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Interview de Christophe Quet
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Interview de Christophe Quet

Actusf : Je viens de relire votre biographie, y'a des études de lettre option cinéma, d'architecture intérieur... Il n'y a pas beaucoup de Bande Dessinée là dedans... (rire). Comment est née votre passion pour la BD ?
Christophe Quet : En fait si, y'avait quand même de la BD quand j'étais à la Fac. C'était Image, spectacle et audiovisuel et on analysait les films et la BD. Mais bon, y'a pas besoin de faire des études de BD pour en faire. Nicolas Malfin a d'abord été en sciences à la Fac.

Actusf : Et vous ado, qu'est-ce que vous lisiez en Bd ?
Christophe Quet : J'étais un gros lecteur de comics. Les premiers c'était les X-Men. C'est avec ça que j'ai commencé à apprendre à dessiner. Et puis après ça a été Métal Hurlant avec des gens comme Moebius, Druillet... Et à la faculté, j'ai été pris par la vague japonaise avec Akira etc.

Actusf : Y'a un moment où vous vous êtes dit, "c'est ça que je veux faire" ?
Christophe Quet : En fait, c'est l'inverse. Y'a un moment ou j'ai dit : "je vais faire autre chose". Mais ça a été très court... J'étais partit soit vers comédien puis vers cinéaste avec mes études. Mais bon, vu tout ce qu'il y a gérer et tout ce que ça cause comme problèmes... faire de la BD, me convient bien. (rire). Et puis j'ai toujours fait du dessin depuis tout petit. J'ai des souvenirs de Spirou ou je découpais les personnages pour jouer avec sur la table de la salle à manger. Mon père m'avait alors dit : "tu n'as qu'à les dessiner toi même et à les découper. Ca nous évitera de t'acheter de BD". C'est comme ça que j'ai commencé le dessin...

Actusf : Vous êtiez du genre à crayonner dans les marges de vos cahiers...
Christophe Quet : Ouais... Et puis c'est vrai que dans mon lycée d'architecture intérieur, on avait plus de 40 heures de cours par semaine dont plus de 27 heures pendant lesquels on dessinait...

Actusf : C'est un truc qui vous a apporté quoi dans votre dessin l'architecture d'intérieur ?
Christophe Quet : La notion du volume pour tout ce qui est narration. Je m'appuie beaucoup sur les décors pour le récit du livre. Maîtriser le volume, ça aide aussi mon scénariste sur les grands décors pour qu'il puisse se repérer. Et puis les études de cinéma m'ont ensuite beaucoup apporté par exemple pour les axes de narration au niveau cadrage. Et puis j'ai aussi appris à raconter une histoire avec des images.

Actusf : Justement on dit que vos planches sont très "cinématographique", et je mets des guillemets. Vous êtes d'accord avec ça ?
Christophe Quet : Oui. En fait c'est une illusion d'optique. Le cinéma c'est un écran fixe dans lequel il y a une image qui bouge. Alors qu'une BD, c'est une succession d'images fixes avec l'oeil qui bouge. Donc il faut savoir en tenir compte. Et puis un album c'est de la lecture. Donc on est forcé de commencer par le début en haut à gauche pour finir en bas à droite. Il y a aussi la notion de volume bien marqué et de champ contre-champ. Olivier Vatine la première fois m'a demandé si je connaissais. Je lui ai dit "bah bien sûr. Je sais l'axe qu'il ne faut pas dépasser etc". On se sert de ce genre d'astuces pour Série B. Je sais aussi que quelques fois cet axe là on est obligé de le casser et je sais qu'il y a des points de ruptures qu'on peut faire par exemple à la fin d'un strip. Tout dépend du scénario. Je fais attention à où je vais mettre mes cases dans les planches et après à ce que je vais mettre dans mes cases. C'est difficile à expliqué comme ça. C'est instinctif. Ca fait partie de mon style. On peut le décrire sommairement mais après entrer le détail, nous même on ne sait pas toujours pourquoi. Y' a des tics de narration comme il y a des tics de dessins.

Actusf : Qu'est-ce que vous aviez envie en terme de dessin avec travis ?
Christophe Quet : On avait envie de faire de la série B intelligente. De la BD de genre mais avec du fond. Attention, sans faire une BD politique. Mais on veut distraire les gens avec des ambiguïtés, des nuances... On en profite aussi pour dénoncer le système ultralibéral derrière. Et puis on voulait mettre l'accent sur des personnages forts mais qui ne soit ni tout blanc, ni tout noir. Et puis visuellement on voulait que le lecteur le lise facilement, qu'il aime et qu'il ait envie de le relire. Mais qu'il y ait aussi pas mal d'info. A boire et à manger (rire)

Actusf : Une série d'aventure avec du fond...
Christophe Quet : Voilà c'est ça. On ne voulait pas un scénario qui tienne sur un ticket de métro. Mais on ne voulait pas un truc intellectuel non plus.

Actusf : D'où les deux personnages...
Christophe Quet : Oui. D'où aussi les rebondissements... C'est toujours difficile de dire ce qu'on veut faire sur tout un cycle parce que souvent nous même on ne sait pas trop où on va arriver à la fin. Du plaisir pour les lecteurs mais sans être consensuel.

Actusf : Et comment est née l'idée du dédoublement de la série avec Travis et Vlad ?
Christophe Quet : En fait le personnage de Vlad était très intéressant et on avait idée de lui consacré un spin off. Mais finalement, il est tellement ancré dans Travis... Et comme je ne peux pas dessiner deux fois plus vite, on a dessiné de prendre un autre dessinateur pour que Vlad puisse se développer, tout en intégrant son album dans la série. On voulait faire un peu comme Stan et Vince dans Vortex avec une arborescence, même si eux l'on poussé à l'extrême. On avait même eu l'idée de faire les boards que j'avais fait sur les deux albums pour les mettre un peu face à face. On aurait pu voir chaque personnage évoluer selon les moments de la journée. On commençait la même matinée avec les deux puis on les voyait évoluer le midi, l'après midi... et après ils se rejoignaient à la fin. Bon finalement, on a préféré faire deux fois 46 pages. j'ai juste fait les board du 6.1 en même temps que le 6.2. Et puis je faisais en même temps le Hauteville House. J'ai travaillé cette année là sur trois albums ! (rire)

Actusf : Le nouvel album c'est celui de la réunion...
Christophe Quet : Ben disons que Vlad et Travis se rejoignaient à la fin des 6.1 et 6.2. A la fin on voit qu'il y a deux visions de la même chose par deux personnages différents. Vlad est un mercenaire qui veut arrêter mais qui est rattrapé par son passé. Et c'est un passé commun avec Travis et qui a aussi une influence sur la journée de Travis. Mais lui ne le sait pas. C'est à dire qu'à un moment donné, ils ont des informations différentes. Les deux subissent des événements qu'ils vont recouper au début du tome sept et se mettre à nouveau ensemble. Vlad sait très vite qui est derrière les ennuis qu'ils ont tous les deux. C'est un peu compliqué... (rire)

Actuf : Vlad se passe à Istanbul. C'est une belle source d'inspiration ?
Christophe Quet : En fait c'est surtout Fred Duval le scénariste qui était partit en vacances là bas. Du coup Il y a placé l'action. Après sur l'album Travis 6.2, c'est Ludwig Alizon qui a fait les dessins. Donc moi je n'ai juste fait que les storyboards. Et puis il se sont facilité la tache avec une ville reconstruite après un tremblement de Terre. Après l'avantage de ce genre d'album, c'est qu'on voyage. On avait le même guide touristique Alizon, Dubal et moi pour travailler. Pour les décors, pour savoir où se trouvait le scénario etc.

Actusf : Je vous sens très impliqué dans Travis. Vous bosser beaucoup avec Fred Duval sur le scénario ?
Christophe Quet : J'interviens en fait beaucoup sur la forme plus que sur le fond. Sur ça c'est vrai qu'on bosse beaucoup ensemble. Après y'a des fois où je lui propose des idées, parfois c'est l'inverse. En fait il me laisse surtout beaucoup de liberté sur les scènes d'actions. C'est vrai que j'ai appris à les gérer et que je m'amuse beaucoup à les faire. C'est un jeu de ping-pong. Et puis maintenant ça fait quelques années qu'on bosse ensemble donc on se connait bien. Sur le tome 5, la scène avec la Tour Eiffel n'était pas prévue à la base. On en a parlé dans le train en allant chez Delcourt.

Actusf : Ca ira jusqu'où Travis ?
Christophe Quet : On continue tant qu'on a des choses à dire et que les gens aiment bien la série. On a fait des personnages très riche. Et je pense qu'on peut encore les enrichir et creuser. C'est comme l'univers. Il est vaste, proche du notre et en même temps assez éloigné pour nous offrir de multiples possibilités. Par exemple le Travis 6.1 est plus intimiste. Il se passe dans des lieux complètement délabré. Mais le tome 4 se passait dans une station orbitale très SF. Le 5 était une sorte de James Bond qui commence à Paris et se finit dans une base sous-marine... On peut donc partir dans pleins de direction. Le prochain par exemple on va aller sur la Lune. Avoir autant de liberté sur un univers, c'est génial. J'ai fait dessiné de l'espace, de la jungle, des villes...

Actusf : Je vous sens avoir beaucoup de plaisir avec cette série... Vous donnez l'impression de vous éclater.
Christophe Quet : Y'a des fois c'est un peu dur quand on refait 15 fois le même robot (rire). Là je reviens de vacances, je suis plus détendu (rire). Non, c'est vrai que c'est une série qu'on aime bien. Je dis pas que j'ai pas envie de faire d'autres choses. Mais c'est une série qui me convient bien et dans laquelle je me sens bien. Donc tant que j'ai du plaisir à la faire, je continue. Et puis je veux dire aussi qu'on peut très bien faire une série et s'y renouveler. Le prochain cycle de Travis ne sera pas moins bien ou mieux que le premier. Il sera différent. Y'a des thèmes qui sont aussi fort. Et j'espère que les gens trouveront ça bien.

Actusf : Et quels sont vos relations avec les lecteurs justement ? Quels liens avec vous avec eux après toutes ces années ? J'imagine qu'ils ont envie de discuter avec vous...
Christophe Quet : Pas tant que ça en fait. Y'a deux publics. Y'a ceux qu'on voit en festival : les passionnés, les fans. Et puis il y a tous les autres les lecteurs qu'on ne rencontre pas. Le plus valorisant, c'est de voir des gens réagir en lisant la BD. Je me souviens pour le tome 2, on voit Travis qui donne un coup de poing à Vlad. Et j'ai une copine qui en le lisant s'est exclamée : "ah enfin ! Il frappe ce salaud. Bien fait". (rires). Ca veut dire que le personnage fonctionne. On a là plutôt bien réussit notre coup.

Actusf : Vous avez ou vous êtes lecteur de science-fiction ?
Christophe Quet : Oui surtout ado. Je le suis moins maintenant. Aujourd'hui je suis un peu plus polar ou littérature blanche. A une époque, j'ai beaucoup lu de cyberpunk. Gibson, Williams... Puis aussi des auteurs français à la fin des années 90. Aujourd'hui j'essaie d'élargir mes lectures parce que tout auteur doit multiplier ses influences. Faut se nourrir de littérature, d'Histoire, de cinéma, de peinture, de sculpture...

Actusf : Et y'a des moments où vous vous dites, "ce passage là, cette ambiance, j'aimerais bien le dessiner" ? Y'a parfois des influences directes ?
Christophe Quet : Non je ne crois pas. En fait on accumule les images et après c'est la mémoire qui fait le filtre. Enfin moi je fonctionne comme ça. Et puis je vais acheter un bouquin sur les avions, sur un film etc ... en me disant "ça servira peut-être plus tard". Je m'en inspire. Et puis y'a des fois, je vais dessiner sur mon carnet de croquis des choses que je vois et je les réintègre dans les BD plus tard. Par exemple, le robot tarentule qu'on voit dans Travis, je l'ai fait à partir de legos. Je l'ai construit. J'avais juste le jouet et une photo comme point de départ.

Actusf : Pour revenir sur le tome 7, qu'est-ce qu'on peut en dire pour les lecteurs ?
Christophe Quet : C'est difficile parce que c'est une fin de cycle... C'est sans doute l'album le plus tragique de la série. Y'a des changements radicaux. Et puis il y a beaucoup plus d'action que l'album d'avant et avec beaucoup de surprises et de destructions (rires).

Actusf : Quels sont vos projets ?
Christophe Quet : Travis 8 avec ke début d'un nouveau cycle. Et puis j'ai commencé à travaillé sur Hauteville House -3. Et puis peut-être faire une histoire courte pour Les chroniques de Sillage. Ca me ferait travailler mon dessin, avec des trucs un peu plus mangas, un peu plus toon...

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