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50° au-dessous de zéro

Dominique Haas (Traducteur), Kim Stanley Robinson ( Auteur), Marko Tardito (Illustrateur de couverture)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 09/06/2011  -  livre
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50° au-dessous de zéro

Kim Stanley Robinson est un auteur américain engagé qui cherche à exprimer et faire partager à travers ses romans sa perception de notre société et ses rêves de progrès. N’étant pas lui-même scientifique de formation, mais plutôt un autodidacte passionné, il construit pourtant ses textes autour de précisions techniques dignes des spécialistes.

50° au-dessous de zéro est le second volume de sa trilogie sur le réchauffement climatique, après Les 40 Signes de la pluie.

Un nouveau Dryas récent

Washington se remet lentement des pluies catastrophiques qui ont ravagé une bonne partie de la ville, suite au réchauffement climatique brutal qui s’amorce. Le déluge a laissé certains quartiers ou tronçons impraticables, les loyers ont fortement augmenté et de nombreux sans-abri tentent de s’adapter à la nouvelle situation, et à l’hiver extrêmement rigoureux qui sévit. Le sénateur Phil Chase, qui cherche désormais à alerter la nation de l’urgence écologique planétaire, décide sur les conseils de Charlie de se présenter à l’élection présidentielle américaine. Anna continue d’aider les Khembalais par tous les moyens à sa portée. Ces derniers s’intéressent de plus en plus à Joe, ce qui commence à inquiéter Charlie, qui craint qu’ils ne voient dans son fils la réincarnation d’un lama tibétain.

Franck a quant à lui finalement choisi de rester à la NSF suite à la proposition de Diane, pour diriger le programme d’urgence écologique. Il se retrouve à la rue, le bail de location de son appartement ayant pris fin. Il élit alors volontairement domicile dans un arbre du Rock Creek Park, dans une sorte de retour à la nature et pour approcher le mode de vie des homos sapiens. Il y fait la connaissance des lanceurs de Frisbees et d’un groupe de sans-abri, et s’inscrit au FOG (Feral Observation Group) afin d’observer les animaux du zoo qui n’ont pas pu être récupérés suite à l’inondation. Alors que Franck n’y croyait plus, Caroline, la jeune femme qu’il a rencontrée dans l’ascenseur du métro, l’appelle en pleine nuit pour lui donner un rendez-vous. Elle lui apprend que leur rencontre ne doit rien au hasard : elle était chargée de l’espionner car il est surveillé par une agence de la sécurité du territoire, qui s’intéresse surtout à Yann Pierzinski et son algorithme. Partout dans le monde, le climat se transforme et les catastrophes se succèdent à un rythme soutenu…

Des projets monumentaux

Le climat de la planète Terre est en train de subir la même transformation que lors du Dryas récent, un épisode glaciaire d’il y a environ 10 000 ans. C’est-à-dire que l’on passe du schéma chaud-humide au froid-sec-venteux, à cause notamment de la circulation thermohaline qui est perturbée, et de la stagnation du Gulf Stream.

La NSF propose alors une idée démesurée : déverser des milliers de tonnes de sel directement dans l’océan pour essayer de faire redémarrer le courant du Gulf Stream. D’autres projets colossaux sont évoqués par l’équipe de Franck, notamment pour réduire le taux de CO2 de l’atmosphère. C’est là que nous comprenons l’intérêt et le lien de l’algorithme créé par Yann Pierzinski. Le projet qui consistait à modifier les cellules humaines ne fonctionne certes pas, mais Yann et Marta travaillent sur la modification de l’ADN de lichens, qui, vivant en symbiose avec les arbres, pourraient leur permettre d’absorber une quantité de CO2 beaucoup plus grande que la normale. C’est pour cela que cette étude est étroitement surveillée.

Les politiques et les groupes multinationaux restent cependant presque tous réfractaires au changement de mode de vie, et s’évertuent à nier des faits pourtant bien réels. Le monde n’est pas prêt à modifier son comportement, levier psychologique essentiel qui permettrait pourtant de faire changer les choses.

Changement de paradigme

Ce second volume de la trilogie de Kim Stanley Robinson est effectivement axé sur le « changement de paradigme » - comme le mentionne le personnage de Franck -, celui, espéré, de la société mondiale face à la réalité du danger, et celui, plus intime, de la prise de conscience personnelle de Franck Vanderwal, en lien avec son nouveau mode de vie.

Côté romanesque, cette fois-ci l’équilibre est mieux tenu entre les précisions scientifiques et l’intrigue, mais les passages consacrés au fonctionnement des institutions et agences scientifiques sont encore trop nombreux. Le roman est centré presque essentiellement sur le personnage de Franck, Charlie et Anna étant relégués au second plan. Ce qui s’avère pertinent, car il s’agissait du personnage le plus intéressant. D’autre part les femmes en général tiennent une place importante dans l’intrigue, que ce soit Diane Chang, qui dirige la NSF ou Caroline. L’affaire d’espionnage apporte aussi du dynamisme au récit, conférant une dimension presque polar à ce texte. Les Khembalais sont également au centre du récit, comme l’exemple type de la souplesse d’esprit et du respect de la nature.

Ce que Franck vit- en parallèle de son histoire d’amour avec Caroline, et des sentiments ambigus avec Diane -, c’est une véritable révélation. Le discours que Rudra Cakrin avait tenu à la NSF sur « l’excès de raison » a bouleversé sa façon de penser. Il s’interroge sur la finalité de la vie humaine, et estime que l’empathie, le comportement « toujours généreux » est en fin de compte un comportement gagnant, qui permet le bon développement de l’espèce, grâce à la coopération. Sorte de Robinson Crusoé dans sa cabane du Rock Creek Park, – même si très actif dans sa vie sociale comme dans son travail-, il tient lieu de vigie pour le lecteur, d’observateur sur les événements qui se déroulent et le changement climatique. Car mis à part quelques mentions de catastrophes, le lecteur, dans ce second volume, n’est pas non plus plongé au cœur des événements climatiques, mais au centre des tractations politiques et scientifiques, tout comme dans le premier tome. Avec une grande précision certes, mais cette orientation peut parfois être un peu ennuyeuse.

Franck apprend à méditer en observant l’environnement naturel du Rock Creek Park et en lisant quotidiennement des citations de Ralph Waldo Emerson, écrivain américain d’une mouvance transcendantaliste autour de la Nature. Dans le roman Franck consulte un site web : emersonfortheday.com, qui propose chaque jour une citation différente de l’auteur. Ce site web existe bel et bien désormais, mais ne préexiste pas au roman : un fervent lecteur de Kim Stanley Robinson a lui-même créé ce site cette page suite à sa lecture de 50° degré au-dessous de zéro. Le message semble donc bien passer.

Et cela rejoint le côté un peu new-age du roman, qui, même s’il reste distillé habilement dans la trame du récit, est parfois trop appuyé, ce qui peut par moment perdre le lecteur. Le monde ici présenté par Kim Stanley Robinson est loin des questionnements plus intenses posés par la trilogie martienne. Kim Stanley Robinson cherche à ce que nous fassions face à nos propres responsabilités, et s’appuie pour cela sur la philosophie. Quoi qu’il en soit l’auteur nous rappelle certaines vérités ou pensées, à l’image de la phrase de conclusion de Rudra Cakrin : « (…) tout le monde dans sa propre vie, trompant tous les autres… Non ! C’est facile de vivre des vies multiples ! Ce qui est difficile, c’est d’être une personne entière. »

Un second tome dans la même veine que le premier

Ce second volume de la trilogie écologique de Kim Stanley Robinson confirme à nouveau sa grande rigueur scientifique dans les hypothèses qu’il présente, que ce soit dans les causes et conséquences du réchauffement climatique, ou dans les solutions imaginées pour y remédier. La part accordée à l’histoire des personnages est plus importante que dans le précédent tome, et entraîne plus le lecteur dans le récit, même si la proportion entre intrigue et faits décrits n’est pas encore idéale. Mais ces quelques défauts n’empêchent pas ce texte d’être agréable à lire, surtout qu’il est toujours intéressant qu’une voix s’élève contre notre propension à dilapider nos propres ressources et pour nous rappeler des évidences souvent ignorées, comme l’altruisme.

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