Après l'Encyclopédie du merveilleux en trois tomes, les éditions du Pré au Clercs publient dans leur collection Fantasy deux nouveaux ouvrages de référence :  L'Encyclopédie du légendaire et "L’Encyclopédie des Elfes ». Ce dernier ouvrage est le fruit d’une rencontre hautement improbable entre un éditeur, un érudit et trois excellents illustrateurs.

C’est un guide illustré complet sur les Elfes de l’univers de J.R.R. Tolkien. Un album packagé comme un grimoire, avec ses 180 pages de papier glacé jauni. Un livre qui ravira les grands amateurs d’Elfes ou, plus largement, de la Terre du Milieu.  Un livre qui déroutera un peu, tant il est riche et précis, les elfophiles pressés, qui se sont contentés des films de Peter Jackson. Ces derniers pourront toujours feuilleter les images, ils seront, quoi qu’il arrive, séduits par les illustrations de Sandrine Gestin, de Ted Nasmith et de Thierry Cardinet.

Un guide touristique de luxe

Les Quendis (Elfes) sont des êtres immortels. Ils sont apparus avant les hommes. Le dieu Eru décida que les premiers Elfes dormiraient dans l’herbe verte et qu’ils ne s’éveilleraient que lorsque le corps serait adulte. Les trois « Pères des Elfes », Imin, Tata et Enel, s’éveillèrent les premiers, avant leurs épouses. C’est de cet éveil des ancêtres qu’est née la lignée des Elfes. Ils vivaient en communion avec la nature, de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Trois ethnies indépendantes vivaient paisiblement sans hiérarchie : les Elfes blancs, les Elfes savants, les Elfes marcheurs.

Les annales de Beleriand, les annales de Valinor, les annales grises et les annales d’Aman nous permettent de tenir une chronologie historique des Hauts Elfes. De l’an 1 de l’ère des arbres jusqu’au quatrième âge, l’encyclopédie permet de retracer les grands événements du royaume des Elfes : floraisons lumineuses des deux arbres magiques de Valinor, le faux dôme magique de la déesse Varda, séparation des Elfes en clans, les grandes batailles (dont celles contre les troupes de Morgoth sous le commandement de Sauron et la bataille des cinq armées).

Saviez-vous que les Elfes sont peut-être à l’origine des Orques ? Qu’ils vivent des centaines d’années ? Qu’ils sont télépathes ? Qu’ils sont expressifs, joyeux, polis et accueillants ? Qu’ils vénèrent l’étoile Sirius et qu’ils craignent Melcor, le dieu du Mal ? L’encyclopédie des Elfes pourra vous servir de guide complet si vous souhaitiez vivre un tant soit peu parmi eux. Un guide linguistique, un guide des bonnes manières, du langage du corps, des us et coutumes. Vous n’aurez plus aucune excuse si le voyage se passe mal.

Elfpoustouflant !

Le livre est structuré en cinq chapitres : l’origine du peuple des Elfes, l’histoire des Hauts Elfes et de leurs anciens rois, les us et les coutumes des Elfes, les écritures elfiques, les langues elfiques. Les textes sont construits comme des articles encyclopédiques décrivant une réalité historique et non une reconstruction autour de l’œuvre de Tolkien. Les Elfes sont traités comme une civilisation (à peine) passée, comme on pourrait le faire des Grandes Oreilles de Rapa Nui, des Scythes ou des Mayas. Dans la Préface, Edouard Kloczko précise qu’il a enquêté sur les écrits de Tolkien comme un philologue l’aurait fait avec des manuscrits anciens. Comme si l’univers scriptural de Tolkien définissait un corpus mythologique évangélique, dont les exégèses révélaient l’unité profonde. La clé d’un autre monde, dont la civilisation elfique est un des piliers.

Un travail de ouf ! Elfpatant ! Rien n’est laissé au hasard : l’alphabet, les noms propres, la langue (on connaît le penchant philologique de Tolkien), les légendes, les jeux, les signes, le langage du corps, les généalogies, les chronologies, les blasons. Le tout solidement documenté, révérencieux (hommage au prophète Tolkien) et ironique. Car le clin d’œil y est toujours à fleur de mot. On hésite constamment entre l’ouvrage d’érudition et la parodie d’encyclopédie, où le luxe de détails constitue, en lui-même, un jeu digne d’Alfred Jarry. Sacrifice didactique aux tribus elfiques de France et de Noldor.  

Un précieux ouvrage. Qui ne sera pas utile qu’aux auteurs de fantasy. Les chapitres aux allures de parchemin sont enrichis d’illustrations pédagogiques, de cartes des Terres elfiques, de lexiques théologique, historique, linguistique, de généalogies, de tableaux chronologiques. Les illustrations couleur de Sandrine Gestin sont superbes. Celles du maître Ted Nasmith aussi, mais elles sont plus rares. Celles de Thierry Cardinet (souvent noir et blanc) sont un ton légèrement en-dessous, mais elles ont plus une vocation « photographique » qu’onirique.

Un grand bravo à Edouard Kloczko pour son travail. Une encyclopédie à lire et à relire régulièrement si l’on veut tout savoir des Elfes, de Tolkien et si l’on souhaite se plonger dans l’archéologie d’une civilisation imaginaire.