merci pour elle, notamment grâce à une nouvelle diffusion effective depuis le mois de mai dernier (diffusion qui nous rend désormais disponible dans toute la Francophonie), et compte un volant d’abonnés qui ne cesse de croître (un peu moins de 600 au moment de la sortie de notre numéro 53).

Au final, l’année 2008 aura été, pour nos domaines, riche en rebondissements, nouveautés et initiatives de toutes sortes… A l’heure où les angoisses de la profession quant à l’année 2009 se font plus précises du fait d’une conjoncture économique déplorable, il y a en cela de bonnes raisons d’espérer. Une note d’espoir, donc, sur laquelle je vous abandonne en compagnie de notre hôte du trimestre, le jeune et brillant écrivain anglais China Miéville, sans omettre de vous souhaiter le meilleur pour cette nouvelle année, et de vous donner rendez-vous le 24 avril prochain, date de parution du Bifrost 54…

Oups… une dernière chose. Le présent numéro marque un anniversaire : les dix ans de la rubrique « Scientifiction » animée dans nos pages par l’astrophysicien Roland Lehoucq. Qui dit anniversaire dit bien sûr cadeau. Aussi, pour célébrer comme il se doit le cap de ces dix années, nous avons décidé d’offrir aux lecteurs de Bifrost l’un des ouvrages de notre collaborateur : Faire de la science avec Star Wars, publié aux éditions du Pommier (ouvrage qui fut écrit d’après un article de Roland initialement publié dans Bifrost). Pour recevoir votre bouquin, rien de plus simple : écrivez-nous, précisez votre adresse et joignez à votre demande 2 euros en timbres… Commencer l’année avec un cadeau,



Olivier Girard

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