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Jackie Paternoster en Interview
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Jackie Paternoster en Interview



Une illustratrice controversée
De la peinture à Photoshop en passant par le théâtre
Illustratrice de science-fiction
D’autres cordes à son arc
A suivre…


heliconia

Une illustratrice controversée

« mes couvertures ne laissent pas indifférent. »

ActuSF : L’envie de vous interroger nous est venue suite à la lecture d’Eifelheim de M. Flynn dont vous signez l’illustration de couverture. Au fur et à mesure des pages, l’illustration prenait son sens et laissait entrevoir une démarche d’artiste.
Que pouvez-vous nous dire de cette couverture ? Qu’avez-vous cherché à faire ?

Jackie Paternoster : À faire peur, en illustrant l’explosion à bord du navire extraterrestre qui ne laisse que quelques survivants parmi les insectoïdes qui l’habitaient.
J’en ai parlé avec Gérard Klein et nous sommes tombés d’accord sur le fait que c’était plus important que de donner une image médiévale absurde pour un livre de SF. 


ActuSF : À la sortie de ce livre, comme pour d’autres auparavant, votre travail d’illustratrice a été copieusement commenté sur les forums de discussion, le nôtre et quelques autres. Vous tenez-vous au courant de l’accueil que réserve le public à vos œuvres ? En tenez-vous compte ?

Jackie Paternoster : Non pas trop. En revanche j’écoute ce que me disent mes éditeurs  et  les maquettistes.  Le public est trop vaste pour pouvoir y puiser une inspiration constructive.


ActuSF : Savez-vous que le magazine Bifrost vient d’associer votre nom à son prix de la pire couverture SFF ? Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?

Jackie Paternoster : Ce n’est pas la première fois. Cela me fait sourire. Je m’aperçois que mes couvertures ne laissent pas indifférent. Je suis la championne de quelque chose.

Printemps d'Helliconia

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De la peinture à Photoshop en passant par le théâtre
« Enfermée dans un Mac, je filais dans l’espace de Monde en Monde… »


ActuSF : Comment êtes-vous venue à l’illustration de SF.
Jackie Paternoster : J’ai fait les Arts Déco, de la peinture, du dessin et je suis une lectrice de SF.

ActuSF : Vous êtes donc diplômée de l’ENSAD, comme Eric Scala, qui nous expliquait de quelle manière il y avait appris la polyvalence. Et vous ? Que vous a apporté cette école ?

Jackie Paternoster : C’était merveilleux et un peu difficile. Le merveilleux : je découvrais Paris. J’avais réussi le concours. Je faisais enfin ce que j’avais toujours voulu faire et je me retrouvais libre étudiante après neuf ans de mariage.
Le difficile : j’avais un petit garçon et pas d’argent. J’avais 25 ans.
C’est vrai qu’on apprenait à tout faire à l’ENSAD, les deux premières années. La troisième était exclusivement basée sur l’architecture intérieure. J’ai sauté cette année là. En quatrième, on choisissait une spécialité. Décor de théatre me convenait parfaitement. J’aimais vraiment ça. J’ai pu exercer mes talents au Club Med qui m’engageait avec mon petit garçon pendant les vacances. Malheureusement j’étais à cent lieues de me rendre compte de la difficulté de pénétrer le milieu du spectacle.

ActuSF : Quels artistes ont compté dans votre carrière et/ou vous ont influencée ?
Jackie Paternoster : Mark Tobey

ActuSF : Comment définiriez-vous votre métier aujourd’hui ? Quand et comment avez-vous décidé de l’exercer ?
Jackie Paternoster : Je suis Infographiste. Tout a commencé en 1985, grâce à Ellen Herzfeld  et Dominique Martel. Je me souviendrai toujours de ma première leçon, en noir et blanc bien sûr, avec un petit Mac 128  dont l’écran avait la taille d’une carte postale. Cette initiation m’a secouée au point que ma nuit a été agitée, vertigineuse. Enfermée dans un Mac, je filais dans l’espace de Monde en Monde…
Je me suis mise à travailler avec acharnement sur ce petit Mac. J’explorais toutes ses capacités.  J’ai exposé mon travail plusieurs fois dans les salons Apple, qui s’intéressait beaucoup aux artistes à cette époque. Ils prêtaient du matériel, imprimantes et machines. Kodak  également aidait les créateurs. En 1989, à l’occasion du centenaire de la Révolution Française, Hervé Fischer, co-président de la Cité des arts et nouvelles technologies de Montréal, avait organisé une importante exposition.  Les artistes français étaient invités à présenter leurs oeuvres. Pour cette manifestation j’ai créée sur le petit Mac une œuvre de 30 mètres de long, imprimée sur une machine qui faisait beaucoup de bruit et utilisait du papier à petits trous et dont les feuilles étaient attachées. Avec Gérard Klein nous avions monté en 1987-1988 une Expo intitulée « LES PIXELLISTES » qui réunissait 24 artistes. Cette expo a tourné entre Paris, Rennes,Reims et Montréal.

ActuSF : Avec quels outils travaillez-vous ?
Jackie Paternoster : Un logiciel 3D Bryce. Et, Photoshop comme tout le monde.


gout de l immortalite

Illustratrice de Science-fiction
 « une couverture est davantage une affiche, une enseigne qu’une illustration d’un passage particulier de l’ouvrage »

ActuSF : Alors qu’on trouve de plus en plus de femmes dans l’illustration de Fantasy, il semble qu’il y en ait peu dans la SF. Que vous inspire ce fait ?
Jackie Paternoster : Il y a très peu de lectrices femmes dans la SF .

ActuSF : Vous travaillez régulièrement pour la collection science-fiction du Livre de Poche et, plus régulièrement encore, avec Ailleurs et Demain. Comment ce « partenariat » a-t-il démarré ?

Jackie Paternoster : Gérard Klein qui est un très vieil ami m’a donné cette chance. D’abord au Livre de Poche. Les toutes premières couvertures étaient catastrophiques. Très vite je me suis améliorée et j’ai été encouragée par le DA du L.de P. de l’époque. Pour AD. G.K. cherchait un illustrateur qui travaillait la 3D sur ordinateur. L’artiste allemand qui a créé les premières illustrations de A et D. s’est mis à pratiquer les prix de la Pub et il devenait trop cher pour l’édition.
Mes premiers essais ont plu. Et j’ai continué.

ActuSF : Avez-vous la possibilité de choisir les textes que vous illustrez ?
Jackie Paternoster : Non.

ActuSF : Comment préparez-vous une illustration ? Lisez-vous tous les livres ?
Jackie Paternoster : Il m’est impossible de lire « avant » la plupart des livres dont je fais la couverture pour la bonne raison que mon anglais n’est pas assez efficace pour lire vite et que l’image doit être produite avant que la traduction soit disponible.

Gérard Klein ou le traducteur me communiquent les images fortes que dégage le texte.
L’ambiance générale, l’esprit du livre. J’estime qu’une couverture est davantage une affiche, une enseigne qu’une illustration d’un passage particulier de l’ouvrage.

ActuSF : En regardant vos travaux, sur plusieurs années, on a le sentiment d’une évolution vers moins de figuratif et plus de géométrie. Qu’est-ce à dire ?
Jackie Paternoster : Je préfère l’abstrait pour les recueils de nouvelles. Je pense que l’abstrait peut créer l’ambiance du livre tout en laissant le profil des personnages à l’imagination du lecteur.  

ActuSF : Les couleurs très vives, en revanche, ont toujours été présentes. Y a-t-il une raison à cela ?
Jackie Paternoster : Le rôle de l’affiche que la couverture doit jouer explique en partie mon choix de couleurs vives, contrastées. Mais quelque part je les aime.

ActuSF : Quelle est la couverture dont vous êtes la plus satisfaite ? La moins satisfaite ?

Jackie Paternoster : Il y en a trois que j’aime particulièrement : Limbo de Bernard Wolfe, Dosadi de Frank Herbert, Les Déportés du Cambrien de Robert Silverberg. Je rajoute La loi du Talion de Gérard Klein. L’adipeux cloporte dont j’ai oublié de faire les yeux bleus me plaît.
La plus détestable : Le Temps incertain de Michel Jeury au Livre de Poche. Je me suis rattrapée avec le Temps Incertain paru dans AD qui me satisfait  pleinement et à Michel aussi qui n’a pas oublié de m’envoyer un e-mail.

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ActuSF : Quels rapports entretenez-vous avec les autres illustrateurs du milieu SF ?
Jackie Paternoster : J’ai beaucoup d’admiration pour Philippe Bouchet et Eric Scala, Christopher Foss que j’ai rencontré plusieurs fois. Philippe Druillet que j’aime beaucoup. Je suis assez isolée. Je pense que c’est une question de génération.

ActuSF : Desquels vous sentez-vous proche ?    
Jackie Paternoster : Je me sens davantage proche des peintres. Pour choisir un contemporain qui est  connu disons Garouste.





D’autres cordes à son arc
« il a fallu que je trouve le moyen de gagner de l’argent »

ActuSF : Vivez-vous de votre travail d’illustratrice ?
Jackie Paternoster : Non pas uniquement

ActuSF : Œuvrez-vous ailleurs que dans l’illustration SF ?
Jackie Paternoster : J’ai eu quelques demandes d’amis qui désiraient des copies de tableaux dont ils ne pouvaient acheter l’original. J’ai eu un mal de chien à faire un Tanguy.  J’ai réussi plusieurs Balthus et deux Botéro.   



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ActuSF : J’ai lu que vous aviez été créatrice de bijoux. Exercez-vous encore cet art ? pouvez-vous nous en dire plus ?
Jackie Paternoster : Les bijoux c’est une vieille histoire.
En débarquant à Paris du Burundi avec l’intention de faire une école d’art, il a fallu que je trouve le moyen de gagner de l’argent. J’étais seule avec un petit garçon de deux ans et demi. J’ai commencé à fabriquer des bijoux en cuivre. A sertir des galets trouvés sur les berges de la Seine. Le soir j’allais vendre ma production à la Coupole. Ça marchait très bien. J’habitais deux chambres rue du Dragon sous les toits. A côté de Met de Penninghen ou j’ai commencé ma formation pour la préparation au concours des Arts Déco.
Après l’ENSAD j’ai continué à faire des bijoux et des expos de dessins et peintures.
C’était une époque de grande créativité. L’artisanat florissait. Des boutiques, qui s’achalandaient avec la production des artistes-artisans, s’ouvraient un peu partout.
Jean Dinh Van m’avait prêté une partie de son atelier. C’était vraiment gentil. J’’y avais déployé mes plaques de cuivre, laiton et maillechort à côté de son or et de ses pierres précieuses. De temps en temps je lui faisais quelques dessins.
J’ai crée une collection de bijoux pour le grand couturier Jacques Estérel. Nous l’avions surnommée le COOK-ART. Les pièces étaient fabriquées essentiellement avec des couverts et ustensiles de cuisine. Tout marchait bien : j’avais des émissions de télé avec Micheline Sandrel, de la presse. Pendant toute cette période j’avais conservé mon nom de femme mariée. Dessins, bijoux, peintures tout était signé Gastellier. J’ai d’ailleurs fait une couverture pour un recueil de nouvelles décliné en quatre tomes pour les Editions Seghers en 1975 signée Gastellier.
 Ce fut bien plus tard que j’ai accepté dans une PME une place de chef–créateur (c’est comme cela que c’était indiqué dans l’organigramme de l’usine).

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A suivre…

ActuSF : Peut-on voir vos œuvres ailleurs que sur les livres ?
Jackie Paternoster : Une galerie virtuelle m’est consacrée sur le site Quarante-Deux.

ActuSF : Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Jackie Paternoster : Le quinzième ou vingtième dérivé de Dune. 

ActuSF : Et si vous aviez un rêve d’illustratrice à réaliser ?
Jackie Paternoster : Une Annonciation. Cette merveilleuse histoire est digne de la littérature de SF.

ActuSF : Quid du mystère autour de votre personne ? On connaît vos œuvres, votre nom, mais on ne vous voit guère sur les salons de SF, on ne lit rien à votre sujet dans la presse spécialisée. Est-ce voulu ?
Jackie Paternoster : Je vais régulièrement  au Déjeuner du Lundi et j'ai participé à Visions du Futur.  C'est vrai que ces derniers temps je n'ai pas cherché spécialement à exposer quoique ce soit. Je tiens à vous  remercier de m'avoir permis d'être bientôt sur votre site. Cela lèvera le voile qui semble planer sur moi.

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