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Interview 2017 : Brice Tarvel pour Pierre-Fendre
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Interview 2017 : Brice Tarvel pour Pierre-Fendre

Parler de soi, voilà qui n’est pas mon fort. Je le fais à petites doses dans certaines de mes fictions, mine de rien, y incorporant aussi des noms, des comportements et des situations de gens que j’ai connus dans mon enfance et mon adolescence. Mais qui d’autre que moi ou certains de mes proches peuvent le détecter ? De nombreux auteurs doivent d’ailleurs procéder de la sorte. Par exemple, au risque de me faire lapider, je dois confesser que j’aime la pluie. Cela vient de longues heures passées dans une méchante cabane couverte d’une tôle dans laquelle, gamin, j’écoutais avec délice les gouttes s’écraser sur le métal ondulé. Sans parler des bonnes odeurs de végétation et de terre mouillée que décuplait l’averse. Voilà pourquoi il pleut très souvent dans mes récits.
 
 
J’ai toujours raconté des histoires. La première, un western, ne comportait qu’une page. C’était une bande dessinée sans texte, car je ne savais pas écrire, n’ayant pas encore fréquenté l’école. Passons sur toutes ces années durant lesquelles je fabriquais des petits livres en les reliant avec du fil à couture chapardé à ma mère et que je dupliquais au papier carbone pour les vendre quelques centimes aux copains.
C’est quand je me suis mis à lire autre chose que des BD petit format, après l’âge de douze ans, que j’ai commencé à écrire des récits un plus copieux et encore bien peu au point. À quatorze ans, j’ai envoyé une nouvelle policière au magazine Nous Deux et il me fut répondu que je devais être bien jeune. Plus tard, j’ai découvert la revue Fiction en tenant trois mois un kiosque à journaux et j’ai envoyé des nouvelles à droite et à gauche. Alain Schlockoff fut mon premier éditeur, en publiant deux de mes petits textes dans son fanzine Macabre. Vinrent ensuite Horizons du fantastique, L’Impossible et de nombreux autres petits supports. Bien des tentatives pour accéder au Fleuve Noir peu après, mais en pure perte. Faut dire que j’avais encore beaucoup à apprendre. C’est dans deux anthologies que je parvins à prendre place dans de vrais bouquins : Dédale 2 chez Marabout et Les Lolos de Vénus chez Kesselring.
 
Dès lors, j’ai été détourné des histoires sans images en rendant service à un copain dessinateur, Patrice Sanahujas. Il avait besoin d’un scénariste pour des enquêtes policières en cinq planches à destination d’un hebdomadaire des éditions Fleurus. Je me suis ainsi retrouvé dans la bande dessinée durant quinze ans, scénarisant près d’une trentaine d’albums pour les éditions Soleil et quelques autres.
 
En parallèle j’ai proposé des romans aux éditions Fleuve Noir qui, cette fois, les acceptèrent sans sourciller. M’éloignant de la bande dessinée, ou elle s’éloignant de moi, j’enchaînais alors les romans et les nouvelles. De la même façon que je m’applique à diversifier mes lectures — de Georges Simenon à Philip K. Dick —, j’aime écrire dans des genres très variés, fantastique, science-fiction, fantasy, polar, aventure, etc. Aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. Il y a en outre cette manie à vouloir jouer les caméléons, à tenter d’imiter. J’ai ainsi pondu des aventures de Harry Dickson, de Bob Morane, rédigé des nouvelles à la façon de G.-J. Arnaud, de Graham Masterton, de Jacques Sternberg, et il y en aura d’autres.
 
 
Aujourd’hui, mon actualité, c’est Pierre-Fendre, mon plus gros roman jusqu’à présent. Un récit de fantasy dont le thème de départ m’a été soufflé par André-François Ruaud, grand berger s’appliquant à électrifier ses moutons au moment opportun. 
 
Rien ne m’aiguillonne davantage qu’une contrainte. Celle-là était : « Tu m’écris un one shot se déroulant dans un immense château. » Ce château, après cogitation, je me mis à le concevoir comme un monde carcéral constitué de très vastes pièces-territoires dont chacune se voyait attribuer une saison. Je n’eus plus qu’à imaginer une série de personnages plus ou moins fréquentables, ayant tous des passions et des intérêts différents. Il me fallut aussi m’atteler au fonctionnement de cette gigantesque prison, lui trouver un système d’éclairage pour remplacer son ciel inexistant, par exemple, puis la peupler d’une faune et d’une flore forcément particulières.
 
Je suis resté enfermé plus de six mois dans cette formidable geôle. Mon casier judiciaire demeure toutefois vierge et le vôtre ne le sera pas moins — s’il n’est déjà entaché — si vous vous hasardez à ouvrir ces pages et à cheminer jusqu’à Pierre-Fendre.
 
On commence souvent une biographie comme je termine celle-ci. Je suis né à Reims après-guerre, j’y habite toujours et, étant un fichu sédentaire, il y a de bonnes chances que j’y serai enterré. Mais bon, j’ai encore un paquet d’histoires qui me trottent dans la tête.
 

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