Si de grands noms de la science-fiction tiennent la plume dans ce recueil, les véritables auteurs sont en réalité les Beatles, Janis Joplin ou Jimi Hendrix... Stephen Baxter, Michael Moorcock et les autres membres du groupe ne sont finalement que des interprètes talentueux de la vie de quelques-uns des demi-dieux les plus puissants de la mythologie rock. Une anthologie constituée de cinq nouvelles, cinq univers parallèles qui divergent finalement assez peu du nôtre, l'énergie dégagée par le rock'n'roll possédant un certain nombre de points communs avec la magie. Par la grâce du King omniprésent, on jurerait même parfois avoir entendu en lisant la plainte de guitares saturées s'élever de certaines pages électriques. Let there be rock !

 

 

Stephen Baxter passe en première partie avec "Le douzième album" des Beatles, celui qu'ils auraient pu enregistrer si, dans notre univers parallèle, les Fab Four n'avaient décidé de mettre fin à leur collaboration. La salle s'échauffe doucement avec cette nouvelle qui ne séduira probablement que les plus ardents zélateurs des quatre garçons dans le vent car les spéculations de l'auteur au sujet des chansons qui auraient pu figurer sur cet improbable vinyle sont presque aussi scientifiquement argumentées que les lois de la physique qui constituent l'arrière-plan de ses romans de hard-SF... "La tournée" qui se poursuit avec le second texte aura nécessité l'intervention de trois auteurs à elle seule : Gardner Dozois, Michaël Swanwick et Jack Dann. Sans surprise mais nettement plus convaincante, c'est un émouvant hommage à tous les rockers décédés et à la magie du live.

 

 

Walter John Williams nous le prouve en exécutant un solo magistral et nous présente la biographie d'"Elvis le rouge", le seul rocker américain connu à être passé à l'Est. Guidé par les mânes de son frère mort-né, le King se rebelle contre le système. Dans l'ambiance anticommuniste des années cinquante, la voie du rock se devait de suivre celle du marxisme-léninisme afin de conserver intacte la révolte qui sourd de ses rythmes diaboliques. Et puisqu'il est question de solo, impossible de se priver de celui de Michael Moorcock : Jimi Hendrix y est "Un chanteur mort" qui revient des enfers pour nous donner un peu de recul sur toute une époque. Vivre vite et mourir jeune, quel slogan stupide, finalement... La charge émotionnelle du texte est renforcée par la brève postface de Moorcock, dans laquelle le lecteur apprendra comment il a réellement croisé la route du dieu de la Stratocaster dans le Swinging London des années soixante. Et pour conclure, le final impeccable de Ian R. MacLeod. Si la légende ne devait retenir qu'une seule histoire d'Alternative rock, "Snodgrass" mériterait d'être gravée sur le marbre du Rock'n'roll Hall of Fame. Imaginez les Beatles sans l'énergie du plus rebelle d'entre eux : de la variété ! Cette page de la vie d'un John Lennon cynique et désabusé a la puissance triste des histoires de John Fante ou Charles Bukowski. C'est en effet vers les récits de ces losers remarquables qu'il faut regarder plutôt qu'en direction de la science-fiction, qui se trouve ici réduite à la portion congrue. Nous garderons longtemps en mémoire le portrait pathétique d'un docteur Winston O'Boogie indomptable, refusant tous les compromis même si cela doit lui coûter la part de gloire à laquelle ont eu droit ses anciens partenaires. Souvenons-nous que c'est John Lennon qui a composé la chanson des Beatles I'm a loser !

 

Aussi efficace et courte qu'un titre de Buddy Holly, Alternative rock a sa place dans les meilleures discothèques pour nous rappeler que le rock'n'roll a changé la face du vingtième siècle et contribuera à renouveler le visage des suivants. C'est l'accord presque parfait. Seul bémol, mais il est mineur, les références ne dépassent guère l'an 1970, ce qui risque de sembler préhistorique aux plus jeunes d'entre les lecteurs (mais cela peut être facilement corrigé par de prochaines compilations...)