Auteur sino-américain, émigré aux USA à 11 ans, Ken Liu a plusieurs cordes à son arc : un doctorat en droit, des connaissances avancées en programmation informatique, et une activité de traducteur du chinois ; il a en plus un talent certain pour l'écriture. En une petite dizaine d'années, il se fait amplement remarquer dans la littérature de genre, science-fiction comme fantasy, en gagnant quelques prix littéraires, comme le Hugo, le Nebula, ou encore le World Fantasy. La Ménagerie de papier est un recueil de certaines de ses nombreuses nouvelles (plus d'une centaine à ce jour), pour offrir, pour la "première fois" en France, une vision de son œuvre brillante ; le tout servi par une magnifique couverture signée Aurélien Police. Signalons que la défunte revue Fiction avait déjà publié quelques nouvelles de cet auteur, et que l'on peut retrouver d'autres textes maintenant dans certains numéros de la revue Bifrost (Le Bélial), ou encore dans la nouvelle collection Une Heure Lumière avec l'excellent L'homme qui mit fin à l'histoire.
19 nouvelles soignées et sélectionnées avec soin.
Avec La Ménagerie de papier, les éditions Le Bélial et Ken Liu font une sélection drastique et aiguisée de la riche production de l'auteur, pour en retirer les textes préférés, récompensés, et servir ainsi au public français une vision globale des talents de Ken Liu.
On y retrouve de nombreuses références à des sujets qui sont chers à l'auteur : l'humanité, la mémoire, l'importance des origines, la communication sous toutes ses formes, la technologie.
Si on peut, à l'issue de la lecture, avoir un certain sentiment d'inégalité dans la qualité des textes, c'est bien parce que certains sont particulièrement intenses. On remarquera la saisissante nouvelle qui donne son titre au recueil, "La ménagerie de papier" (Nebula 2011, Hugo 2012, World Fantasy Award 2012), dont la douce note fantastique berce le lecteur par une poésie maîtrisée, deux personnages extrêmement touchants, et un sentiment de déchirement autant que d'amour. Le lecteur se laisse porter par l'amour d'une mère pour son fils ; amour tel qu'il est capable d'insuffler la vie à de simples bouts de papier...
On sera aussi saisi par "Mono no Aware" (prix Hugo 2013), qui tient plus de la SF cette fois-ci, mais qui reprend le thème de l'importance de la mémoire de ses origines, des relations parent-enfant, et de la culture asiatique. Imaginant un peuple survivant dans un vaisseau, chacun doit se reconstruire sans oublier d'où il vient pour ainsi être un référent d'une culture à jamais disparue. L'écriture douce, fluide, pesante, captera le lecteur jusqu'aux derniers instants décisifs crève-cœur. Ken Liu nous y transmet son amour de la culture asiatique dans sa simplicité, et son art dont la calligraphie. On y comprend la justesse d'écriture de l'auteur.
Il ne faudrait pas en dévoiler plus. Foncez découvrir ou redécouvrir tout le talent, la justesse, et l'habileté de Ken Liu à travers cette belle sélection de 19 nouvelles qui sauront, à coup sûr, vous capter, vous faire réfléchir, vous émouvoir. Qu'est-ce qui rassemble ces 19 textes qui jonglent entre SF, fantastique et fantasy ? Leur profonde humanité. Il serait alors bien dommage de classer ce livre dans la littérature de genre alors qu'il tient plus de la littérature universelle.